A quiet Passion

Formidable Cynthia Nixon
De
Terence Davies
Avec
Cynthia Nixon, Jennifer Ehle, Ducan Duff, Keith Carradine
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

C’est l’histoire d’une femme qui, dans la Nouvelle Angleterre du XIX° siècle, s’étiola jusqu’à sa mort, à l’âge de cinquante-six ans, claquemurée avec sa sœur et son frère dans le manoir familial…

 L’histoire d’une américaine de bonne famille qui écrivait jour et nuit, envers et contre tout et tous, dans une recherche éperdue de la quintessence poétique…

 L’histoire d’une rebelle, aussi, féministe viscérale, qui n’écoutait personne et s’épuisa à lutter contre les conventions sociales de son époque…

 Bref, c’est l’histoire de la très complexe et très mystérieuse Emily Dickinson (1830-1886) qui eut tant de difficultés à se faire publier de son vivant, mais qui est aujourd’hui considérée comme l’un des plus grands poètes américains.

Points forts

« Sa poésie est sublime. Elle est pour moi la plus grande poétesse américaine et sa poésie doit être lue »… Quand Terence Davies fit cette déclaration à ses producteurs, ces derniers, paraît-il, affichèrent leur scepticisme. Il y avait de quoi. Comment le réalisateur allait-il s’y prendre  pour rendre  cinématographique et passionnante, la vie d’une femme qui, de sa sortie de pensionnat jusqu’à sa mort, vécut comme une recluse, avec pour seuls interlocuteurs, ou presque, sa sœur et son frère, et passa la majeure partie de son temps à écrire? 

On imagine que le  film fut difficile à boucler. Mais le cinéaste a gagné la partie. Le portrait qu’il propose de la poétesse américaine est tout sauf ennuyeux et linéaire. Il réussit à rendre palpables les tourments intérieurs de cette dernière, sa ténacité, son inflexibilité et son obsession à trouver le mot juste.

 Malgré le mode de vie monacal de son héroïne qui la condamne à la réclusion, Emily Dickinson ne se circonscrit pourtant pas à une interrogation sur le bien-fondé, les difficultés et les mystères de la poésie.

 C’est un film qui, par de fins subterfuges scénaristiques, emmène au delà , dans l’âpreté des mœurs de cette époque, ses injustices et ses interdits.

Terence Davies l’affirme : il n’en voyait qu’une  pour incarner le rôle-titre: Cynthia Nixon. Il avait vu juste. Celle qui créa la Miranda Hobbes dans la série Sex and the city s’y montre fabuleuse. Elle réussit une sorte de quadrature du cercle, parvenant à être à la fois indomptable, opiniâtre, désespérée, féministe et d’une douceur infinie. Jennifer Ehle et Keith Carradine qui l’encadrent dans les rôles respectifs de la sœur et du frère, sont eux aussi d’une densité de jeu impressionnante.

Quelques réserves

Pourtant, malgré la drôlerie, ou plus exactement, la cocasserie de certains échanges de sa première partie, ce Emily Dickinson risque de déconcerter. C’est un film passionnant, labyrinthique, mais… ardu. Pour y « entrer », il faut être amateur de poésie et s’intéresser à tout ce que son exercice peut engendrer : joutes verbales, sacrifices et autres interrogations.

Il faut dire aussi, à sa charge, que, plus le film avance, plus il s’enveloppe d’austérité et plus son rythme ralentit, ce qui peut mettre l’attention et la patience à rude épreuve.

Encore un mot...

On doit savoir gré à Terence Davies d’avoir enfin rendu hommage à l’une des plus grandes poétesses du monde, et de l’avoir fait comme cela, à travers un biopic de haut vol, sans concession à la facilité; un biopic  dont le socle s’appuie moins sur des repères biographiques que sur les écrits de son héroïne. 

Comme on l’a signalé plus haut, c’est assez pointu, donc assez difficile d’accès. Mais si on y pénètre, alors, on n’a plus qu’une envie, se (re)plonger dans les œuvres de cette artiste anticonformiste, interprétée ici par une  actrice qui crève l’écran, Cynthia Nixon.

Une phrase

« Emily Dickinson n’a été reconnue qu’à titre posthume et je trouve cela profondément injuste. Je me demande toujours comment les grands artistes supportent cet état de fait. En tous cas, elle mérite d’être célébrée à jamais ». (Terence Davies).

L'auteur

Né le 10 novembre 1945 à Liverpool, de parents ouvriers et catholiques, Terence Davies doit quitter l’école à seize ans pour travailler comme aide comptable dans un bureau d’aide maritime. A vingt-six ans, il claque la porte de cet emploi, quitte la ville, pour entrer à la Coventry Drama School, puis à la National Film School. Il ne quittera plus le monde du cinéma, mais son refus des compromis freineront la production de ses projets.

À ce jour, et malgré les difficultés, Terence Davies a réalisé huit longs métrages dont, en 2015, après dix ans de galère, le très remarqué Sunset Song, et en 2016, ce Emily Dickinson qui sort maintenant sur les écrans français.

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