Vice

Du vitriol qui en fout plein les yeux
De
Adam McKay
Avec
Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Sam Rockwell...
Notre recommandation
5/5

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Lu / Vu par

Thème

Comment, au prix de quelles trahisons, de quelles ruses et de quelles compromissions, parvient-on à devenir, sans bruit, le vice-président le plus puissant que les Etats-Unis aient jamais connu, quand on a été, dans sa jeunesse, un bon à rien au coup de poing facile, condamné, qui plus est, à deux reprises, pour conduite en état d'ivresse ? C'est le sujet (passionnant) de ce film en forme d'épopée ( 2h12 ).

 Vice retrace les quarante ans de carrière de Dick Cheney (Christian Bale), l'un des hommes politiques américains qui, pour la conquête du pouvoir, et  ensuite, son exercice, fut capable de tout, et, bien sûr du pire, comme lorsqu'il pesa de tout son poids pour pousser son pays à intervenir en Irak, sous le prétexte (fallacieux) que Saddam Hussein s'apprêtait à détruire le monde ?

A travers  le  portrait de cet intriguant hors pair- par ailleurs, fana de pêche à la ligne !-, vont se dessiner ceux des dirigeants américains qui marquèrent les quarante décennies de son « règne », de Georges W. Bush (Sam Rockwell) à Donald Rumsfeld (Steve  Carell), et puis aussi, celui de Lynne Vincent (Amy Adams), la femme sans laquelle il aurait sans doute végété dans des emplois obscurs, cette égérie qui l'aida à gravir les échelons, devint son épouse et lui fit deux enfants.

Points forts

- Le scénario, qui est sans conteste, l'un des plus brillants de ces dernières années, parce qu'il s'aventure dans tous les styles possibles, sans jamais s'y embourber, passant avec une étonnante maestria, parfois en les mélangeant, de la pire tragédie à la comédie la plus légère, et ce, en usant de tous les tons possibles : l'ironie, la satire, le sarcasme et le burlesque, et même l'empathie, pour certaines scènes qui concernent, par exemple, l'intimité familiale du héros.

Il faut dire que pour un scénariste de la trempe de Mc Kay, le personnage  Cheney, aussi machiavélique qu'imprévisible, relevait de l'aubaine. « Quand j'ai commencé à lire des livres sur Dick Cheney, dit-il, je ne savais pas grand chose de lui. Il m'a fasciné très vite. J'ai été stupéfait par la manière sidérante avec laquelle il a conquis le pouvoir et estomaqué de voir à quel point il a redéfini la place actuelle des Etats-Unis dans le monde ». Mais, une fois les recherches effectuées et les actes de Cheney non seulement répertoriés, mais aussi analysées dans leurs répercussions, encore fallait il « débusquer » l'homme - dont la personnalité restait mystérieuse - et le faire revivre sous un regard critique. De ce côté là, on est servi !

- L'autre grand point fort du film est son interprétation.

Alors qu'il n'en est encore qu'au stade de l'écriture, McKay n'en voit qu'un pour interpréter Cheney, Christian Bale, l'un des plus stupéfiants caméléons du cinéma américain, un homme capable de perdre 28 kilos pour jouer les mécaniciens insomniaques et quelques mois après, d'en reprendre 45 pour incarner les super-héros. Le comédien n'a  jamais eu peur de rien, pas même de mettre sa santé en jeu.  Comme Mc Kay le supposait,  il accepte sa proposition. Ce n'est pas une petite affaire. Il faut, en un peu plus de deux heures, donner l'illusion que 40 ans s'écoulent. Comment passer d'un jeune homme vif et « baraqué »  à un homme de 60 ans, devenu lourd, chauve et cardiaque ? Bale s'entraine, lit tout sur Cheney, apprend à parler et à marcher comme lui, confie son visage à des  prothésistes, des coiffeurs et maquilleurs spécialisés, abandonne son corps à un médecin qui va le faire grossir de 20 kilos (sans trop de risque), et, pour ce qui est de l'interprétation, s'en remet « à Satan ». Du moins l'a-t-il  prétendu en riant, récemment! Mais au fond peu ont importé les moyens, seul le résultat compte. A l'écran, l'illusion est totale. Bale s'est dissous dans  Cheney. Pour cette performance ahurissante, le comédien de 45 ans vient de rafler le Golden Globe du meilleur acteur, et il est en piste pour un Oscar dans cette catégorie.

  La grande Amy Adams qui joue sa femme, Lynne, excelle dans ce rôle de dame de fer qui ne s'humanise que devant son mari et ses filles. 

Sam Rockwell (admiré récemment dans 3 Billboards, les panneaux de la vengeance) offre l'immensité de son talent pour incarner un George W. Bush plus falot et plus influençable que nature. 

Quant à Steve Carell, il compose, avec la maestria qu'on lui connaît, l'ancien secrétaire d'Etat à la Défense, Donald Rumsfeld.

Quelques réserves

Je n'en vois aucun, même en cherchant bien.

Encore un mot...

Est-ce l'approche des Oscars, décernés le 24 février prochain? En tous cas, le meilleur du cinéma américain déboule en ce début d'année sur les écrans français. Après, la semaine dernière, la Favorite de Yorgos Lanthimos , voici donc ce Vice d'Adam Mc Kay. Dix nominations pour le premier, huit pour le second. La concurrence va être rude. Forme, photo, rythme, montage, époque, personnages clefs (femmes de Cour dans le XVIII ° siècle britannique pour l'un, hommes d'Etat dans le XX° américain pour l'autre) les deux films ne se ressemblent pas. Ils ont seulement en commun de proposer des portraits au vitriol de gens de pouvoir. A regarder, c'est  plus que passionnant.

Une phrase

Ou plutôt deux :

« Le scénario était absolument brillant. Il dépassait de très loin mes attentes. C'était poignant, pas seulement sur le plan politique, mais aussi très intime. Il posait la question de savoir ce qu'est un être humain, ce que ça fait d'appartenir à une famille et à une nation. Et comme toujours, chez Mc Kay, c'était drôle » (Christian Bale, comédien).

« J'avais besoin d'aborder le personnage Cheney positivement, parce que le film ne devait, en aucun cas, être prévisible. Il fallait au contraire qu'il surprenne le spectateur, et le séduise, quelles que soient ses opinions politique » (Christian Bale, comédien).

L'auteur

Né le 17 avril 1968 à Philadelphie (Pennsylvanie), Adam Mc Kay, aujourd'hui l'un des producteurs, scénaristes, réalisateurs les plus influents d'Hollywood, a commencé par faire du théâtre et de l'improvisation.  Mais très vite, il délaisse les planches pour le stylo et s'essaye à l'écriture de sketchs et de parodies. Il est tellement brillant qu'en 1995, il devient chef scénariste de l'émission de divertissement phare de NBC, Saturday Night Live. C'est là qu'il se lie avec Will Ferell, qui devient son compagnon d'écriture et son acteur fétiche.

Le cinéma lui faisant les yeux doux, il s'y lance au début des années 2000. D'abord avec des comédies, dont Présentateur vedette : la Légende de Ron Burgundy (2004), Ricky Bobby : roi du circuit (2006), Frangins malgré eux (2008), puis Very Bads Cops (2010).

En 2015, il s'aventure dans un registre plus dramatique, et c'est The Big Short : le Casse du siècle. Pour ce film qui parle de la crise financière de 2008 et qui a en tête de distribution Christian Bale, Brad Pitt et Steve Carell, le réalisateur est nommé à plusieurs Oscars et remporte celui du meilleur scénario original.

Vice, qui sort cette semaine sur les écrans français, va arriver à  la cérémonie des Oscars avec 8 nominations - dont celle du meilleur acteur pour Christian Bale; et on voit mal comment il pourrait en repartir complètement bredouille.

Dans les cartons de Mc Kay, deux projets de longs métrages, Bad Blood, sur l'ascension et la chute de la milliardaire ruinée Elisabeth Holmes, avec Jennifer Lawrence, et Irredeemable, qui mettra en scène une réadaptation de Superman, d'après la célèbre BD.

Et aussi

- « Les Drapeaux de papier » - de Nathan Ambrosioni - Avec Noémie Merlant, Guillaume Gouix...

Vincent, trente ans, sort de prison après avoir purgé une peine de 12 ans. Sans ressources, déphasé, sujet à des crises de violence, il va trouver refuge chez sa sœur cadette, Charlie, une jeune femme douce et renfermée, qui se rêve artiste, mais  qui, pour le moment, gagne (petitement) sa vie comme caissière dans une grande surface. Tous les deux vont devoir se  ré-apprivoiser. Le chemin de leur « re-connaissance » mutuelle s'annonce rude. Charlie a beau ouvrir ses bras, Vincent, trop longtemps incarcéré, ne comprend plus le monde libre et il a tendance à péter les plombs pour un oui, pour un non...

Les Drapeaux de papier est,  sans aucun doute, le film français de ce mois de février, le plus fort, par ses sujets habilement tressés - une relation frère-sœur et la réinsertion d'un condamné longue peine -, et le plus maitrisé, dans sa forme comme dans son rythme. C'est d'autant plus remarquable que ce film est dû entièrement (scénario, réalisation et... montage) à un cinéaste qui affichait tout juste dix-huit ans au moment du tournage et qui était donc plus jeune que ses deux personnages principaux ! Ce surdoué –comment dire autrement ?- s'appelle Nathan Ambrosioni. Le dossier de presse de son film nous apprend, en vrac, qu'il est le plus jeune réalisateur à avoir reçu l'avance sur recettes, qu'à 12 ans, il était passionné par le cinéma d'horreur et qu'à 14, il vendit tous ses jouets pour s'acheter un caméscope et tourner  son premier court métrage. Il en réalisera sept, avant de se lancer dans son premier long. Deux comédiens formidables l'ont accompagné dans l'aventure, Noémie Merlant et Guillaume Gouix, qui montre ici à quel degré d'intensité il peut porter son jeu d'acteur.

Certains osent déjà comparer Nathan Ambrosioni à un autre enfant prodige du cinéma, Xavier Dolan. C'est vrai pour l'électricité qui circule dans son film, mais pour sa sensibilité, on pense plutôt à une Ursula Meier.

Recommandation : excellent

- « Comme un seul homme » de et avec Eric Bellion...

Parce qu'ils sont inconscients ou passionnés, ou peut-être les deux, certains êtres accomplissent des exploits hors norme. Eric Bellion en fait assurément partie. Avec comme expérience de la mer, seulement deux fois six jours passés en solitaire sur un bateau de 18, 28 mètres de long, en 2016, il décide, avec ce même bateau, de s'inscrire  à une course légendaire, sans aucun doute la plus difficile du monde, celle du Vendée Globe, qui consiste à faire le tour du monde par les caps, seul, sans assistance et sans escale. Culot supplémentaire, il embarque à bord, deux caméras, pour réaliser un documentaire... Il franchira la ligne d'arrivée 99 jours, 4 heures et cinquante six minutes plus tard, en neuvième position, mais premier des débutants et avec, dans sa besace, les images de son épopée. Des images d'une force exceptionnelle, qu'il a commentées lui même, et où il ne cache rien, ni de ses doutes, ni de ses larmes, ni de ses joies ni de ses extases, ni de ses découragements, ni de ses bobos, ni de ses envies d'abandon.

De ces centaines d'heures de filmage, il a tiré ce film, magnifique et émouvant, témoignage sans précédent sur le Vendée Globe, cette épreuve, à la fois si terrible - manque de sommeil, boucan incessant -, et si  exaltante Ah ! la beauté de certains levers de soleil !

Recommandation : excellent.

 

- « Long Way Home » de Jordana Spiro- Avec Dominique Fishback, Tatum Marilyn Hall...

A sa sortie de prison pour mineurs, Angel, 18 ans, n'a qu'une obsession : acheter une arme. Elle veut ensuite aller retrouver son père, dont elle sait qu'il a assassiné sa mère. Mais voilà qu'avant d'entreprendre le voyage qui la mènera jusqu'à lui, elle passe voir sa petite sœur Abby qui a été placée à Philadelphie dans une famille d'accueil. Finalement, c'est, ensemble, que les deux sœurs vont partir, l'ainée dévastée, déterminée et amère, la cadette, insouciante, innocente et joyeuse. Au fur et à mesure de leurs péripéties,  la petite Abby parviendra à faire changer Angel. Chez cette dernière, la colère et le sentiment de vengeance  vont faire place au pardon et à l'amour...

Quel premier film intéressant ! Au départ, il sonne comme une  tragédie, âpre et rude, et à la fin, il se reçoit comme un beau conte sur l'amour sororal. Entre les deux, on peut dire qu'il s'agit d'une chronique sociale sur les enfants et ados noirs livrés à eux  même dans les grandes agglomérations américaines.

On comprend que, malgré ses (légers) défauts - quelques scènes semblent cousues de fil blanc -, ce Long Way Home ait raflé des prix à Deauville et à Sundance. Il est touchant, sincère, sensible, humain, instructif aussi, et surtout il est porté par deux actrices qui font des débuts formidables sur le grand écran, Dominique Fishback et Tatum Marilyn Hall.

Recommandation : bon.

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