Anna Karenine

Culotté et superbement réussi
De
Léon Tolstoï
Léon Tolstoï
Mise en scène
Gaëtan Vassart
Avec
Emeline Bayart, Xavier Boiffier, Golshifteh Farahani, Sabrina Kouroughli, Guillaume Marquet, Manon Rousselle, Igor Skréblin, Stanislas Stanic
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de la Tempête
Route du champ de manœuvre
75012
Paris
0143283636
Jusqu’au 12 juin

Thème

Dans sa version originale, qui est celle d’un roman d’environ 900 pages, paru en 1877, « Anna Karénine » est considéré comme un des plus grands chefs d’œuvre de la littérature mondiale.

Ce roman relate l’histoire d’une passion, folle, orageuse, dévastatrice, d’une femme  mariée et mère d’un petit garçon  (Anna Karénine) pour  un officier brillant, mais frivole ( le comte Vronski), rencontré en descendant d’un train.

 Ces deux amants là, dans le tumulte de leur irrépressible attirance, vont s’aimer, se séparer, se retrouver, fuir ensemble à l’étranger, puis revenir en Russie, vivre en marge d’une société qui à la fois les admire et les réprouve pour avoir enfreint si ouvertement les conventions de la haute société russe.

Mais  une incompréhension réciproque et bientôt un malaise insupportable vont gagner le couple. En proie à d’insurmontables tourments, la belle, l’impérieuse Anna, finira par aller se jeter sous un train.

Points forts

- Le culot de l’entreprise. Car il fallait un certain aplomb pour oser  porter  sur scène, sans  crainte de trop le dénaturer,  ce roman fleuve qui charrie  des personnages multiples  et dans lequel Tolstoï  brosse, outre celui d’Anna et de Vronski, le portrait de deux autres couples. Evidemment, ce qui a intéressé  Gaëtan Vassart, qui signe ici adaptation et mise en scène, c’est  celui, incandescent, sulfureux, que forme, avec son  bel amant, l’héroïne qui donne son titre à l’œuvre. On ne peut pas lui en vouloir. Ce sont ces deux personnages là qui, dans le roman, aimantent essentiellement l’attention des lecteurs. Parce qu’ils  sont  beaux, libres et déterminés. Le personnage d’Anna surtout, fascine, qui, en affirmant  ouvertement son choix amoureux, symbolise la résistance et l’émancipation des femmes, à une époque où on n’en parlait guère. Le texte de Gaétan Vassart met ces points là en avant, y appuie son travail.  C’est formidable, car ce parti pris modernise le texte, et n’en appauvrit pas le sens.

- Le choix de Golshifteh Farahani pour  Anna Karénine.  Qui  plus emblématique que la comédienne iranienne  pour incarner  une des héroïnes les plus magnétiques,  les plus libres, les plus passionnées et les plus rebelles, les plus aristocratiques aussi, du répertoire littéraire mondial ?  A une grâce irrésistible, cette actrice élevée  en Iran dans le monde du théâtre et l’amour des beaux textes, aujourd’hui de renommée internationale,  ajoute un  vrai cran de   femme.  En 2008, pour avoir bravé les diktats de son pays natal et tourné sans voile dans un film de Ridley Scott , elle fut contrainte à l’exil. On s’incline devant la performance de celle qui a appris le français à l’oreille, il y a seulement quelques années, et qui aujourd’hui, le parle, presque sans accent.

- La fougue et la vivacité de la troupe, presque toute issue du Conservatoire supérieur d’Art Dramatique.

- Les incursions, notamment musicales, dans le monde européen contemporain. Ah, par exemple -parce qu’elle est sans doute la plus audacieuse- la  scène de bal dansée sur du Brel !  Iconoclaste ?  Peut-être, mais qu’importe puisque ça marche merveilleusement bien !

Quelques réserves

- Le comédien choisi pour incarner Vronsky. Il devrait être flamboyant, brillant, séducteur. Il est ici trop falot. Sans doute le jeune acteur  n’a-t-il pas encore pris  assez  confiance en lui. Cela viendra peut-être au fil des représentations.

- Le texte, par moments, un peu trop d’aujourd’hui. Un peu trop trivial.

Encore un mot...

Le plaisir et l’émotion qu’apporte cette représentation sont  tels qu’on en oublie ses défauts,  dont le plus visible, un Vronski  sans charisme. Quel bonheur de voir porter sur scène, avec à la fois humilité et vitalité, l’une des plus belles œuvres romanesques de tous les temps. Une œuvre qui, certes, radiographie une passion, mais qui, surtout, promeut des valeurs comme la liberté et  la nécessité de l’instruction pour tous .

Une phrase

« Anna Karénine ressemble à la lueur d’un incendie au milieu d’une nuit sombre ». Tolstoï, à propos de son héroïne. 

L'auteur

Né le 24 août 1817, près de Saint-Pétersbourg,  dans une famille de noblesse ukrainienne, Léon Tolstoï est l’un des pères de la littérature russe.  S’il écrivit de nombreux essais et quelques pièces de théâtre, il est surtout connu pour ses romans et nouvelles qui dépeignent la vie du peuple russe  à époque des tsars, et dans lesquels il prône, à l’instar de Rousseau qu’il admirait beaucoup, la vie à la campagne mais, aussi, le travail manuel, le rejet du matérialisme et la « non-violence ».

C‘est en publiant des récits autobiographiques  sur son enfance et sa jeunesse, puis sur sa vie de soldat à Sébastopol qu’il se fait  d’abord connaître. Mais il assoit sa notoriété  en 1869 avec la sortie, en six volumes, de  «  Guerre et Paix », un grand œuvre qui lui a pris dix ans de travail et  dans lequel  il fait le portrait de toutes les classes sociales au moment de l’invasion de la Russie par les troupes napoléoniennes en 1812.

Avec la publication, en 1877, d’ « Anna Karénine, sa renommée va franchir les frontières. L’écrivain, qui se fait le chantre de la défense contre toutes les injustices et qui promeut l’instruction pour tous, devient  une sorte de maître à penser, non seulement en Russie, mais dans toute l’Europe. 

Cette célébrité, qu’il voulait pourtant tellement, ne  rendra pourtant pas plus heureux  celui qui se trouvait « laid, gauche, malpropre et sans vernis mondain ».

Il publiera encore beaucoup, dont, en 1899, « Résurrection ». 

Admiré par tous, il mourra pourtant seul, d’une pneumonie, dans sa maison familiale, proche de Saint-Pétersbourg, à l’âge de 82 ans.

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