Pour celle qui est assise dans le noir à m’attendre

Un lamento, noir, fort, original, mais d'une écriture trop compliquée
De
Antonio Lobo Antunes
Editions Christian Bourgois - 451 pages
Notre recommandation
3/5

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Thème

Une femme, âgée de soixante-dix-huit ans, assise dans un coin de son appartement de Lisbonne, perd la mémoire, la raison et même les mots. Surveillée et infantilisée par une « dame d’un certain âge », elle entend les pronostics du médecin sur les progrès irrémédiables de sa maladie, ainsi que les commentaires impatients du neveu de son mari, son tuteur, qui voudrait s’en débarrasser au plus tôt. Elle se réfugie dans son passé ; des fragments de souvenirs ressurgissent dans le désordre : son enfance en Algarve, illuminée par son père adoré, sa vie d’actrice de deuxième catégorie et ses démêlés avec le directeur d’un théâtre, ses deux maris qu’elle n’a pas aimés … Présent et passé se confondent. Toutes ses passions sont enterrées. Elle ne ressent plus rien !

Points forts

• Le thème de la dégradation due à la maladie et à la vieillesse : elle se sent dépossédée de tout, rien ne reviendra.

• La mort des autres, qui prépare la sienne ; elle est entourée d’ombres, celles de ses parents ou de ses deux maris, mais la solitude et le silence de plus en plus profond  la rapprochent de l’issue fatale.

• La relativité du bonheur, qui s’impose à tous.

• La nostalgie de l’enfance, bercée par le mouvement des vagues, le passage des chalutiers,  le vol des mouettes et le trio de tendresse qu’elle formait avec ses parents. Le seul bonheur affirmé tout au long du livre est lié à l’entente harmonieuse avec son père : « cette lumière, cette félicité, cette paix. »

• L’évocation de nombreux personnages secondaires, qui se débattent contre la misère matérielle et affective de leur vie. Ballottés entre leurs ambitions et leurs déceptions, entre leurs amours et leurs trahisons, ils se complaisent dans leurs petites lâchetés et leurs imperfections, à l’image de la société portugaise, dont les mensonges et les laideurs sont dénoncés avec insistance.

• Un point de vue tranché sur les hommes, qui ne représentent pour les femmes que « des ennuis, des récriminations, des exigences et une indifférence distraite. »

Quelques réserves

• Les mêmes histoires et les mêmes obsessions sont ressassées à l’infini !

• Les changements constants de narrateurs, la syntaxe bousculée par la longueur des phrases et par la quasi-absence de ponctuation, l’entremêlement du récit et des dialogues et enfin le passage sans transition du tragique au burlesque rendent la lecture particulièrement ardue.

Encore un mot...

Un monologue intérieur, qui s’apparente à un lamento. Le flux ininterrompu de la conscience entrelace de manière souvent confuse la réalité du quotidien avec les fantasmes, les bribes de souvenirs et les hallucinations. Cette musique lancinante en trois mouvements s’impose tout de même au lecteur par son originalité, son rythme prenant et sa noirceur teintée de quelques touches d’humour.

Une phrase

« Je regrette juste qu’il reste si peu de temps avant la fin, que je m’éloigne petit à petit de moi-même au point de me perdre, vide, creuse, assise dans un coin sans avoir envie de rien, sans me souvenir de rien, n’attendant même pas, me contentant de durer … » p. 98

L'auteur

Né en 1942, Antonio Lobo Antunes a été psychiatre à Lisbonne. Depuis 1985, il se consacre à l’écriture. Il a obtenu le prix Camöes en 2007. Ses premiers livres inspirés de son expérience de la guerre en Angola (1971-1973) lui assurent la célébrité : Mémoire d’éléphant, Le Cul de Judas, Connaissance de l’enfer.  Il consacre quatre ouvrages à la relecture critique du passé de son pays : Explication des oiseaux, Fado Alexandrino, La Farce des damnés, Le Retour des caravelles ;  puis il réunit sous le titre de Cycle de Benfica, trois romans dans lesquels il revient sur les lieux de sa jeunesse : Traité des passions de l’âme, L’Ordre naturel des choses, La Mort de Carlos Gardel

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