Made in China

Un Ovni littéraire épatant
De
Jean-Philippe Toussaint
Editions de Minuit - 240 pages
Notre recommandation
5/5

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Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

Mêlant réalité et fiction, l’écrivain belge Jean-Philippe Toussaint signe un très réussi et curieux objet littéraire, avec « Made in China ». 

Dès les premières lignes, c’est limpide et acidulé. Il y évoque bien plus qu’une envie : « Quand j'écris, je voudrais pouvoir m'abstraire du monde réel pour me fondre dans la fiction ». On a là une première possibilité de lecture de « Made in China ». Oui, une possibilité de réflexion sur l’art, la création, la littérature, l’écriture… 

Mais chez Toussaint, réputé pour des textes aussi brillants et indispensables que « La Salle de bain » (1985), « L’Appareil-photo » (1989), « Faire l’amour » (2002), « Fuir » (2005) ou encore « Nue » (2013), ce n’est jamais simple. Lui, l’auteur de l’urgence patiente et de la patience urgente, il prend plaisir à emprunter les chemins de traverse, les impasses, les voies sans issue. 

Il livre aussi quelques beaux moments romanesques- qui, à eux seuls, justifient le temps de lecture. Dans les pages qui racontent Chen Tong, l’éditeur chinois de Toussaint mais aussi de Beckett et de Robbe-Grillet, on déguste une littérature de haute volée et un sens rare de la chose vue et relevée. Dans d’autres comme celles de la préparation du tournage de son film « The Honey Dress » (la fameuse robe de miel qui faisait l’ouverture du livre « Nue »), on se régale de suivre la recherche d’un cheval (hors de prix à la location !) que Toussaint imagine filmer sur une piste d’aéroport à Guangzhou (Canton). Et on esquisse un sourire d’effroi dans celles où le cinéaste s’interroge sur la façon de faire tourner un essaim d’abeilles autour du mannequin qui portera la robe de miel…

Points forts

- Un curieux objet littéraire, ce « Made in China » avec un auteur qui nous prévient : « Il y a plusieurs registres dans le livre ». Oui, « Made in China », c’est à la fois une chronique, un roman, un journal et un essai. Ne manque dans ce livre que la musique mais Toussaint y arrivera un jour, on fait lui confiance : sera-ce du « made in China » ?

- Dans « Made in China » comme dans tous les textes de Jean-Philippe Toussaint, il n’y a pas d’effet de manche, ça ne joue pas dans les pleins et les déliés. Prouver sa technique à l’exemple d’un footballeur qui montrerait sa maîtrise de l’art de la jongle, ce n’est pas le genre de la maison- surtout qu’en la matière, ça se révèle bien souvent totalement inefficace et inutile.

- Une écriture liquide, acidulée, limpide. C’est aussi une écriture qui sait avancer, qui ne se parodie pas…

- Un livre tout en chinoiseries dans lequel Jean-Philippe Toussaint prend un malin (mais très sain) plaisir à s’amuser. Avec lui-même. Avec le lecteur. Tout en précisant : « Même si c’est le réel que je romance, il est indéniable que je romance ».

Quelques réserves

Il faudrait être d’une bien mauvaise foi pour relever un point faible à « Made in China » même si, évidemment, quelques maîtres de la lecture express prétendront avoir été déstabilisés par ce nouveau livre de Jean-Philippe Toussaint. N’y avoir vu qu’un texte brouillon- tant pis pour eux !

Encore un mot...

Une fois encore, avec « Made in China », Jean-Philippe Toussaint déroule un texte où se mêlent réalité et fiction, où s’emmêlent autoportrait, portrait d’un ami, récit du tournage d’un film et réflexions sur le roman. C’est brillant, étourdissant. Indispensable. Donc, à consommer (et à lire) sans modération !

Une phrase

- « La probabilité qu'un livre achevé ait été écrit exactement comme il a été écrit est quasi nulle. A chaque moment de la création d'un livre, de même qu'à chaque instant de la vie, se présente à nous des choix à faire, des décisions à prendre, qui, selon les orientations qu'on prendra, figeront à jamais l'avenir. On aurait pu faire un autre choix, prendre une autre décision, et la vie alors, ou le livre, se seraient alors engagés dans une autre direction ».

 - « Que signifie avoir le contrôle absolu de son œuvre ? Cela semble une évidence pour un livre. C’est l’écrivain qui imagine toutes les scènes et choisit tous les mots qui entrent dans sa composition. D’une certaine façon, même si c’est la vie qui l’inspire et le monde qui le nourrit, un livre est un corps étanche dans lequel n’entrent pas d’éléments exogènes, sans l’aval de l’auteur ».

L'auteur

Né le 29 novembre 1957 à Bruxelles (Belgique), Jean-Philippe Toussaint est un écrivain et réalisateur belge de langue française. Fils d’un journaliste et d’une libraire, il a été champion du monde juniors de scrabble, et est diplômé d’histoire contemporaine et de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. 

Membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, il s’est fait connaître en 1985 avec un premier roman très remarqué, « La Salle de bain ». Suivront, entre autres, « Monsieur » (1986), « L’Appareil-photo » (1989), « Faire l’amour » (2002), « L’Urgence et la patience » (2012), « Nue » (2013) ou encore « Football » (2015).

Son nouveau roman, « Made in China », est en relation avec un autre monde, le cinéma, dans lequel il est connu comme réalisateur. Parmi ses films, « Monsieur » (1990), « La Sévillane » (1992) et surtout « La Patinoire » (1998).

Parmi ses récompenses littéraires, on signalera trois prix : prix Médicis 2005 pour « Fuir », prix Décembre 2009 pour « La Vérité sur Marie » et grand prix « Sport et Littérature » 2015 pour « Football ».

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