Zazous

Les complexités de l'Histoire
De
Gérard de Cortanze
Éditions Albin Michel
Notre recommandation
4/5

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Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

Cet ouvrage décrit la façon dont la génération des 15 à 20 ans a vécu les années de guerre entre 1939 et 1945. Ils avaient droit à l’insouciance normale de la jeunesse, ils durent se faufiler au sein d’une nation défaite et assumer le fait d’ être trop jeunes pour « faire » la guerre et trop vieux pour rester dans l’enfance. 

Dès les premiers mois de la guerre, devenir Zazous signifie aimer la musique swing, s’habiller avec des vestes trop longues et des pantalons trop courts, tant pour les garçons que pour les filles. Puis le début de l’occupation va donner aux Zazous l’occasion de se réunir dans un bar du 13ème tenu par Jo, plus âgé, et plus prudent aussi, qui va les accueillir et tenter de les inciter à la prudence. 

Mais rien ne va empêcher cette bande d’amis fidèles de se retrouver autour de la musique dans les boîtes de jazz ou de persifler à la présence de l’occupant. 

Cependant, au sein du groupe des différences vont apparaître, certain sont juifs, d’autres résistants et d’autre encore vont même collaborer parfois pour de justes causes (!).

 Cette période, que d’aucuns ont vite oubliée, va révéler des moments difficiles, puis odieux et enfin atroces. Cette génération va découvrir les bassesses des hommes, leurs combines pitoyables, mais aussi des actes héroïques. Et cela, non pas dans les livres, mais en bas de chez eux, dans leurs quartiers du parc Montsouris jusqu’à Saint Germain, en passant par les Champs Élysées.

 On découvre, au jour le jour, les vicissitudes lancinantes de l’occupation, qu’elles fussent matérielles ou alimentaires. 

Mais ce sont aussi les chemins impensables que certains ont été à même de prendre, sans forcément le décider d’une façon formelle, mais simplement en se laissant entraîner par une ambiance de résignation assez peu prédisposée à la réactivité.

Points forts

Une importante littérature existe pour nous décrire, de tous bords, la seconde guerre mondiale. La spécificité de cet ouvrage est de nous décrire le quotidien d’une génération qui ne comprend pas clairement le sens de cette guerre soudaine et qui va en subir l’effroi en doutant. Depuis l’invasion et l’occupation, durant ces six années, cette génération va devoir essayer de vivre ce qui leur est dû : l’insouciance de la jeunesse. On est proche d’eux, car leur vision est dénuée d’apriori politique et de jugement sur l’origine de la guerre. Ce qui est raconté c’est la routine oppressante avec laquelle il faut « vivre ». Ainsi des pistes nous sont fournies pour comprendre comment, l’impensable peut parfois conduire des jeunes à s’accommoder d’une vie qui peu à peu va devenir insupportable, ou même les emmener vers l’horreur. Mais leur « milieu » c’est celui du monde « Zazou » porté par la passion du swing, du jazz et par un comportement affranchi et amical. Alterne alors avec cette insouciance du quotidien, la vie matérielle de plus en plus difficile et surtout, les propos diffus et sous-entendus sur les rafles et les disparitions de gens dont on est sans nouvelles. 

Et puis les horreurs qui se découvrent, de Drancy jusqu’aux trains en partance pour l’Allemagne, puis pour Auschwitz.  Et puis ce jeu de cache-cache incessant entre les adeptes, plus ou moins sordides, du régime de Vichy, et ces jeunes qui ont envie de rire, de vivre et qui en profitent pour les défier. Ils ont leurs mots persifleurs, leurs comportement « joyeux », des armes hélas dérisoires.On voit comment les collaborateurs et la presse de l’époque n’hésitent pas à assimiler les Zazous à quelques désaxés, « pitres gouailleurs, prétentieusement avachis, nature pauvre… », pire encore, des « initiateurs de surprises-parties inopinées avec des résistants ou même avec des… juifs » ! 

Une période trouble entretenue comme telle, alimentée par des informations avec lesquelles il est difficile de faire la part des choses, entre les rendez-vous secrets pour écouter la BBC et les messages « officiels » péremptoires et glauques de l’occupant. Avec de sourds moments de désespoir; ainsi l’une des héroïnes, Odette, s’effondre : « tout est fichu… ma jeunesse est partie… ». Hélas certains événements sordides, lors de la Libération, mettront fin aux Zazous, avant même le retour d’un quelconque espoir. L’auteur, qui s’est attaché à la recherche d’une documentation riche, nous révèle même les noms, assez nombreux, de ceux qui, de près ou de loin, ont, soit protégé, soit discrédité, voir condamné ces adolescents dont le seul tort était de vouloir vivre leur jeunesse. 

Enfin, Gérard de Cortanze publie, sous le même titre que le roman, une compilation de 52 succès musicaux de l’époque.

Quelques réserves

 Quelques longueurs.

Encore un mot...

On entre dans une histoire, à côté de l’Histoire. On pensait connaître beaucoup de chose sur cette période, les Zazous nous éclairent sur un quotidien sombre, mais dans lequel, envers et contre-tout, les 15/20 ans voulurent exister avec leurs codes, leurs musiques, leur gaité; et leurs espoirs, hélas trop souvent confisqués brutalement.

Une phrase

Qui seront deux:

- « Ne pleurez-pas, ça leur ferait trop plaisir à ces cochons ».

- « Derrière le modèle américain et anglais du swing, c’est le juif qui se cache… » selon le « Parizer Zeitung. »

L'auteur

Gérard de Cortanze a publié son premier roman, Les Enfants s'ennuient le dimanche, en1985, et a obtenu le Prix Renaudot en 2002 pour son roman historique, Assam. 

Il a également publié des essais sur Paul Auster, J.M.G. Le Clézio et l'histoire dusurréalisme. 

Il collabore au Figaro littéraire ainsi qu'au Magazine littéraire et est responsable de la collection Folio Biographies lancée par Gallimard en 2005. 

Il a traduit de nombreux ouvrages d'écrivains de langue espagnole. 

En octobre 2011, il a présenté sa candidature à l'Académie française, au fauteuil dePierre-Jean Rémy; il fut de nouveau candidat, en mars 2014, au fauteuil de Félicien Marceau.

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