Quels sont ces chevaux qui jettent leur ombre sur terre?

De
Antonio Lobo Antunes
Traduit du portugais par Dominique Nedellec
Editions Christian Bourgeois
Notre recommandation
2/5

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Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

 Très difficile à dégager, le thème de cette histoire semble tourner autour de la mort d’une mère de famille à six heures de l’après-midi – l’heure importe puisqu’elle est notée au moins 50 fois au cours de l’ouvrage. Les siens, réunis (semble-t-il) autour de cette mère, expriment dans le livre toutes les pensées qui leur traversent l’esprit. Cette famille, qui connût un passé glorieux dans la tauromachie, se retrouve en pleine déchéance. Les intitulés de chapitre empruntent au vocabulaire de la corrida.

Les protagonistes sont :

- les 3 enfants survivants avec leurs problèmes de drogue, d’homosexualité, de santé, de laideur, d’incapacité à garder un mari, d’occlusion du sens moral, d’abandon etc...

- les défunts : le père qui a tout perdu pour cause de jeu et d’alcool; une fille qui a succombé à un cancer. Plus quelques ancêtres au fond d’un tiroir.

- la vieille servante qui semble être le produit des amours du grand-père et qui marche avec deux cannes; ce qui ne l’empêche pas de faire le service pour tout le monde tout en développant un mental sinistre, très en harmonie avec le reste de la famille.

- la mère elle-même, mourante donc mais pas que, et qui s’exprime comme les autres.

Points forts

 L’écriture d’Antunès exige un énorme effort intellectuel de la part du lecteur : l’effort, disait-on, est une chose qui ne fait jamais de mal  ! 

En effet, les personnages s’expriment dans un langage schizophrène, pratiquant l’écholalie,  déstructuré par principe. Dans chaque chapitre, un personnage pense : il faut déjà beaucoup chercher pour trouver lequel. Et puis, d’autres peuvent s’en mêler. Ils déversent leurs pensées comme elles viennent et partagent souvent les mêmes visions fulgurantes comme celle des fameux chevaux et de leur ombre. Rien ne se passe sinon le flux chaotique de leurs souvenirs et de leur ressenti, le tout sur une période longue de plusieurs générations et, par principe, non balisée.

Si vous lisez une page au hasard,  c’est intéressant parce que ça sort complètement de l’ordinaire, et parce que l’on y entend une certaine musique des mots.

Quelques réserves

Tout dépend du lecteur : si vous n’avez pas envie de cet effort de lecture, c’est votre droit. Moi, j'ai lu … pour faire la chronique !

En plus du travail intellectuel qu’il doit soutenir, le lecteur doit supporter le malaise de cette famille qui lui tombe dessus sans possibilité de s’attacher ni de s’émouvoir : Antunès lui envoie direct un déluge de douleur et de manques aussi bien affectifs que financiers, sans parler de la santé - généralement fort mauvaise.

Tous les personnages lâchent leur discours de la même manière, plus ou moins l’un dans l’autre; ils ne se différencient pas les uns des autres. N’est-il pas intéressant, quand on écrit, de donner à ses personnages des caractères ? Surtout quand rien ne se passe, quand ils ne font que penser et ressasser ? 

Et puis, voilà, une page ou deux prises au hasard du livre, ça va, comme un poème…

J’ai eu le sentiment que les centaines de pages supplémentaires ne faisaient qu’alourdir le propos.

Encore un mot...

 Schizophrénique ou génial suivant la catégorie de lecteur dans laquelle vous vous situez.

Je suis un mauvais lecteur d'Antunès.

L'auteur

 Né en 1942, Antonio Lobo Antunes est, de formation, médecin psychiatre. Son œuvre littéraire se compose d’environ 25 romans. Au départ, des romans d’histoire, des réflexions politiques sur l’histoire du Portugal, puis des romans plus « généralistes », si j’ose dire. Il jouit d’une estime considérable dans les milieux intellectuels.

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