Michel-Ange et les fesses de Dieu

Libre de ton et d'esprit. Une grande réussite
De
Jean-Philippe Noël
Mise en scène
Jean-Paul Bordes
Avec
Jean-Paul Bordes, François Siener, Jean-Paul Comart, César Dabonneville
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier
75014
Paris
0145454977
Jusqu'au 24 février: Lundi à 19h; Mardi au Vendredi à 20h45; Samedi à 16h

Thème

A la demande instante du Pape Jules II, Michel-Ange accepte de réaliser le plafond de la Chapelle Sixtine. Au lieu des 12 apôtres voulus par le Pape, il illustrera la Genèse par des épisodes de l’Ancien Testament. Les travaux dureront quatre ans. Entre l’artiste volontaire et convaincu qu’il ne travaille que pour Dieu et le caractère ombrageux de ce Pape martial et impétueux qui veut lui imposer sa volonté, un duel magistral s’engage. Il est historiquement vrai et passionnant du début à la fin. Quelle merveilleuse idée de pièce...

Points forts

1- On apprécie le travail de Jean-Paul Bordes sur le personnage complexe de Michel-Ange, pris par ses doutes face à la peinture, alors qu’il se considère surtout comme sculpteur. Jean-Paul Bordes rend totalement crédible la volonté de Michel-Ange de s’approprier ce travail gigantesque seulement comme il le conçoit, dans la solitude absolue, avec l’aide de son serviteur, dont le bon sens et la drôlerie aèrent la pièce. Il redoute ses rivaux, même s’il se sait supérieur. Jean-Paul Bordes offre au public les différentes facettes d’un être particulièrement tourmenté.

2- François Siener a beaucoup travaillé son personnage. Il devient ce Pape énergique, menaçant, non dépourvu d’humour, avec une force et une vigueur peu commune. Ses exaspérations face au retard pris par Michel-Ange qui veut d’avantage sculpter son tombeau, la constatation des ennuis qu’il rencontre avec les morceaux de fresque qui se décollent, sa manière de bousculer l’ombrageux et hypersensible artiste, trouvent un aboutissement très beau et très émouvant lorsqu’il découvre le résultat de cette fabuleuse entreprise. Une véritable émotion étreint alors le spectateur.

3- Jean Paul Comart est le serviteur obscur et sans grade, qui prend les coups venus de chaque côté, en tentant d’unir ces deux monstres de personnalités. Il effectue un joli virement, alors qu’accablé par l’exigence sans fin de Michel-Ange, il va démontrer au Pape son émerveillement face à son travail. Là encore, c’est un excellent comédien et du très bon théâtre.

4- Les costumes de Pascale Bordet habillent les âmes des personnages. Le chapeau piqué de bougies du Maître est bouleversant, car il nous aide à comprendre les conditions si difficiles vécues par l’artiste. Le retour de la guerre nous montre un Pape défait, épuisé et baroque à souhaits, souffrant dans l’armure qu’il n’a même pas pris le temps de quitter. On parvient à reconnaître, grâce à son beau costume, le jeune peintre Raphaël, masqué, qui vient visiter le chantier incognito.

5- Pour m’être personnellement passionnée sur ce sujet, tant sur les biographies de Michel-Ange, que sur l’époque au Vatican et même sur la correspondance, on ne peut que saluer le travail rigoureux de Jean-Philippe Noël, qui fait revivre devant nous une période foisonnante, vivifiée par ses génies.

Quelques réserves

Je n’en ai pas trouvé.

Encore un mot...

C’est une réussite absolue. On sort enthousiasmé, heureux d’en avoir appris davantage sur le génie de Michel Ange et sur ce Pape tonitruant. L’auteur ne s’amuse pas à inventer « sa petite histoire », il traite les rencontres entre deux hommes d’exception en y apportant son inventivité de dialogues percutants et crédibles ; c’est drôle et émouvant, car il parvient du fond de son cœur à faire s’exprimer le génie de l’artiste et la reconnaissance de cet immense Pape envers la puissance spirituelle de ce créateur d’exception. Le Pape est conscient qu’il n’existera face au Tribunal de l’Histoire que parce qu’il a confié cette œuvre à Michel-Ange.

Une phrase

Un peu long mais significatif:

« Jules II : Dans le fond, nous sommes pareils toi et moi. Nous avons su saisir les opportunités qui se présentaient pour nous élever.

Michel-Ange : Je ne veux pas m’élever. Juste créer.

Jules II : Balivernes, Michel-Ange, tu as tout fait pour sortir du lot.

Michel-Ange : Je n’ai fait qu’exercer mon art.

Jules II : Toujours auprès des puissants. Dès ton plus jeune âge.

Michel-Ange : Laurent cherchait des sculpteurs.

Jules II : Et tu as su immédiatement te faire bien voir du maître de Florence. Combien de temps t’a-t-il fallu pour que le Magnifique t’ouvre les portes de son palais ? Qu’il t’offre une chambre et un couvert à sa table ?

Michel-Ange : Il le faisait pour les artistes dont il aimait le travail.

Jules II : Il était loin de les considérer tous comme ses fils adoptifs ?

Michel-Ange : J’étais jeune.

Jules II : Oui, jeune, ambitieux…Et opportuniste.

Michel-Ange : Opportuniste ?

Jules II : Bien sûr. Les Médicis expulsés de Florence, tu t‘es vendu aux républicains.

Michel-Ange : Ils m’avaient commandé un David.

Jules II ! Oui, ils t’avaient commandé un David. Et tu leur as offert un symbole politique !

Michel-Ange : Je n’y avais pas pensé.

Jules II : A d’autres, Michel-Ange.

Michel-Ange : Il ne s’agissait que de trouver une destination à cet énorme bloc de marbre qui gisait là depuis des lustres. »

L'auteur

Jean-Philippe Noël, dont c’est la première pièce, a déjà beaucoup écrit, journaliste, écrivain pour la radio ou la télévision. Un sujet sur les rapports du pouvoir et de l’art lui avait fait déjà aborder le thème. On a beaucoup de documents et l’on sait que ce qu’il dit est vrai. Il en a fait une belle pièce et c’est réconfortant. Il a beaucoup de talent.

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