L’homme de ma vie

Dommage que son père ne soit plus là...
De
Yann Queffelec
Editions Guérin
Notre recommandation
3/5

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Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

La quête d’amour et de reconnaissance paternels est un sujet aussi vaste qu'émouvant et parfois cruel. Yann Queffelec a pour père un homme, à ses yeux, brillant mais narcissique, rigide, froid et intolérant, qui d’entrée de jeu a décidé que ce fils n’avait rien à faire dans cette famille et que sa venue au monde n'était due qu’aux travaux aléatoires du Dr Kyusako Ogino... 

Troisième d’une fratrie de quatre, provocateur et frondeur, Yann tente d’attirer l'attention de son père par tous les moyens et surtout en lui ressemblant: «Je suis un Henri Queffelec miniature (...)»

Points forts

  • La certitude de ce petit bonhomme que son père ne l’aime pas: de non-dits en regards en biais, tout a été signifié très tôt.  
  • La souffrance de Yann - que son père n’appelle jamais par son prénom mais «p’tit vieux»- dans sa quête vaine de l’amour paternel. Yann défie,  provoque: c'est sa façon de crier à son père «regarde moi, aime-moi!»
  • La description d’Yvonne sa mère, douce et aimante, nommée par son mari «belle-mignonne» est sensible; celle de son frère aîné, Hervé, qui le vassalise et en fait son souffre-douleur avec ingéniosité et perfidie, est drôle.
  • Yann cherche désespérément à ressembler à son père: il aime la mer, il sera donc voileux;  il est marcheur, il marchera; il est écrivain, il sera auteur. Comme lui, comme lui, comme lui... 
  • Des passages d’humour vraiment cocasses et réjouissants, tout au long du livre. Quand, par exemple, Henri, le père (qui accessoirement «rétablit son équilibre hydrostatique quand il pisse»), sûr de son bon droit, oblige son fils ainé à boire du vin à table - car même Pasteur le préconise, comme fortifiant-  tout en ordonnant à Yann de ne pas finir son eau sous peine de dilatation d’estomac. Ou quand il défonce la porte des uniques «ouatères» de la maison, incapable d’attendre son tour.  La scène du shoot de purée de bananes (fallait y penser!) dans le train est absolument tordante. Celle de la montre suisse à laquelle Yann fait passer divers tests barbares de résistance, drôlissime. Ainsi que le moment improbable mais édifiant, où, de retour de voyage d’ Afrique le soir du 31 décembre 1961, son père emmène Yann, qui a 12 ans, présenter ses voeux à Baudelaire, au cimetière Montparnasse... L’affaire des dents de requins, cadeau inestimable de son père est drôle et terrifiante à la fois. Elle lui vaudra encore une (dernière!) fessée à 12 ans. Oui, parce que ce père est également un aficionado des fessées. 
  • Le passage méticuleux au peigne fin, du bureau paternel, où le fils découvre de façon intime le père à travers ses lettres, ses brouillons, ses objets, nous met quelque peu en position de voyeurisme mais on n’en est pas moins curieux de tenter de percer les failles de cet homme.
  • La réaction affligeante et destructrice d’Henri quand son fils lui annonce qu’il a le prix Goncourt est le résumé à elle seule de leur relation.

Quelques réserves

De la couleur, des émotions, des rires et des larmes. Difficile de trouver des points faibles dans cette relation mise à jour avec pudeur et humour.

Encore un mot...

Ce livre, riche de souvenirs, n’est pas un règlement de comptes. S’il y a de la souffrance et de la peine, il y a aussi beaucoup d’émotion, de tendresse, d’amour et de dérision. La sensation terrible d’un immense gâchis entre un père et son fils nous touche, celui d’être passé à côté l’un de l’autre et de n’avoir pas su se parler, s’écouter. On est consterné quand, la seule fois où son père amorçant une tentative d’excuse trop tardive, Yann est dans l incapacité de l'entendre.

Les mots, aussi triste que cela soit pour deux écrivains, se sont perdus dans l’absence des sentiments exprimés. Parce que s’il est certain que Yann ait aimé son père comme «l’homme de sa vie», il n’en est pas moins certain que celui-ci l’ait aimé à sa façon.

Il est un moment où il faut poser les mots pour se sauver. C’est chose faîte pour Yann Queffelec. Souhaitons qu’il se soit guéri, ou du moins libéré, de ce papa adoré, admiré et respecté, contre vents et marées.

Une phrase

Qui seront deux:

- "Dès qu’il m’aperçoit il estime que ma place est ailleurs. Normal, je me suis trompé de famille".

- "Tu peux tempêter papa, me brûler au feu de tes yeux bleus, un jour je deviendrai toi: toi et personne d’autre, et surtout pas moi." 

L'auteur

Jean dit Yann Queffelec naît à Paris en 1949. Fils de l’écrivain breton Henri Queffelec -lauréat en 1975 du Grand Prix de littérature de l’Académie Française-, il publie à 32 ans son premier livre, une biographie de Bela Bartok. En 1985 il obtient le Prix Goncourt avec «les Noces barbares»

Commentaires

Bidouloute
lun 18/01/2021 - 18:31

Ce livre est d'une beauté incroyable et très bien écrit, remplie d'émotion et de sentiments, c'est une oeuvre de la littérature mais unique remarque, certains passages sont plus difficiles à comprendre et les mots prennent quelquefois une trop grosse place. Toutefois j'ai aimé le mélange de roman et de description, les sentiments de l'auteur et son amour envers son père qui le déteste.
Très bonne lecture, je recommande.

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