Fric Frac

C'est bon, mais on attendait mieux de Michel Fau
De
Édouard Bourdet
Mise en scène
Michel Fau
Avec
Michel Fau (Jo), Julie Depardieu (Loulou), Régis Laspalès (Marcel), Émeline Bayart (Renée).
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre de Paris
01 48 74 25 37
Jusqu'au 31 octobre à 20h45

Thème

Marcel, employé modèle et modeste de la bijouterie Mercadieu, s’amourache de Loulou, demie-mondaine gouailleuse dont le souteneur, l’odieux Tintin, est en prison et en manque de liquidités. Cette fleur du trottoir est flanquée de Jo, escroc minable et ami de Tintin.

Or Marcel est courtisé par Renée, la propre fille de son employeur, très jalouse de Loulou ; cette dernière décide d’utiliser ses charmes auprès de Marcel pour monter un fric-frac dans la bijouterie de son soupirant…

Points forts

- Les deux comédiennes, chacune à leur manière, jouent pleinement la carte de ce classique du théâtre de boulevard:

Julie Depardieu interprète avec la gouaille attendue une Loulou qui, sans éclipser Arletty, parvient à faire bonne mesure.

La vraie surprise vient d’Émeline Bayart qui dynamite avec un sens du comique de boulevard consommé le rôle de Renée : elle fait ce qu’il faut (et même plus) pour provoquer les rires du public à chacune de ses apparitions tonitruantes.

- Mention spéciale aux décors, pour leur polychromie et leur inventivité, qui lorgne tant du côté du fauvisme que du Cabinet du Dr Caligari (un classique du cinéma expressionniste allemand, sorti en 1922).

Quelques réserves

- On retire de cette adaptation l’impression que les comédiens ne jouent pas tout à fait ensemble, or c’est largement sur eux que repose une pièce qui, sans cela, vieillirait plutôt mal. Cette distorsion vient moins de la mise en scène que des déséquilibres entre les principaux rôles. Si les femmes, comme on l’a vu, parviennent à tirer leur épingle du jeu, le registre de Regis Laspalès est bien trop limité pour incarner un Marcel aveuglé par l’amour et un petit bourgeois pris en tenaille entre ses sentiments d’homme et ses “espérances“ de modeste employé.

- Plus étonnant, Michel Fau - qui a en charge Jo, clef de voûte de l’intrigue – croit bon jouer et parfois surjouer, en poussant dans les aigus comme Claude Piéplu, ou en prenant des mines et des intonations excédées à la Pierre Palmade, nous privant au passage de la gouaille argotique du personnage, qui fait pourtant tout le sel des dialogues de Fric Frac. De ce point de vue, la scène où Jo et Marcel dialoguent tout en s’imbibant consciencieusement est loin d’être convaincante, alors qu’a contrario, bien des passages savoureux de la pièce, développés dans le film, sont largement raccourcis, voire supprimés.

- Autre chose: en dehors des costumes de l’époque (et encore, Jo est habillé comme l’étaient les “zazous“ à la Libération), on ne perçoit jamais celle-ci : hormis quelques déplorations convenues sur le chômage lancinant d’alors, les contrastes entre les parlers et les milieux sociaux, la mise à mal du petit bourgeois du milieu des années trente sont trop peu mis en avant.

Encore un mot...

Cette adaptation de Fric Frac par Michel Fau démontre qu’il n’est pas si simple de ressusciter un des mètre-étalon du théâtre de boulevard...

Une phrase

Loulou (en tandem avec Jo) : « Qu’est-ce que tu fais ? Tu m’arrêtes ?

Jo : Ouais, J’l’ai ai à la r’tourne !

Loulou : Mollasse, va !

Jo : … et aujourd’hui, c’est dimanche, et dimanche, faut pas s’fatiguer […] Crie pas comme ca, quoi, tu m’fais résonner les étagères à cibiches ! […] Moi, j’te cache pas qu’y m’revient pas ton Marcel. Dès l’premier jour, j’l’ai eu dans l’os à moelle… »

L'auteur

Édouard Bourdet (1887-1945) est - avec Henri Bernstein (1876-1953), son adversaire le temps d’un duel (fort heureusement sans conséquences) - l’un des grands auteurs de vaudevilles entre les deux guerres. Fric-Frac, qui sort en octobre 1936,  remporte immédiatement un vif succès.

La pièce fut adaptée au cinéma trois ans plus tard par Maurice Lehmann avec des interprètes qui livrent une prestation inoubliable : Arletty (Loulou), Fernandel (Marcel) et surtout Michel Simon (Jo).

Référence du théâtre de boulevard, Fric-Frac fut souvent jouée, ainsi dans l’adaptation mémorable de 1971 qui mettait en scène Jean Le Poulain et Jean-Pierre Darras, et fit les beaux jours de l’émission Au théâtre ce soir.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Toujours à l'affiche