Cyrano

Voilà une grande version de Cyrano !
De
Edmond Rostand
Mise en scène
Lazare Herson-Macarel
Avec
Eddie Chignara, Julien Campani, Philippe Canales, Eric Herson-Macarel, Céline Chéenne, Joseph Fourez, David Guez, Morgane Nairaud, René Turquoi, Gaëlle Voukissa

Musiciens : Salomé Gasselin, Julie Petit, Pierre-Louis Jozan

Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Cartoucherie de Vincennes: Théâtre de la Tempète
Route du champ de Manœuvre
75012
Paris
0148083974
Jusqu'au 16 décembre: Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

Thème

Eternel, comme Edmond... exploité sur les planches depuis 1897.

Cyrano aime Roxane qui l'aime bien mais qui aimerait bien aimer Christian s'il était aussi éloquent que... Cyrano qui, lui,  affligé d'une protubérance nasale rédhibitoire se verrait bien dans la peau et sous les traits du jeune et beau Christian.

Qu'à cela ne tienne. Le trublion au grand cœur, capitaine des Cadets de Gascogne, imagine un subterfuge, va prendre sous son aile le jeune cadet transi d'amour et lui souffle mots doux et missives enflammées, tant et si bien que la belle en fond de plaisir. Elle tombe en pamoison sous le charme conjugué des deux complices dans une scène mémorable, à la nuit tombée. L'union des amoureux sera bientôt consacrée en catimini par un prêtre de passage conciliant, au grand dam d'un grand et noble soldat, impétueux et naïf qui se faisait fort de capturer le doux oiseau. On retrouvera ce seigneur, auréolé de gloire et...repentant

Un mot, tout de suite, sur le cadre et quelques précisions sur la mise en scène qui fait tout le sel de cette brillante et énième adaptation. Nous sommes au théâtre, à l'Hôtel de Bourgogne, où les mousquetaires du roi se donnent en spectacle, en attendant d'aller pourfendre la soldatesque de Charles Quint sur les champs de bataille du Nord. On y croise dans un déferlement de cris et de rires,  virevoltant ou s'affrontant  "La foule, bourgeois, marquis, tire laine, pâtissiers, poètes, cadets, gascons, comédiens, violons, pages, précieuses, religieuses..." Et soudain, Cyrano apparait, rapière au bout du bras, poésie et mots d'esprit aux lèvres. Du panache, encore du panache. Décor en contre plaqué, costumes de bric et de broc, mi 17è mi 19e mâtiné de contemporain, une batterie de jazz (c'est très tendance), le tout efficace en diable.

Points forts

- Le jeu, dans l'ordre de nos préférences :

Le no 1 c'est Cyrano... et son interprète : ce n'est pas un cap ni une péninsule c'est un roc, un monument qui nous touche à chacune de ses envolées successivement ou en simultané : Bateleur grandiloquent, bretteur infaillible, guerrier invulnérable, héros romantique, vieillard bouleversant, toujours poète, Eddie Chignara, dans le rôle-titre, est sensationnel dans toutes les postures.

A chaque fois, un morceau de bravoure. Quelle diction, quelle présence, quel talent et c'est sans doute le plus beau physique de l'emploi que nous ayons rencontré depuis Depardieu

Le no 2 c'est Ragueneau (David Guez), le pâtissier, le fidèle compagnon, admirateur cocu et content, pourvoyeur des provisions de bouche des cadets, éternel soutien, en Pierrot Gourmand, du héros des légendes. Toujours drôle.

La no 3 c'est Roxane (Morgane Nairaud), la douce, l'espiègle, la fidèle jusqu'à la mort (elle survivra...), aussi forte dans la bataille que digne et émouvante jusque dans le couvent de Ste Croix ou elle se retirera

- Un moment fort : le siège d'Arras. Du romantisme à l'épique

Nos gascons affamés et héroïques résistent sous la mitraille aux coup de pertuisanes des Espagnols soutenus par un Cyrano grandiose qui, tel Roland à Roncevaux, fait résonner voix et sonner binious... ce qui fera surgir, aux travers des lignes ennemis, le comte de Guiche l'ancien rival, et Roxane, telle une reine sur son char

- Economie de moyens, minimalisme dans les costumes, sobriété des décors à l'état brut mettent en exergue la beauté des textes.

Quelques réserves

Cette pièce en vers et en cinq actes a été raccourcie passant des 4 heures prévues par Edmond Rostand à l'origine, aux 2h 40 produites ici, au théâtre de la Tempête. C'est encore un peu longuet surtout au 3e acte ou les tergiversations du malheureux (en amour) comte de Guiche nous laissent un peu froids.

Encore un mot...

Cyrano, et cette mise en scène dépouillée qui met en lumière un texte admirable et libère nos émotions le prouve encore une fois, c'est la partie incontournable de notre patrimoine culturel, on pourrait dire génétique. Au frontispice de notre imaginaire collectif, c'est notre Hamlet à nous, L'ADN de notre francité. On devrait l'inscrire dans notre constitution ou dans la déclaration des droits de l'Homme. Mais ce Cyrano là a quelque chose en plus, de très actuel :  "La figure de Cyrano nous inspire l'insolence, la liberté, l'insoumission, le désir d'insurrection pour un monde meilleur, le refus des compromissions,  des paresses intellectuelles et des résignations..." (Lazare Herson Macarel, le metteur en scène).

C'est réussi.

 

Une phrase

Cyrano regardant Christian

"Si j'avais pour exprimer mon âme un pareil interprète!"

Christian avec désespoir:

"Il me faudrait de l'éloquence!"

Cyrano avec enthousiasme

"Je t'en prête ! Toi du charme physique et vainqueur, prête m'en. Et faisons  à nous deux un héros de roman !"

L'auteur

On ne présente plus Edmond Rostand, peut- être le plus célèbre de nos auteurs dramatiques. Son prénom est devenu récemment le titre et le sujet d'une pièce à succès.

Rappelons peut-être que, né en 1868,  disparu en 1918, et doté d'une santé fragile, il consacra toute sa vie à l'écriture, la poésie et l'art dramatique.

Cyrano, écrit à 29 ans, remporta d'emblée un immense succès avec Coquelin, acteur célèbre de l'époque, dans le tôle titre. A tel point que le ministre des finances d'alors épingla, dans sa loge, sa propre légion d'honneur sur le gilet de Rostand.

Un critique avait alors écrit : "Avec ce Cyrano de Bergerac on a enfin une bouffée de romantisme pour percer les brouillards scandinaves de messieurs Strinberg et Ibsen".

Il faut dire aussi que la pièce héroïque de Rostand, avec son élan de patriotisme, tombait à point nommé dans une France abattue (la déroute de Sedan) et déchirée (l'affaire Dreyfus), mais revancharde. Plus jeune Académicien (à trente trois ans), Rostand créa une dernière pièce à succès, L'Aiglon, avant de s'impliquer dans le soutien aux soldats français pendant la guerre de 14/18.

Commentaires

lydia rey
ven 07/12/2018 - 23:53

je voudrai feliciter Rodolphe pour cette critique super bien ecrite(en bon français)
pleine de lyrisme et d'esprit

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