La Maison

Racines familiales: mystères, blocage, et épanouissement. Un album très riche
De
Paco Roca
Editions Delcourt Mirages - 125 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Un an après la mort d’Antonio, José retourne dans La Maison que son père a construite de ses mains et où il a fini ses jours. Revenu pour y mettre de l’ordre et effectuer quelques réparations préalables à la mise en vente, José est immédiatement rattrapé par l’histoire familiale qui s’est largement écrite autour et dans La Maison. Située dans le village de son arrière-grand-père, où la famille passa longtemps l’été avant de pouvoir s’y ancrer, La Maison grandit progressivement au fil de longues vacances de travail. José, son frère aîné Vincente et sa sœur cadette Carla, ‘la petite’, y furent largement associés par un père hyperactif, pédagogue et bricoleur.

Alors que José avait quitté La Maison pour mener dans la grande ville une vie deromancier, avec la ferme intention de ne plus y remettre les pieds, ce retour fait rapidement vaciller ses certitudes. Concomitamment, ses talents limités de bricoleur lui interdisent de mener à bien l’ensemble des travaux nécessaires. Il fait donc rapidement appel à son frère, sa sœur, son beau-frère et sa belle-sœur. Réunis pour la première fois depuis plusieurs années, ils reprennent le fil de leurs relations et de l’histoire familiale autour des travaux de réparation de La Maison. A plusieurs dizaines d’années d’écart, Elle redevient petit à petit le centre de gravité et le pôle d’équilibre de la famille. Vendront-ils … ?

Points forts

Comment ne pas tomber sous le charme de cet album qui nous renvoie à nos souvenirs familiaux les plus profonds ? Lorsque José ouvre la maison après un an de fermeture, nous sentons avec lui l’odeur d’humidité assaillir nos narines et toussotons de concert sous l’agression des flots de poussière. Comme lui, nous sommes submergés par la nostalgie portée par les objets d’une vie. Insignifiants pris séparément, ils constituent reliés par l’histoire familiale un tout chargé d’émotions. Qui n’a jamais vidé une maison ou un appartement et, se retrouvant face à un objet oublié, ne s’est étonné et émerveillé d’avoir retrouvé ce témoin muet mais vibrant d’un passé heureux ?

Au fil des pages, nous mettons nos pas dans ceux de la famille à la reconquête de La Maison des jours de joie. Nous nous attachons à Vincente, l’aîné taiseux, si semblable au Père qu’il accompagna jusqu’au dernier moment et à une décision déchirante qu’il dut prendre seul. Nous nous attristons avec Carla du fait que la petite Elana n’aura que peu profité d’un Grand-père qui aurait été le seul à pouvoir lui apprendre comment cueillir les oranges. Nous nous émouvons de la tentative de José, l’intellectuel, de mettre ses pas dans ceux de son Père, le manuel.

Nous tombons également sous le charme d’un dessin à la ligne claire, aux aplats de couleurs pastel dont les variations de tonalité et de chaleur soulignent les allers-retours entre la mémoire et le moment présent. Ce dessin à l’apparence simpliste restitue magistralement, sans y toucher, les émotions les plus profondes.

Les fans de BD retrouveront avec bonheur un graphisme, une ambiance et des thématiques proches de ceux de Manu Larcenet – Le retour à la terre (avec Jean-Yves Ferri), éd. Dargaud, 2002-2008 ; Le combat ordinaire, éd. Dargaud, 2003-2008 – ou de Guy Delisle – Shenzhen, éd. L'Association, 2000 ; Pyongyang, éd. L'Association, 2003 ;Chroniques birmanes, éd. Delcourt, 2007 ; Chroniques de Jérusalem, Delcourt, 2011 – avec lesquels Paco Roca partage le talent de dire beaucoup avec des textes et un graphisme de prime abord très simples. Les fans de Sempé retrouveront également au détour d’une page l’ambiance des terrains vagues du Petit Nicolas. Quant aux amateurs de cinéma, ils ne pourront que relever l’esprit d’un Claude Sautet et son génie pour faire de la vie quotidienne une source inépuisable d’inspiration.

Enfin, La Maison nous donne un éclairage passionnant sur la « middle class » et la société espagnoles d’une certaine époque où l’accession à la résidence secondaire revêtait une signification toute particulière. Et ce quand bien même cette accession signifiait le plus souvent construction de ses propres mains.

Quelques réserves

Difficile de trouver un point faible à cette chronique de la famille et du temps qui passe. Peut-être aurions-nous souhaité que Juan, le petit-fils, prenne plus d’importance tant son apport en quelques pages conditionnera beaucoup l’issue de l’album.

Encore un mot...

A mettre de toute urgence entre les mains de ceux pour qui la famille reste un horizon indépassable. De ceux pour qui la maison familiale fut de tout temps un point d’équilibre, un refuge que l’on retrouve avec bonheur, quel que soit le temps pour lequel on s’est absenté. De ceux enfin pour lesquels la voiture familiale nettoyée à plusieurs, un match de basket sous les étoiles ou un dîner sous une pergola constituent des moments inoubliables.

Une phrase

« Vendre cette maison, c’est comme renier une partie de notre passé. »

L'auteur

Paco Roca est né en 1969 à Valence. Il appartient donc à cette génération d’auteurs espagnols utilisant avec bonheur la Bande Dessinée pour aborder des thèmes de société variés, au travers de romans graphiques intimistes. Comme il le dit lui-même, depuis l’enfance, Paco Roca a voulu travailler dans le dessin. Il se considère à présent comme un privilégié qui a réussi à vivre son rêve d’enfance. 

Paco Roca a commencé par rouler sa bosse dans la publicité et la presse. Il s'est consacré ensuite progressivement à la Bande Dessinée via des parutions dans différents supports de presse espagnols (Mensuel Kiss Comix, 1996 ; revue El Vibora).

A partir de 2005, il publie des albums sur des sujets aussi différents que les derniers jours de la guerre civile en Espagne (Le Phare, éd. Six pieds sous terre, 2005), la vie fantasmée de Salvador Dali (Le Jeu lugubre, éd. La Cupula), la maladie d’Alzheimer(Rides, éd. Delcourt, 2007), ou une icône révolutionnaire (le Che, Hors Collection, 2009). 

Cette production remarquée lui vaut de nombreux prix internationaux dont le Prix du Meilleur Roman Graphique, à Lucca (Italie). 

Eclectique, Paco Roca se consacre également à l’animation d’un talk-show radio et à l’illustration de livres et magazines.

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