Jacques d’Adelswärd-Fersen. Personna non grata

Pourquoi un auteur considéré comme maudit tombe-t-il dans l’oubli ? Bonne question
De
Gianpaolo Furgiuele
Laborintus - 270 pages - 20€
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

La vie et l’œuvre du sulfureux Jacques d'Adelswärd (1880-1923), autoproclamé par dandysme comte de Fersen (au grand dam du véritable comte tenant à faire savoir par voie de presse n’avoir « rien de commun avec ce monsieur qui n’a aucun droit de porter et de déshonorer [son] nom »).  

Ecrivain et poète méconnu, doté d’une très grosse fortune, Adelswärd fonde en 1908 la première revue homosexuelle française, Akademos ; il meurt à Capri en se suicidant au champagne et à la cocaïne dans la somptueuse villa qu’il avait fait construire à proximité des vestiges de celle de l’Empereur Tibère, baptisée Lysis (en référence au dialogue sur l’amitié de Platon), où il vivait en compagnie d’un éphèbe, Nino Cesarini, tout droit sorti d’un film de Pasolini.

Points forts

Ce livre n’est ni une anthologie ni une biographie. Il est une invitation à aller plus loin dans la (re)découverte de Jacques d'Adelswärd - ou à en rester là.

Pour que chacun puisse se faire une opinion, Gianpaolo Furgiuele  propose des extraits de poèmes et des morceaux choisis dans l’œuvre de l’auteur.

Il propose également des appréciations critiques sur le talent de Fersen, favorables (Edmond Rostand trouve ses vers d’une « tendre couleur zinzoline », « exquis de grâce précieuse et de langueur mignonne ») ou pas (Cocteau, méprisant, voit en lui la caricature de « l’impuissance lyrique » et un « Oscar Wilde du pauvre »).

Furgiuele propose enfin des articles de journaux, français et étrangers, relatant comment ce personnage fut mis au ban du Tout-Paris littéraire en 1903, suite à une affaire de mœurs concernant des mineurs, affaire dite des « messes noires », pour laquelle il fut condamné à six mois de prison avant d’être contraint de s’exiler à Capri. En cela, ce petit livre nous apparaît d’actualité … Nul doute en effet que Jacques d'Adelswärd, s’il vivait aujourd’hui, connaîtrait le même sort que Gabriel Matzneff …

Quelques réserves

Il est permis de regretter le défaut de synthèse et l’absence de  contextualisation des documents présentés à l’état brut. 

Encore un mot...

Un livre en guise d’introduction pour tenter de répondre à cette seule question : pour quelle raison Jacques d'Adelswärd a-t-il sombré dans l’oubli ? En raison de la faiblesse de son œuvre ou de sa personne ?

Une phrase

Treize ans
Avec tes cheveux blonds et tes grands yeux cernés
Et le hâle saxon de ton joli visage
Je te retrouve ainsi qu’un prince bien que page,
Mignard dans ton Eton de gosse efféminé…
Je te vois au tennis où le jeu des raquettes me renvoyait ton rire en place de volant ; c’est parfois dans les prés où très félinement
Tu laissais sur mes mains rouler ta jeune tête.
Mais surtout par les soirs où nous restions tous deux,
Par ce dimanche anglais plein de sermons, et pire qu’une mort au désert
- où tu lisais Shakespeare
Et où tu me jetais des regards amoureux.

L'auteur

Editeur, enseignant, universitaire, psychanalyste, Gianpaolo Furgiuele tente avec sa petite maison d’édition lilloise, Laborintus, de ressusciter des auteurs maudits (Robert Brasillach, dont il a réédité Portraits en 2019) ou méconnus (Antonia Pozzi, Fabrice Delpi, Paul Acker, Etienne Morelly). Il s’agit ici d’une réédition revue et augmentée disponible depuis janvier 2020, l’édition première étant parue en 2015.

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