Le despotisme démocratique

Particulièrement utile à lire entre les deux tours
De
Alexis de Tocqueville
Carnet de l'Herne - 99 pages
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4/5

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Préalable:

Cette période électorale est propice à la relecture de la quatrième partie de l’œuvre de Tocqueville,« De la démocratie américaine », «Le despotisme démocratique », réédité en 2009 dans la Carnets de L’HERNE.

Tocqueville, qui reconnait la difficulté d’appliquer dans la vieille Europe monarchiste, les recettes politiques de la jeune démocratie américaine, héritière du goût des aristocrates anglais pour les droits individuels et les libertés locales, pose comme principe que le caractère distinctif des démocraties n’est pas la liberté mais l’égalité. En outre, il affirme que la liberté est menacée par l’égalité qui induit « l’atomisation du corps social et le repli sur soi d’individus gagnés par la multiplication de fortunes médiocres. ».

Pour éviter la tyrannie, sans mettre en cause l’ordre social, aspiration de citoyens soucieux de leur sécurité, comme de leur libre arbitre et de leurs « petits plaisirs vulgaires », Tocqueville formule quelques recommandations :

- un pouvoir central élu par les citoyens, combinant centralisation et souveraineté ;

- des corps intermédiaires électifs ;

- une presse libre, instrument démocratique apte à assurer la défense de tous citoyens oppressés ;

- des pouvoirs judiciaires indépendants, « barrières entre le fort et le faible, le gouvernement et le gouverné. »

Points forts

Nonobstant l’avertissement qu’il donne au lecteur, « En politique, ce qu’il a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux. », Tocqueville a mis en exergue, il y a bientôt deux siècles, quelques tendances des démocraties, qu’il est bon de rappeler :

. L’égalité donne aux hommes le goût des institutions libres et, en matière de gouvernement, tend, à l’instauration d’un pouvoir central et à l’adoption de législations uniformes.

Les citoyens américains, qui voulaient être libre et prétendaient rester égaux, ont opté pour un pouvoir central fort.

. La liberté induit un individualisme qui ne s’accorde pas de l’élargissement constant des prérogatives du pouvoir central et de ses corolaires, le perfectionnement permanent de la science administrative et une administration inquisitrice.

. Le développement de l’industrie, facilité par les progrès de la liberté, « agglomère une multitude d’hommes exposés à de grandes et subites alternatives d’abondance et de misère menaçant la tranquillité publique ». Aussi, l’encadrement de l’industrie, comme celui des « associations entre citoyens égaux », moteurs des activités industrielles, revient-il légitimement au pouvoir politique.

Pour autant, Tocqueville souligne les limites de son exercice : « Cette société nouvelle que j’ai cherché à peindre et que je veux juger, ne fait que naître, le temps n’en a point arrêté la forme ».

Quelques réserves

Dans les limites de l’exercice, je n’en vois pas.

Encore un mot...

. Premier mot: la lecture ou le relecture de Tocqueville relativise nos inquiétudes face aux bouleversements censés menacer les fondements de nos démocraties.

. Deuxième mot: Tocqueville aurait-il perçu les prémices de la mondialisation ?  « Tous les liens de race, de classe, de partie se détendent ; le grand lien de l’humanité se resserre. »

. Troisième mot, dans l’actualité de l’entre deux tours de l’élection présidentielle d’avril/mai 2017 : « Comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes, pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire  »...

Une phrase

- (Page 24) «Les peuples démocratiques haïssent souvent les dépositaires du pouvoir central ; mais ils aiment toujours ce pouvoir lui même.»

- (Page 46) «Nos princes…, ont entrepris de conduire et d’éclairer chacun dans les différents actes de sa vie et au besoin de le rendre heureux malgré lui.»

- (Page 45) «L’Etat attire à lui l’argent des riches par l’emprunt, et par les caisses d’épargne, il dispose à son gré des deniers des pauvres.»

- (Page 99) «Les nations de nos jours ne sauraient faire que dans leur sein les conditions ne soient pas égales ; mais il dépend d’elles que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou aux misères.»

L'auteur

Né en 1805, Alexis Henri Charles Clérel, vicomte de Tocqueville, magistrat, avocat à la Cour Royal de Paris, publie en 1833 « Du système pénitencier américain et de son application en France », puis en 1835 et 1840 les deux volumes, « De la démocratie américaine ».

La carrière politique de Tocqueville confirme que les intellectuels ne font pas souvent d’habiles politiciens. Député de la Manche entre1839 et 1841, il sera, durant quelques mois de l’année 1849, ministre des Affaires Étrangères de Louis Napoléon Bonaparte. Hostile au coup d’Etat du 2 décembre 1851, il se retire de toute vie publique.

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