La fabrique des pervers

Inceste, pédophilie: oui mais, quid des solutions?
De
Sophie Chauveau
Editions Gallimard
Notre recommandation
2/5

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Thème

Il s’agit d’un essai autobiographique. L’auteur, victime d’inceste dans son enfance, rencontre une cousine qui a vécu une expérience similaire. En quête de l’origine de leur drame, elles fouillent le passé familial et découvrent un monde dont l’art de vivre tourne autour de l’inceste. A l’intérieur de la famille, les comportements exhibitionnistes et pédophiles se transmettent de génération en génération. Puis elle raconte son vécu personnel, son enfance entre un père incestueux et une mère abandonnique. Enfin elle décrit sa souffrance, sa culpabilisation et ses tentatives pour les dépasser. 

Points forts

1) Il aura fallu trente ans d’écriture à Sophie Chauveau avant de se lancer dans ce réquisitoire contre sa famille et dans cette immense confession publique. C’est dire l’importance personnelle de cette démarche. Je suppose qu’elle en tire un bénéfice psychologique personnel considérable.  

2) Le prologue, « Naissance d’une dynastie », est un régal : il raconte l’aventure des arrière-grands-pères épiciers qui font fortune pendant la famine et les horreurs de la Commune, à Paris, en capturant les animaux du jardin des Plantes pour les transformer en pâtés et saucisses diverses et les vendre à prix d’or. C’est un formidable morceau d’anthologie. 

3) Au terme du livre, elle incite les familles à s’exprimer et transmets un message d’espoir.

Quelques réserves

1) La seconde partie du livre relate les méfaits incestueux des nombreux descendants des épiciers sur quatre générations - des gens cultivés et bien situés dans l’échelle sociale. Malgré quelques cas approfondis (Yvonne, les Philippe), on se perd dans un labyrinthe de personnages, riches et beaux, mais tous plus horribles les uns que les autres - même les femmes ! J’ai dû tracer moi-même un arbre généalogique pour tenter de m’y repérer. 

2) D’un livre intitulé « La Fabrique des pervers », j’attendais une réflexion sur la perversion, ses causes, ses remèdes. En dehors de la reproduction du comportement parental, rien : je n’ai rien trouvé sur le fonctionnement psychologique, rien sur le ressenti du pervers. Tout le livre est centré sur le rejet de sa famille par l’auteur – rejet qui se conçoit aisément.  

3) La troisième partie du livre est centrée sur l’enfance de l’auteur et sa relation avec ses parents - un père incestueux (mais non violeur) et une mère qui ne l’en protégeait pas – et sur les souffrances psychologiques engendrées par cet amour malsain, notamment un atroce sentiment de culpabilité. 

Autant, c’est formidable pour l’auteur d’avoir couché tout cela sur papier, autant, à la lecture, cela tourne en rond - preuve qu’elle est encore trop obsédée, pas vraiment guérie. Pour le lecteur, c’est vite lassant.

Encore un mot...

Aujourd’hui l’inceste et la pédophilie ne sont plus cachés. Nous vivons une ère nouvelle où l’on marche sur la tête mais d’une autre manière : faux souvenirs induits par des thérapeutes entraînant des divisions dans les familles, interdiction pour un professeur de piano de toucher la main d’un débutant pour lui apprendre à la placer sur le clavier, accusations d’inceste par la mère quand elle veut nuire au père, impossibilité de regarder un prêtre droit dans les yeux etc. 

Le livre de Sophie Chauveau est un scoop par l’ampleur des dégâts inventoriés. 

Mais le problème de la pédophilie est complexe et en dehors du fait d’insister une énième fois sur la nécessité pour les victimes de parler et de travailler sur elles-mêmes, ce livre n’apporte pas une pierre à sa solution.

Une phrase

« Pareille exagération m’imposait d’en faire quelque chose. Et d’abord la lumière. Décrire le plus objectivement l’ignominie de ces perversions, jusqu’ici protégées par l’universelle mansuétude de la bourgeoisie, et couvertes par le légendaire des familles heureuses »

L'auteur

Comédienne, militante de gauche, féministe et femme de lettres, Sophie Chauveau est auteur de romans mais aussi d’essais et de biographies dans les domaines des arts et de la philosophie.

Commentaires

mucyl
jeu 13/12/2018 - 21:34

je suis en train de lire ce livre. Dans votre article, la nuance que vous faites entre père incestueux et non violeur me laisse pantoise.... vous ne savez donc pas ce qu'est un viol (sur le plan juridique) ou vous avez mal lu cet ouvrage ! c'est bien d'un père violeur qu'elle parle.
mucyl

Marie
dim 25/04/2021 - 13:34

Je viens de découvrir ce livre 5 ans après sa parution.
Au vu des annotations faites par de nombreuse emprunteuses avant moi, je constate que ce récit a fait écho à de nombreuses lectrices(nombreux lecteurs).
Moi j' ai 65 ans et n'ai jamais été confrontée à cette abomination.
Pourtant, il y a eu des hommes qui m'ont pris dans leurs bras et m'ont faite tournoyée, d'autres qui m'ont caressé la joue, ont fait remarquer à mes parents que je "grandissais" "Tu vas bientôt avoir des coups de chapeau".
Dois- je penser que je suis naïve ou que j'ai été abusée???
De plus le mot PAPA est un des plus beau du monde.Même à 65 ans, je ne dis jamais "mon père".Un PAPA respecte son enfant, un père pas sûr.

Jacqueline
lun 28/02/2022 - 11:56

Merci pour ce livre.
Après de longue années de silence puis de thérapie, je découvre que mes émotions, mes pensées difficiles à panser, sont justes et saines. A 60 ans je reçois une bouffée d oxygène . Ceux qui n ont pas vécu ces abominations peuvent difficilement comprendre la justesse des maux.
Merci

Turier
dim 22/01/2023 - 14:48

Un acte incestueux est un viol!!

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