Cyrano de Bergerac

Du panache et du coeur
De
Edmond Rostang
Mise en scène
Jean-Philippe Daguerre
Avec
Stéphane Dauch, Charlotte Matzneff, Simon Larvaron, Edouard Rouland, Grégoire Bourbier ou Yves Roux, Antoine Guiraud ou Didier Lafaye, Geoffrey Callènes, Emilien Fabrizio ou Christophe Mie, Nicolas Le Guyader ou Xavier Lenczewski, Barbara Lamballais ou Mo
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre du Ranelagh
5 rue des Vignes
75016
Paris
01.42.88.64.44
Jusqu’au 13 janvier 2019: Du mercredi au samedi à 20h45 et le dimanche à 17h

Thème

Que dire de Cyrano ? « Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme… ». Agressif : “Une histoire de mousquetaire au sang chaud”. Amical : “Un héros sans peur, à la lame imparable”. Descriptif : “Doté d’un nez… eh bien… qui le rend susceptible !”. Curieux : “Si laid, croit-il, qu’il n’ose déclarer son amour à la séduisante Roxane”. Gracieux : “Au point qu’il lui adresse des poèmes sublimes, mais se cache sous le paraphe du jeune Christian qui la courtisait maladroitement et dont elle est éprise”. Truculent : “Tout cela pimenté de duels, bagarres, tirades épiques et bataille sous le feu des mousquets espagnols”. Prévenant : “Fidèle à leur pacte secret, il jette Christian dans les bras de Roxane, jurant à celle-ci qu’il le protègera de tout danger”. Tendre : “Saura-t-elle un jour que l’auteur des poèmes, c’est lui, Cyrano, l’âme de son amour quand Christian en était le corps ?”.

Le lecteur pardonnera cette misérable copie de la tirade du Nez, commise pour résumer le chef d’œuvre d’Edmond Rostand. A vrai dire, Cyrano de Bergerac est irrésumable : il faut le voir, l’écouter surtout ; ces vers-là s’enchainent comme rarement on l’a fait en littérature.

Points forts

Echaudé par la façon dont certains metteurs en scène traitent le répertoire classique – ne m’étant pas remis d’avoir vu, au Français, Capulet père traiter Juliette de “sale pute” –, j’étais, au lever de rideau, plutôt mal luné. Prévention vite dissipée: Jean-Philippe Daguerre nous offre une belle adaptation de l’œuvre, ébouriffante dès la première scène ; acteurs énergiques ; décor sobre, bien vu ; exploitation originale de l’architecture de la salle de théâtre par un jeu de scène parfois… hors de la scène (vous verrez, le Ranelagh s’y prête à merveille). Les duels à l’épée sont particulièrement bien ficelés : le héros embroche prestement ce fat de vicomte de Valvert ! 

Il faut saluer les comédiens du Grenier de Babouchka, troupe sympathique qui s’est fait une spécialité des classiques, plusieurs fois nominée aux Molières ces dernières années. En 2014, ce Cyrano avait remporté un succès mérité au festival d’Avignon ; Daguerre, qui est basque, l’avait pour la première fois monté à Arnaga, la villa (aujourd’hui musée) que Rostand s’était fait construire à Cambo-les-Bains dans les années 1900…

Quelques réserves

Je n'en ai vu aucun. Que du bonheur !

Encore un mot...

Stéphane Dauch campe Cyrano avec une énergie incroyable, plein de fougue contre les fâcheux, de timidité tendre face à Roxane et de lucidité sur le héros « qui fut tout et qui ne fut rien ». Il mâche avec un appétit vorace ce texte difficile. De même pour Charlotte Matzneff en Roxane, parfaite dans la graduation du caractère, de la précieuse énervante des débuts à la femme courageuse du siège d’Arras. Elle est émouvante dans scène finale : « Les lettres, c’était vous… ».

Daguerre a voulu donner un double à Cyrano, un violoniste qui le suit comme son ombre, soulignant de quelques notes tel ou tel moment de l’action. Ce n’est pas fantaisie de mise en scène mais l’adaptation, par le violoniste virtuose Petr Ruzicka, de partitions musicales inédites sur lesquelles avait travaillé Rostand pour Cyrano, retrouvées par chance dans la villa Arnaga. Le Chant des cadets de Gascogne qu’entonnent les comédiens vient aussi de là.

Une phrase

Cyrano, évoquant la “pointe”, tant de l’épée que de l’esprit :

« Et je voudrais mourir, un soir, sous un ciel rose,

En faisant un bon mot, pour une belle cause !

Oh ! frappé par la seule arme noble qui soit,

Et par un ennemi qu'on sait digne de soi,

Sur un gazon de gloire et loin d'un lit de fièvres,

Tomber la pointe au cœur en même temps qu'aux lèvres ! ».

L'auteur

Donné pour la première fois à Paris en 1897, succès absolu, Cyrano de Bergerac a à peu près éclipsé le reste de l’œuvre de Rostand, il est vrai pas si prolifique – on connait encore, évidemment, l’Aiglon (1900) etChanteclerc (1910). Le personnage-titre a aussitôt incarné dans l’opinion l’essence du héros français : intrépide, amoureux, excessif, altruiste, cultivé…  Il a, en un mot (le dernier, on le sait, de Cyrano), du panache !

Rostand a, malgré lui – il est patriote mais pas va-t-en-guerre –, un étonnant rendez-vous avec l’Histoire : la défaite de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine, l’affaire Dreyfus, la conquête coloniale maintiennent la France dans un état d’effervescence patriotique. Face à la Prusse belliqueuse (l’Espagne dans la pièce, au XVIIesiècle), Cyrano est, pour beaucoup de jeunes officiers français, le modèle du courage et de l’honneur civilisés. A l’été 1914 ils seront héroïques, fauchés par milliers avec leurs cadets, surpris sous le feu mécanique de la guerre industrielle... Rostand, trop âgé pour monter au front mais qui se consacre aux soldats, mourra à 50 ans, en 1918, de la grippe espagnole. On commémore le centenaire de sa disparition le 2 décembre.

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