Beauté

Le crépuscule d'un "Maître"
De
Philippe Sollers
Editions Gallimard
Notre recommandation
2/5

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Thème

Le fil rouge de ce «roman» est l’amour que l’auteur porte à Lisa, une pianiste virtuose qu’il retrouve épisodiquement en Grèce, à Paris et dans différentes capitales européennes. Les rencontres sont douces, ponctuées de silences partagés et de bonheurs successifs en communion avec des compositeurs de génie, des écrivains de race, des philosophes légendaires et de grandes figures de la mythologie grecque.

Points forts

1 - A la façon des variations de Webern, « Beauté» est conçue comme une sonate, série de notes dissonantes qui finissent par composer une partition à l’image de la vie.

2 – Au-delà des recherches stylistiques de ses précédents romans, Sollers en est arrivé à une écriture apaisée qui ne heurte plus le lecteur.

La «guerre» menée par le créatif d’avant-garde laisse la  place au désenchantement du moraliste revenu de l’illusion marxiste et des espoirs suscités par mai 68, de la libération sexuelle devenue pornographie obligatoire et de la transcendance espérée muée en consommation à outrance. «Le sacré est en perdition partout même si, ici ou là, des foules se rassemblent pour en agiter le fantôme » p. 25.

3 - De jolis mots sur l’absence qui, contrairement à la mort, permet les retrouvailles «quelle joie de se revoir vivants (…) deux sauvés du néant se retrouvent et s’embrassent» p. 19

Quelques réserves

1 - Sollers a le génie des considérations  oiseuses et un sens très sûr des citations creuses qui en mettent plein la vue au lecteur  (Sans doute lui doit-on la redécouverte –ou découverte ?- d’Hölderlin par les médias qui nous servent à toutes les sauces sa phrase «Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve»).

2 -  Le superficiel chatoyant me semble la marque principale de « Beauté » ; On survole Céline  et Hölderlin,   Webern et Bach,  Pindare et Empédocle, Athéna et Œdipe (et combien d’autres !) avec une anecdote, une phrase, une référence rapide sorties de leur contexte.

3 -  La pensée de Sollers s’adosse, comme d’habitude, à  des éléments « auto fictifs » si bien qu’il est parfois difficile de déterminer qui parle, de l’auteur ou de celui qu’il célèbre, dans la grande uniformisation du « Je » ( particulièrement dans le chapitre intitulé Inspiration).

Encore un mot...

Brillant et dispersé. Ces variations ténues relèvent du touche-à-tout et laissent le lecteur sur sa faim ; une fois le livre refermé il ne reste pas grand-chose sinon la sensation que l’on peut vivre sans avoir lu Sollers.

Une phrase

Le texte qui clôt le livre :

« Les principes du calcul infinitésimal » de René Guénon (…) est un livre d’une clarté magistrale sur la confusion philosophique entre infini métaphysique et indéfini mathématique (…) Invisible et imperceptible, ce calcul se poursuit sous le règne de la Quantité, dans lequel la Qualité se fait de plus en plus rare. C’est, comme malgré moi, ce qui a voulu se chiffrer ici."

L'auteur

Né à Bordeaux en 1936, Philippe Joyaux, dit Sollers, devient célèbre à 22 ans avec la publication d’un  roman de facture classique, «Une curieuse solitude».

Animateur de  la revue Tel Quel (devenue « l’Infini» en 1982) qui revisite des auteurs controversés (Lautréamont, Bataille, Joyce, Céline, Genet) et publie des écrivains encore inconnus comme Philippe Muray,  Sollers est une figure marquante  du paysage intellectuel et littéraire français, proche qu’il fût d’Althusser, Lacan,  Derrida et  Roland Barthes.

Une grande partie de son œuvre romanesque témoigne d'un rejet des techniques narratives traditionnelles(éclatement des structures, suppression de la ponctuation) et ses études critiques (Céline, Casanova, Fragonard, Mozart…) défendent la conception que la création artistique est une « expérience des limites ».

Commentaires

Viktor Kirtov
dim 16/04/2017 - 10:27

Ai commenté votre critique parue sur le site ATLANTICO (avec l'ajout d'un titre et d'un chapeau polémiques) ICI :
http://www.pileface.com/sollers/spip.php?article1817#forum6442

(Je n'ai pas posté ce lien sur le site ATLANTICO, car les commentaires y sont réservés aux seuls abonnés).

Ma critique ne m'empêche pas de vous souhaiter - de la part de Sollers le "catholique baroque", "papiste" et j'en passe... -, Joyeuses Pâques !..

Comme vous l'avez compris, les titre et chapeau ne sont pas de moi mais ils ont eu l'avantage d'attirer votre attention. Merci à vous et à M. Sollers de votre fair-play

Doubroff
lun 07/01/2019 - 22:38

Fidèle à son but initial , depuis "une curieuse solitude" Philippe Sollers cherche à respirer ce qui reste de beau et ce qui peut encore rendre heureux. Et pour cela traque ce qui nous noie..le lire rend de belle humeur car sa propre belle humeur "en fin de compte" réside dans la difficile recherche de ce qui ne se compte pas...cela sans quête volontaire du jeu de mot..
Il me semble qu' on peut faire le pari qu' en relisant plusieurs fois ses romans , on finit par capter une forme de cohérence (peut être la cohérence d un rêve : l éloge du sommeil est fréquenté chez Sollers ) dans ce qui paraît d abord décousu...c est en cela qu' il est interessant: il ne sous dit pas ce que nous avons déjà entendu et assimilé

Guy Féquant
sam 09/11/2019 - 16:03

J'adore la fluidité des romans que Sollers publie depuis une dizaine d'années. Ils n'ont ni queue ni tête ou, pour mieux dire, ils ont les deux...On est à mi-chemin entre l'essai de Sénèque et l'opuscule érotique : on vogue...Certaines pages sont très réac : j'adore aussi !

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