Fences

Trop long, un peu bavard, mais quelle force, quelle profondeur !
De
Denzel Washington
Avec
Denzel Washington & Viola Davis
Notre recommandation
4/5

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Lu / Vu par

Thème

Se déroulant à Pittsburgh, dans les années 50, « Fences » met en scène un homme noir, à la fois mari (infidèle) et père (autoritaire), qui, par orgueil, obstination, frustration et autodestruction mêlés,  va "foutre" en l’air sa vie, et celle de ses proches…

Pour nourrir sa famille, Troy Maxon , un imposant gaillard à la  cinquantaine séductrice, s’est résigné à être éboueur. Il a beau porter beau, raconter, comme personne, des histoires tordantes,  subjuguer son entourage, s’occuper le mieux possible de son frère, handicapé à la suite d’une blessure de guerre, être aimé par sa femme et avoir de l’autorité sur ses enfants, il n’a toujours pas digéré  de ne pas avoir pu intégrer une équipe de base-ball professionnelle,  du fait de la couleur de sa peau. 

Cette blessure aurait pu finir par se cicatriser, elle va le ronger, le détruire à la manière d’une gangrène, petit à petit, et dans des douleurs psychiques de plus en plus insupportables. Malgré une promotion dans son boulot,  Troy va s’autodétruire, en s’attaquant à ce qu’il a de plus cher au monde, sa femme, à qui il va  finir par avouer qu’il la trompe, et ses enfants, envers lesquels il va se comporter en despote, en  les privant de tout, en les humiliant pour rien, et en les rabaissant de plus en plus violemment à leur condition d’enfant dépendant de leur père…

Evidemment, cela se terminera par un naufrage.

Points forts

Quelle histoire que celle de cet homme, qui, par haine de ceux qui l’ont contraint abdiquer ses rêves, se venge en détruisant ses proches ! Elle est d’autant plus passionnante  à suivre que s’y dessine, en filigrane, celle des noirs américains vivant à l’époque ségrégationniste. Sont abordés dans ce « Fences » à peu près toutes les conséquences sociales et individuelles du racisme, de l’amertume à la violence, en passant par les frustrations et autres sentiments d’injustice. On comprend que ce portrait de l’Amérique noire des années 50 à travers celui d’un homme, ait valu  à son auteur, August Wilson, le Prix Pullitzer 1987 .

Denzel Washington  est époustouflant  dans le rôle de Troy. Sans jamais sembler reprendre son souffle, le comédien manie tour à tour, et avec la même sincérité, douceur et colère, séduction et terreur, amour et haine,  résignation et révolte, bonhommie et dureté, vivacité et lourdeur,  paternité attentive, puis indigne, etc… Oscillant sans cesse, à toute vitesse, entre les extrêmes des actes, des sentiments et des émotions, il fait penser à une sorte de Janus des temps modernes, sans qu’on devine jamais quel visage l’emporte sur l’autre. Il hypnotise le spectateur, le laisse pantois.

Face à lui, les autres comédiens ne déméritent pas. Surtout Viola Davis qui interprète le rôle de sa femme. Quand Denzel Washington avait joué « Fences » sur scène, cette actrice (souvent nommée et récompensée) avait été sa partenaire pour ce même rôle. On comprend qu’il lui ait demandé de revenir l’accompagner pour cette aventure cinématographique. Elle est bouleversante.

Quelques réserves

Il est dommage que la réalisation ne suive pas. Plate, centrée sur le personnage de Troy,  abusant des gros plans, elle rabaisse ce drame magnifique  au rang d’un genre souvent déprisé  par les cinéphiles : celui du « théâtre filmé ». C’est d’autant plus rageant que le texte d’August Wilson, bourré d’arrière-plans, et qui touche à l’universel, méritait une meilleure mise en perspective.

On peut regretter aussi la scène d’entrée, un soliloque trop long, qui confine à la grandiloquence. Heureusement, après ce « patinage » verbal, le film prend enfin son envol, et on ne le lâche plus jusqu’à la fin, malgré le manque d’inventivité de la réalisation.

Encore un mot...

Faut-il recommander ce « Fences » ? Sans hésiter, on répond par l’affirmative. Car emporté par le propos du film et par l’extraordinaire prestation de l’acteur Denzel Washington, on pardonne  toutes ses maladresses au réalisateur du même nom.

Le film (2h18) est un peu trop long ? Certes, mais quel portrait d’un homme et d’une famille,  quelle tranche de vie, quelle matière pour donner à réfléchir sur l’amitié, l’amour, le sens du devoir, l’honnêteté et, aussi, la différence et le racisme ! 

C ‘est un peu trop bavard ? Mais sous le verbiage, l’intelligence est étincelante, l’émotion, à fleur de mots, et le ton, souvent drôlatique, dépourvu de toute vulgarité. 

« Fences » est un film dont on se dit qu’il restera, malgré ses défauts, inoubliable. Pour Troy. Pour celui qui l’incarne.

Une phrase

- « Il faut quand même dire qu’August Wilson a écrit un chef d’œuvre et Dieu seul sait pourquoi il touche les gens. C’est toute la beauté de sa création. Venez voir le film, et vous essaierez de comprendre pourquoi ». ( Denzel Washington).

- «La caméra capte ce qui transparaît sur votre visage… Si vous n’êtes pas sincère et que vous n’êtes pas fidèle à votre personnage, elle va le voir, et ca se retrouvera à l’image. Plus on s’attache à un contexte bien particulier, plus on est universel ». ( Denzel Washington).

L'auteur

Né le 28 décembre 1954 à Mount Vernon (Etat de New York), Denzel Washington est l’un des comédiens afro-américains les plus vénérés, les plus prolifiques, les plus éclectiques, le plus engagés et les plus récompensés de sa génération. Et cela, sans exagération superlative !

Acteur fétiche de Tony Scott (cinq longs métrages dont « Man on Fire) et  de Spike Lee (dont l’inoubliable « Malcolm X,), il a été  notamment deux fois oscarisé. En  1989,  il a reçu l’Oscar du meilleur second rôle masculin pour « Glory » d’Edward Zwick et, en  2002, il a remporté celui  du meilleur acteur pour sa prestation  de policier ripoux dans « Training Day » d’Antoine Fuqua. 

Parmi ses films marquants, « A l’Epreuve du feu », d’Edward Zwick, en 1996 ; « John Q », de Nick Cassavetes en2002; «American gangster », de Ridley Scott en 2007; et « Equalizer » d’Antoine Fuqua, en  2014.

C‘est sur les planches (avec Shakespeare) que ce comédien de confession chrétienne, marié et père de quatre enfants, a commencé sa carrière. Et il n’a cessé de trouver le temps d’y revenir, malgré la cinquantaine de films qu’il a tournés  au cinéma depuis 1979, et aussi ses nombreuses incursions à la télévision.  Il a, entre autres, connu un triomphe à Broadway  en 2010, avec « Fences », qui s’est soldé, pour lui, par l’obtention d’un Tony Award. Pour cette pièce phare, écrite en 1983 par August Wilson, l’un plus grands dramaturges américains du XXème siècle, Denzel Washington a décidé  repasser, pour la troisième fois, derrière la caméra, tout en s’adjugeant le rôle principal. Il a bien fait. Le voilà, de nouveau en lice, cette année, pour l’Oscar du meilleur acteur. 

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