Silence

Paroles d'âme
De
Martin Scorsese
Avec
Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson, Tadanobu Asano, Ciaran Hinds
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

« Arrivé à cette époque de ma vie, je m’interroge constamment sur la foi et le doute » dit Martin Scorsese, 74 ans, qui consacre son nouveau film à l’évangélisation du Japon par les jésuites. En 1643, quand les jésuites portugais apprennent que l’un des leurs, le père Cristovas Ferreira (Liam Neeson), parti dix ans plus tôt évangéliser le Japon, s’est converti au bouddhisme, ils n’en croient pas leurs oreilles. Malgré les dangers et les objections de leurs supérieurs, deux jeunes jésuites, le père Rodrigues (Andrew Garfield) et le père Garupe (Adam Driver), décident, à leurs risques et périls, d’aller sur place voir ce qu’il en est. Arrivés clandestinement sur les plages du Japon, ils constatent l’étendue de la persécution.

Points forts

Les premiers missionnaires sont arrivés en 1540 avec le prêtre portugais François Xavier, l’un des cofondateurs des jésuites. Ils ont été plutôt bien accueillis et ont converti deux à trois cent mille Japonais. En 1587, une série de décrets interdit le christianisme. En 1614 est édictée l’expulsion de tous les missionnaires. Ceux qui restent sur place entrent dans la clandestinité. C’est dans ce contexte qu’arrivent bien des années après les jeunes jésuites et que commence le film.

« Silence » est adapté du roman de l’écrivain japonais Shusaka Endo (1923-1996) qui a revisité l’histoire de son pays à travers l’implantation du christianisme. Au cœur de la problématique de l’écrivain et du cinéaste : le silence de Dieu. Quand tant de chrétiens sont persécutés, torturés, assassinés, Dieu se tait. Dieu se tait quand les deux jeunes prêtres voient leurs ouailles perdre la vie dans les pires supplices.
 
Le grand inquisiteur japonais, joué par Issey Ogata, qui dirige la chasse aux chrétiens, met en contact l’ex-père Ferreira avec l’un des jeunes prêtres interpellé, le père Rodrigues. Il ne faut pas si longtemps à Ferreira pour ouvrir les yeux de Rodrigues. Face au silence de Dieu, faut-il laisser mourir ses ouailles dans d’atroces souffrances ? Ne vaut-il pas mieux apostasier pour sauver ces vies ? Dans l’impénétrable Asie se joue un intense dialogue des cultures où le dieu chrétien semble vaincu. Mais il faut attendre la fin de ce grand et long film pour en avoir le cœur net.

Quelques réserves

« Silence » dure 2 h 41 pendant lesquelles le spectateur suit les éprouvantes aventures de ces deux prêtres étrangers dans les régions les plus reculées et les plus pauvres du Japon. C’est une épreuve qu’ils s’infligent pour l’amour de Dieu. C’est aussi une épreuve que le spectateur s’inflige pour l’amour du cinéma…

Encore un mot...

Shusaku Endo, l’auteur du roman dont s’est inspiré Scorsese, fait partie des écrivains apparus au Japon après la seconde guerre mondiale. Il fut l’un des rares auteurs japonais à écrire du point de vue chrétien. Né à Tokyo en 1923, il grandit à Kobé et reçoit le baptême à l’âge de 11 ans. Après la guerre, il s’installe en France et commence à écrire des romans qui tournent autour de thèmes liés au catholicisme, ce qui incite les critiques à le comparer à des écrivains catholiques occidentaux comme Graham Greene, l’auteur de « La puissance et la gloire ». L’historien Garry Wills écrit : « Là où le héros de Greene continue d’exercer son ministère malgré son indignité [il a perdu la foi], Endo explore un paradoxe plus intéressant. Son héros est un prêtre qui a renoncé à sa religion non par faiblesse mais par amour, afin d’épargner les persécutions aux convertis ». C’est exactement le propos de ce film profond sur le doute et la foi, sur le pari aussi, celui de Pascal, qui consiste à croire en Dieu quoiqu’il arrive. Et même s'il n'arrive rien.

L'auteur

Quand il reçoit la palme d’or pour « Taxi driver » en 1976, Martin Scorsese a déjà une œuvre prometteuse derrière lui, dont « Mean Streets » (1973), acclamé par la critique, avec un jeune inconnu, Robert de Niro, qui va devenir son double à l’écran. Et « Alice n’est plus ici », qui permet à Ellen Burstyn d’obtenir l’oscar de la meilleure actrice en 1975. 

Scorsese va développer son travail dans deux directions, avec des chemins de traverse pour des films comme « Le temps de l’innocence », superbe rétrospective du New York historique, « After Hours », sur une ville qui ne dort jamais, « Aviator », portrait du gigantesque Howard Hughes, « Hugo Cabret », sur l’extraordinaire George Méliès et les premiers moment du cinéma ou « Le loup de Wall Street », peinture d’un trader cynique, avec Leonardo DiCaprio. 

Première direction : les histoires de gangster, avec « Les affranchis », « Les nerfs à vif » et « les infiltrés » ; plus un chef d’œuvre, « Casino », et une superproduction sur l’histoire de sa ville, « Gangs of New York ». 

Seconde direction : le film à caractère spiritualiste. Normal pour un garçon qui voulait être prêtre et a fréquenté le petit séminaire avant de se faire éjecter pour indiscipline. Citons « La dernière tentation du Christ », « Kundun » qui explore l’univers du Bouddhisme et aujourd’hui « Silence ».

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Vous pourriez aussi être intéressé