L'Oreille d'Or

Un peu obsessionnel, mais fin, subtil, très bien écrit
De
Elisabeth Barillé
Editions Grasset
Notre recommandation
4/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

Comment, à partir d’une surdité latérale, se reconstruire, comment trouver sa présence au monde?  «Condamnée à l’aventure de la profondeur», dans ce court récit intime Elisabeth Barillé retrace les origines de sa surdité, ses implications sensibles et émotionnelles. Elle nous invite à travers ses souvenirs, la transformation de ses relations à l’autre et plus largement sa vision du monde, à reconsidérer l’être malentendant, avec ses failles mais aussi de nouvelles exigences. Quand l’être malentendant est un écrivain, le mal décrit peut subir toutes les métamorphoses que l’écriture rend possible et s’inverser comme à l’issue d’une transformation alchimique.

Points forts

- Elisabeth Barillé nous subjugue d’emblée par ses talents d’écriture: refusant tout lyrisme, elle parvient néanmoins à toucher le lecteur à la fois par son implication personnelle et une pudeur, une réserve devant les émotions dévoratrices. Vient-elle à intellectualiser un propos qu’il se dissout dans une succession d’images impressionnistes. L’abstraction faisant toujours la course avec le réel le plus tangible.

- Voici une étude originale sur la malentendance où le didactisme propre au sujet cède le pas à une vision englobant la vie de l’auteur mais aussi des comparaisons où sont convoquées musiciens et écrivains souffrant du même mal. Pourtant le ton est bien celui d’un récit autobiographique qui ne connait ni ratiocination ni justification et dont toute la tension existentielle s’épanouit dans une réflexion à la fois lucide et apaisée.

- Livre d’écrivain (pour écrivain?), L’Oreille D’or (l’oreille dort?), de l’aveu même de son auteur, mise d’avantage sur la densité que sur la transparence. Sur l’énigme que sur le consensus. En cela il intéressera tous les curieux et aussi ceux qui possèdent une «Oreille d’Or»...

Quelques réserves

Y-en-a-t-il? Oui, un, peut-être : on ne sourit guère dans ce livre où l’humour a quelque mal à trouver sa place pendant la confession, qui prend des airs d’analyse… L’auteur, toujours grave, est vissé à son sujet de façon obsessive. Alors même que les difficultés existentielles sont en passe d’être surmontées, la solitude sublimée, le lâcher-prise n’est pas chose facile pour le narrateur.

Encore un mot...

Un récit fin, subtil (presque une rêverie), très écrit avec des jaillissements poétiques qui ont pour objet de conjurer l’enfermement que constitue la surdité. Avec ce ton feutré de la confidence, de l’anecdote où s’avouent parfois des choses énormes, presque des confessions psychanalytiques. Le style est un enchantement de tours gracieux et surprenants. Il sert à merveille le projet d’Elisabeth Barillé : créer à partir de l’oreille fantôme une formidable histoire du monde du silence et de la solitude où se joue, sublime paradoxe, un beau chant d’espoir.

Une phrase

"Ma surdité m’accorde en effet un droit auquel je tiens comme à ma vie: le droit d’être absente, le droit à la rêverie, au retrait, à la rétention, voire au refus…rester opaque, jouer l’obsidienne contre le cristal, le mystère contre la transparence. Never explain.

L'auteur

Elisabeth Barillé est devenue célèbre à vingt-cinq ans, en 1986, par son entrée en littérature avec «Corps de Jeune Fille».  Si le livre où l’on apprenait que les jeunes filles exerçaient leur doigté autrement qu’au piano suscita quelque scandale, ce le fût au prix d’un certain malentendu comme le confirma la suite de son œuvre, d’une très grande exigence personnelle autant que littéraire. 

Auteur de romans, de récits et de biographies, Elisabeth Barillé est attirée par des modèles qu’exaltent la solitude autant que la vibration de la vie dans tous les bruits du monde. 

"L’Oreille d’Or" est son vingt cinquième livre.

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