La Prière

Sans prosélytisme: une rédemption en vie communautaire. Impressionnant
De
Cédric Kahn
Avec
Anthony Bajon, Damien Chapelle, Louise Grinberg
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

La vie en communauté et la prière pour décrocher de la drogue…

Thomas (Anthony Bajon) a 22 ans. Pour tenter de sortir de l’héroïne, il va rejoindre une communauté isolée dans la montagne, dont les membres, également tous d’anciens drogués, tentent d’échapper à l’enfer de leurs addictions par le travail, la prière et le chant religieux.

C’est le récit de son chemin vers la rédemption que Cédric Kahn va nous  proposer. Ce parcours sera rude, jalonné de doutes, de révoltes, de fugues, de longs moments de découragement et de crises dues au manque.

Mais Thomas finira par être touché par la grâce, sans renoncer pourtant  ni à l’amour ni à la sensualité.

Points forts

- Raconter une histoire de rédemption par la prière, sans l’accompagner de prosélytisme… C’est très fort. Cédric Kahn donne une explication à ce « mystère » : si la pratique religieuse est le centre visible de son film, son vrai sujet est celui de la reconstruction du lien social. Au delà des prières, ce qu’apprend son héros, c’est le sens du partage et la vie en communauté. Rien de mieux que l’apaisement intérieur qu’ils procurent pour une réinsertion, une « resocialisation ».  

- Tourné dans la splendeur rude et silencieuse d’un plateau de l’Isère,  La Prière touche par son authenticité. Il est vrai que, si ses personnages sont fictifs, en revanche, le genre de communauté dans laquelle ils vivent, existe. Pour préparer son film, Cédric Kahn a intégré l’une d’entre elles. Par ailleurs, lui, l’agnostique élevé dans une stricte laïcité, est allé à la rencontre de gens très croyants.

- Le cinéaste a su repousser la tentation du voyeurisme et du spectaculaire auquel son sujet aurait pu l’entrainer. Il filme La Prière avec sobriété, pudeur et dépouillement. Cette « ascèse » formelle incite  le spectateur  à la concentration et, par ricochet, suscite, chez lui, une sorte de « recueillement ».

- On l’avait vu dans Les Ogres, de Léa Fehner, Rodin de Jacques Doillon ou encore dans le  Maryline de Guillaume Gallienne. Mais ici, dans le personnage de Thomas, le jeune Anthony Bajon crève l’écran, époustouflant de justesse, d’intériorité, de candeur et aussi de violence contenue. Il vient d’ailleurs de remporter l’Ours d’Argent du meilleur acteur au festival de Berlin.

- Exceptée Hanna Schygulla, formidable de douceur et d’autorité dans son rôle (inattendu) de bonne sœur, les comédiens qui entourent Anthony Bajon sont tous (ou presque) des amateurs. Mais leur présence et leur engagement les hissent au niveau d’acteurs confirmés.

Quelques réserves

La prière comme  moyen de sortir de l’enfer des addictions et de s’ouvrir au monde… Cette proposition risque de déranger certains.

Encore un mot...

Décidément, en ce début du XXI° siècle, la foi inspire de nombreux cinéastes. Après le très poignant Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois, le passionnant L’Apparition de Xavier Giannoli, et juste avant, également, le courageux Marie-Madeleine de Garth Davis (qui sort le 28 mars), voici donc cette semaine La Prière. Aucune ressemblance scénaristique entre ces films, si ce n’est qu’ils parlent tous, par le biais d’histoires et d’époques diverses,  des effets, bienfaisants ou déstabilisants -c’est selon-, de la spiritualité.

Ce qui est étonnant, c’est que pas un des films précités, dont, précisons-le, aucun n’a été réalisé par un pratiquant, ne tombe dans la banalité ou la médiocrité. On sort de chacun d’entre eux en ayant surtout foi dans… la force narrative et émotionnelle du cinéma.

Une phrase

« Si on y pense, tout est question de foi dans la vie, l’amour, la passion, l’engagement. Moi par exemple, je crois en la mystique du cinéma. Une séquence réussie, c’est toujours un miracle, la conjonction un peu magique des éléments » (Cédric Kahn, réalisateur).

L'auteur

Taraudé par le cinéma dès sa plus tendre enfance, Cédric Kahn, né le 17 juin 1966 dans la Drôme, monte à Paris, tout de suite après l’obtention de son bac. En quelques années, il parvient à se créer un chemin dans le milieu du cinéma et, en 1986,  devient l’assistant du monteur Yann Dedet sur le film de Maurice Pialat Sous le soleil de Satan.

Dès lors sa carrière va s’accélérer. En 1989, il signe son premier court métrage, en 1990, son premier scénario (avec Brigitte Rouan), et en 1993, il réalise son premier long métrage, Bar des rails, qui est sélectionné pour Venise.

Pour fuir l’étiquette de « cinéaste naturaliste » qu’on lui a tout de suite collée,  il va faire preuve d’un bel éclectisme dans le choix de ses sujets. En1998, il décroche le prix Louis Delluc pour l’Ennui, tiré du livre de Moravia, En 2001, il est sélectionné à Cannes  pour Roberto Succo, inspiré par le parcours du tueur en série italien ; en 2004, c’est Feux rouges, un thriller adapté d’un roman de Simenon ; en 2005, l’Avion, qui porte à l’écran une bande dessinée.

Avant la Prière, il signera encore Les Regrets (scénario original), Une Vie meilleure et, il y a trois ans, La Vie sauvage, avec Mathieu Kassovitz.

Et aussi

- « La Finale » de Robin Sykes

 C’est l’histoire d’un tandem comme le cinéma en génère tant, un duo de deux êtres désassortis qui, théoriquement, n’ont donc rien à faire ensemble, mais à qui on va faire vivre une aventure commune, bourrée de rebondissements et d’effets comiques.

Soit, pour cette Finale, un ado aussi enthousiaste qu’égoïste qui, pour ne pas rater la finale de basket qu’il doit disputer à Paris, va emmener avec lui le grand-père atteint par la maladie d’Alzheimer et dont il a la charge. Evidemment le road movie de ces deux-là ne va pas aller de soi…

Dommage que le scénario de ce premier film signé Robin Sykes soit par moments cousu de fil trop blanc… parce que côté casting, il est très réussi. Le grand-père qui oublie tout est joué par un Thierry Lhermitte  au meilleur de sa forme. Le jeune sportif, lui, est incarné par un comédien très prometteur, Rayane Bensetti. Son énergie et la sympathie qu’il inspire font irrésistiblement penser à Kev Adams. C’est dire s’il dégage !

Au dernier festival de l’Alpe d’Huez, cette Finale était repartie avec deux récompenses, le Grand Prix du Jury et le prix d’interprétation pour Thierry Lhermitte.

RECOMMANDATION : BON

 

- « Après la guerre » d’Annarita Zambrano

Condamné pour meurtre au début des années 80, dans son Italie natale, Marco, ancien militant d’extrême gauche, a refait sa vie à Paris où il élève seul sa fille, une adolescente prise dans les tourments de son âge. En 2002, l’assassinat d’un juge à Bologne va le remettre sur la sellette, puisque cet assassinat a été perpétré par un groupe qui a choisi de porter son nom. Pour échapper à l’extradition demandée par son pays, l’ancien militant va tenter de prendre la fuite avec sa fille. Cette affaire va parallèlement jeter de nouveau le discrédit sur le reste de sa famille restée en Italie.

Jusqu’à présent le cinéma italien s’était surtout attaché à reconstituer  les évènements les plus sanglants des années de plomb. Après la guerre est le premier film qui s’intéresse aux répercussions de ce terrorisme vingt ans après. Aussi subtil que passionnant et sobre, ce film signé de l’italienne-parisienne Annarita Zambrano avait été sélectionné à Cannes dans la sélection Officielle, Un certain regard. Non seulement c’est un beau film, mais c’est un film précieux, essentiel, qui éclaire l’histoire récente de l’Italie.

RECOMMANDATION : EXCELLENT

 

- « Mektoub my Love » d’Abdellatif Kechiche

Cinq ans après La Vie d’Adèle, Palme d’or du Festival de Cannes 2013, voici  le nouvel Abdellatif Kechiche. De quoi s’agit-il ? D’un film  (le premier d’une trilogie) sur le désir et la  sensualité.

En 1994, Amin, un jeune homme timide, renfermé et qui vit à Paris dans l’espoir de devenir, sinon cinéaste, du moins photographe, débarque à Sète, sa ville natale, pour des vacances d’été. Il va les passer à observer ses ami(e)s qui  flirtent, dansent, font l’amour, et paradent, sans vergogne ni retenue, sur les plages et dans les boîtes de nuit.

Pendant trois heures montre en main, Abdellatif Kechiche va donc filmer ces jeunes gens là, et surtout ces jeunes filles là, dans la frénésie de leurs pulsions et de leurs désirs, avec une sensualité rarement vue à l’écran.

Parce que le cinéaste est un homme aussi généreux que convivial, qu’il est, un formidable directeur d’acteurs et qu’en plus il a un sens rare du cadre et de la lumière, son film est, formellement, magnifique.

En ce qui concerne le contenu, c’est un autre problème. Face à l’inexistence de scénario et de dialogues, ses comédiens  ont été dans l’obligation d’improviser. Comme leur bavardage n’est pas toujours transcendant, on finit par trouver certaines  scènes interminables.

Certains, crieront au génie, d’autres, à l’ennui. Quel que que soit leur verdict, reste le culot impressionnant du réalisateur qui n’hésite pas à traquer, au plus près, le désir des corps. L’œil est comblé.

RECOMMANDATION : BON

 

- « The Captain, l'usurpateur »  de Robert Schwentke

1945. L’Allemagne est sur le point de capituler. Son armée, en pleine déroute, traque ses déserteurs et les extermine sans aucune pitié. L’un d’eux, Willi Hérold, un jeune fantassin de dix-neuf ans,  trouve un uniforme de capitaine. L’habit va faire le moine. Ivre du pouvoir que lui confère son nouvel uniforme, il ne faudra que quelques jours à ce fugitif aux abois pour se transformer en monstre sadique,  répandant la terreur partout où il passera, sans aucun état d’âme.

Inspiré d’une histoire vraie, « The Captain, l’usurpateur » est un film choc qui dit beaucoup sur le fonctionnement du nazisme et les pulsions  meurtrières que peut déclencher le sentiment d’impunité. Du premier au dernier plan, il est impossible de quitter l’écran des yeux. Ecrit au scalpel, sans un seul mot superfétatoire, ce film implacable est filmé avec une efficacité qui laisse pantois. Son noir et blanc, magnifique, offre heureusement au spectateur la distanciation nécessaire pour supporter l’insupportable. La direction d’acteurs  est impeccable. 

RECOMMANDATION : EXCELLENT

Commentaires

yves Bouëssel …
mer 21/03/2018 - 09:30

Très intéressante critique du film de Kahn dont j'avais vu "les ogres" véritable ovni cinématographique et vrai petit bijou.. Ces cinéastes agnostiques qui signent tous ces films sur la foi (et vous en avez oublié d'autres....) cela interpelle.... L'immense qualité de leur travail, une très fine et percutante interrogation sur le phénomène, une mise en éveil de l'intelligence constante et pour couronner le tout une parfaite probité intellectuelle, cela ne peut que toucher. La question c'est : mais que font les croyants ????

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