Impressions d'un Songe

D’après La vie est un songe de Pedro Calderón de la Barca
Mise en scène
Alexandre Zloto
Avec
Ariane Bégoin, Frank Chevallay, Boutros el Amari, Charles Gonon, Dan Kostenbaum, Caroline Piette, Yann Policar
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre du Soleil
Bois de Vincennes, Route du Champ de Manoeuvre
75012
Paris
01 43 74 24 08

Thème

Dans un royaume de Pologne imaginaire, le prince Sigismond, héritier légitime de la couronne, est enfermé par son père Basilio dans une tour isolée. En effet, les astres ont prédit au roi que Sigismond serait un tyran et n’entraînerait que des catastrophes pour son pays. Mais pour vérifier la prédiction (et justifier sa cruauté ?), le roi fait administrer à son fils un somnifère et l’amène au palais où tous sont sommés de le respecter. Mais lorsque Sigismond se réveille, ses instincts « bestiaux » se déchaînent : il agresse, il tue, il tente de violer. Il sera reconduit dans sa tour où on le convaincra que ce qu’il a vécu au palais n’était qu’un rêve. Le rêve, l’illusion ou la peur du réel sont présents à chaque instant dans cette pièce. Les personnages sont doubles, dans le désarroi de ne jamais savoir s’ils rêvent ou s’ils sont éveillés. Ils sont chargés de secrets et ceux-ci devront être révélés pour que l’intrigue puisse se poursuivre. Rosaura, la femme qui est au cœur du drame, apparaît d’abord déguisée en homme avant de retrouver son personnage féminin. Les serviteurs sont obséquieux, les princes calculateurs, bref nous sommes dans une tragédie humaine caricaturale du théâtre baroque. Mais à travers ce thème de l’illusion, Calderon cherche à nous dire que le sens de la vie humaine passe par la victoire sur soi-même, à savoir la découverte du « vrai soi » par le renoncement aux passions illusoires…

Points forts

- L’adaptation et la mise en scène d’Alexandre Zloto ont le mérite rare de mettre à la portée du public une pièce très touffue, voire difficile d’accès car truffée de références au contexte social du XVIIe siècle. Tout en optant pour quelques raccourcis, il a su conserver au texte original toute sa force, sa poésie et son humour. On est en plein théâtre classique et on se régale. - Le personnage de Clairon, le valet de Rosaura est sans doute le plus attachant car, dans sa naïveté, il est le seul à ne pas céder à l’illusion. Il nous réveille, en quelque sorte. - La mise en scène est dynamique voire sportive, il n’y a pas une longueur.

Quelques réserves

On est un peu gêné par le ton déclamatoire de la plupart des comédiens, comme s’ils jouaient pour une audience de 1000 personnes, ce qui n’est pas le cas. Non pas qu’il faille faire l’apologie de certaines mises en scène « intimistes », où les comédiens disent leur texte à plat ventre sur le sol ou tournant le dos au public, mais ici on crie trop et trop fort. Si le roi Basilio (excellent Charles Gonon) reste intelligible, de même que Sigismond (Dan Kostenbaum), ce n’est pas le cas de la ravissante Rosaura (Ariane Bégoin) qui est parfois difficile à comprendre.

Encore un mot...

Ne serait-ce que pour la beauté de la langue (traduction de Denise Laroutis), ce spectacle du Théâtre du Soleil vaut le voyage. Thèmes et langue classiques indémodables nous ramènent pour quelque temps à la question: qu’est-ce qui est réel ?

Une phrase

Sigismond, le prince héritier : « Qu’est-ce que la vie ? Une fureur. Qu’est-ce que la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction, et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe et les songes mêmes ne sont que songes ».

L'auteur

Né avec le XVIIe siècle (1600), Calderón est représentatif de la fécondité littéraire du « siècle d’or » espagnol. Philippe IV règne sur une Espagne en plein déclin économique et militaire mais fait de sa cour l’un des centres culturels les plus brillants d’Europe. Contemporain du dramaturge Tirso de Molina, mais aussi des peintres Velasquez, Zurbaran, Murillo ou Ribera, Calderon devient le favori de la cour et met en scène les grandes valeurs de la société espagnole : l’honneur, l’obédience au Roi, Dieu… D’origine noble, élevé chez les Jésuites, à la fois dramaturge et soldat, Calderon terminera sa vie comme prêtre franciscain, tout en continuant d’écrire poésie et théâtre, animé qu’il est par une profonde réflexion spirituelle sur la condition de l’homme en quête du réel au-delà des apparences. Le thème de la révolte du fils contre la figure paternelle, cher aux auteurs baroques (Shakespeare en tête), puis à la psychanalyse freudienne, est au centre de La vie est un songe et revient fréquemment dans l’œuvre de Calderon, peut-être en raison d’un drame familial qui aurait marqué son enfance. Calderon meurt à l’âge de 81 ans, laissant derrière lui une production théâtrale riche de plus de 200 pièces.

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Un grand auteur, une belle mise en scène, mais un problème de déclamation.

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