Patagonia, El Invierno

Un curieux "western" patagonien, contemplatif et oppressant
De
Emiliano Torres
Drame Westernien - France/Argentine
Avec
Alejandro Sieveking, Cristian Salguero, Adrian Fondari, Pablo Cedron.
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Régisseur depuis des années d’une estancia (ranch) dévolue à l’élevage d’ovins sur les hauteurs désertiques de la Patagonie, aussi battues par les vents et la neige l’hiver qu’arides l’été, le vieux Ricardo Evans se voit doté d’un jeune second : Franco Abel Jara. Tout en feignant de le former, il ne cesse de l’épier et de l’humilier. Après le passage d’un couple de Français venu visiter les lieux, le patron licencie Evans, trop vieux, et le remplace par Jara. Incapable de se recycler, Evans se met en tête de récupérer son poste…

Points forts

- Bien évidemment, le premier héros de ce film est le paysage, aussi âpre que ce western à la mode latina, tourné dans la Patagonie (au Sud-Ouest de Santa Cruz), avec ses pointes de vent à 80 km/h (omni présent), ses sept heures de luminosité par jour qui semblent délaver les ocres et le vert des sols mais aussi le bleu du ciel. Loin d’être idyllique, sa majestueuse étendue procure une sensation d’oppression par son horizon que la ligne des montagnes obture systématiquement. Comme si, métaphoriquement, il n’y avait pas d’échappée possible. En effet, les hommes n’ont ici d’importance qu’utilitaire. On les embauche aussi aisément qu’on s’en débarrasse, sans égards pour le temps de vie qu’ils auront consacré à leur tâche.
 
- Autre atout, les deux acteurs, Alejandro Sieveking (Evans) et Cristian Salguero (Jara) que, finalement, seule la différence d’âge sépare. Ténébreux observateurs, l’un comme l’autre ont la parole rare et le plus souvent rude. Et tous deux enfouissent leurs émotions et leurs sentiments  aussi profondément que les cadavres dont ils doivent se débarrasser. Et s’ils aiment les animaux, ni l’un ni l’autre n’hésite à en faire les victimes expiatoires de leur vengeance.
 
- Le rythme du récit, lent, hiératique, comme pour mieux nous pénétrer, rend à merveille la monotone routine de cette vie coupée de tout, enfermée dans un cycle éternel épousant celui des saisons. Le vrai duel, ici, réside moins dans celui qui va opposer ces deux hommes, tendus à conserver un unique emploi, que dans leur lutte contre l’ennui et la perte d’humanité, de sensibilité, qu’elle entraîne inéluctablement. Bref, le véritable enjeu n’est rien moins que leur survie.
 
C’est si fascinant qu’on ne remarque qu’à la fin l’absence de musique (sauf celles liées aux moments festifs). Une prouesse !
 
- Last but not least, quand, à la fin, le patron, désabusé, lâche à Jara, qu’il vient de licencier malgré ses promesses, “on a tous besoin de changement”, on se demande si ce film ne recèlerait pas un constat bien plus large de la situation argentine et donc plus politique… 

Quelques réserves

La langueur quasi contemplative du film pourra dérouter voire décourager les tenants du rythme et de l’adrénaline. En effet, il ne faut pas prendre le terme de western au sens usuel institué par les chefs d’œuvre (entre autres) de Ford et Hawks. Il revêt pour nous son essence, à savoir un affrontement entre deux hommes dans une zone isolée de tout et dans laquelle chacun se crée sa propre notion de la Justice. 

Encore un mot...

“C’est un territoire où tout devient aussi difficile qu’essentiel, la nature est l’ennemi. On tue ou on meurt. J’avais besoin de transmettre cette relation que ces hommes entretiennent avec le milieu qui les entoure, non comme une carte postale du paysage belle et harmonieuse mais comme ce que c’est réellement, une véritable lutte pour survivre”. Emiliano Torres

Une phrase

- “Tout va bien, ici ?”. Le métayer à Evans

- “Comme d’habitude”. Evans au Métayer

L'auteur

Né le 05 décembre 1971 à Buenos Aires, Emiliano Torres a une activité aussi pléthorique que les informations le concernant sont rares. Il est de la première génération à bénéficier du diplôme dispensé par la Fundacion Universidad del Ciné de Buenos Aires. 

Depuis 1996, il cumule les activités de réalisateur, de 1er assistant-réalisateur (notamment sur le magnifique Même la pluie de Iciar Bollein - 2011), de scénariste, d'acteur et de producteur.

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