La Ménagerie de verre

Grande pièce, grande performance, mais...
De
Tennessee Williams
Mise en scène
Daniel Janneteau
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun
75020
Paris
0144625252
Jusqu’au 28 avril

Thème

L’action se déroule dans un petit appartement de Saint-Louis. Elle met en scène trois membres d’une même famille. Une mère (Amanda), à la fois tyrannique, hystérique, pathétique, enfantine, perverse, hantée, aussi, par sa jeunesse perdue. Sa fille (Laura), solitaire, décalée, incapable d’affronter le monde réel, fragile comme les petits animaux de verre qu’elle collectionne. Et son fils (Tom), qui travaille dans une fabrique de chaussures, mais ne rêve que de poésie, d’aventure et d’écriture. A ce trio, viendra s’ajouter un autre personnage (Jim), totalement étranger à cette famille.

Quand la pièce commence, on va d’abord voir « vivre » le trio, le temps, pour Tennessee Williams, de dessiner délicatement le portrait  de chacun de ses membres, jusqu’à ce que, sur l’injonction de sa mère qui veut trouver un galant pour sa fille, Tom invite son collègue de travail, Jim… Parce qu’invité et hôtes sont  tous aussi tourmentés qu’inadaptés à toute vie sociale, la soirée tournera au fiasco…

Points forts

- La pièce, d’abord. C’est sans doute l’une des plus émouvantes, des plus déchirantes de Tennessee Williams. Car à travers ce texte (le premier porté sur une scène), c’est de lui que parle l’auteur américain, de sa jeunesse perdue dans le petit appartement de sa mère, étouffant entre les névroses de cette dernière et les graves problèmes mentaux de sa sœur :(qui finira, lobotomisée, dans un hôpital psychiatrique).

Ecrite comme une «pièce de la mémoire», selon les termes même de son auteur, « La Ménagerie de verre » nous offre parmi les plus beaux personnages féminins du théâtre, deux femmes, une mère et sa fille, d’une fragilité de cristal, au bord de la brisure, à cause de leur absolue inaptitude, pour des raisons différentes, à vivre dans le monde réel.  

Autre raison d’être touché par cette pièce… S’y dessine, en filigrane, le portrait de l’auteur lui-même, marqué à tout jamais par cette enfance, et dont toute l’ œuvre à venir, sera caractéris par un intérêt compassionnel pour tous les marginaux, déclassés et perdants de la terre .

- La scénographie. Elle est simple, belle et épurée. Les comédiens jouent dans une sorte de cage faite de tulles superposés, et se déplacent  silencieusement sur un plateau ouaté. Ce dispositif donne à tout ce qui se dit une illusion d’irréalité et renvoie à l’univers du souvenir, comme le voulait l’auteur. Astucieux et très juste.

- La distribution; elle est de haute volée. Dominique Reymond joue avec une légèreté, par moments très drôle, les mères possessives, enfantines et hystériques. Olivier Werner compose un Tom (Tennessee) très touchant très désemparé, Pierric Plathier, un Jim au contraire tout en séduction et en réalisme. Solène Arbel dessine toutes en délicates nuances la frêle  et fuyante Laura.

- La traduction signée Irène Famchon. Simple, directe, moderne mais pas trop, elle est parfaite.

Quelques réserves

Le niveau de voix des comédiens. À de trop nombreux moments, ils ne portent pas leur voix et jouent « cinéma ». Résultat, on ne les entend pas.

Cette façon de dire le texte, pour soi, sans se préoccuper du spectateur qui a payé sa place pour « entendre », est une mode qui gagne depuis quelque temps de nombreux plateaux de théâtre. C’est insupportable! Le jour où je suis venue, j’ai vu de nombreux spectateurs s’assoupir pendant la représentation (un comble pour un si beau texte et une distribution d’un tel niveau!) et j’en ai entendu un certain nombre se plaindre à la sortie.

On ne peut accuser les comédiens, mais les metteurs en scène qui, tout à leur «création», en oublient, parfois le spectateur. C’est idiot!!!

Une phrase

« Mais pourquoi vous infliger le récit de mes misères? Racontez-moi les vôtres ».

L'auteur

Né le 26 mars 1911 à Columbus dans le Mississipi, d’un père alcoolique, joueur, presque toujours absent et qu’il détestait et d’une mère (Edwina) qu’au contraire, il adorait, Tennessee Williams s’essaie dès l’âge de cinq ans à l’écriture de saynètes et de poèmes pour « fuir le monde de la réalité ». Pour tenter d’échapper aussi à la vie si triste qu’il mène alors dans un cadre familial oppressant, entre un père qui le brime pour sa féminité, une sœur aimante (Rose), mais inadaptée au monde, et une mère figée dans ses souvenirs.

Toute sa vie durant l’écriture sera la seule raison d’être de cet écrivain sensible, fragilisé par la découverte de son homosexualité, un alcoolisme récurrent et aussi l’enfermement de sa sœur chérie pour schizophrénie.

Pendant quelques années, il exercera plusieurs petits métiers le jour, réservant ses nuits  à l’écriture de pièces en un acte. Il attendra 1945 pour connaître son premier succès public avec « La Ménagerie de verre ». Il a alors trente-quatre ans. Sa notoriété ne cessera de grandir. Notamment au fil des dix-neuf de ses pièces qui seront jouées de son vivant à Broadway et dans le monde entier, dont « Un tramway nommé Désir » (Prix Pulitzer 1948), « La Rose Tatouée » (1950), « La Chatte sur un toit brûlant » (Prix Pulitzer 1955), « Doux Oiseaux de jeunesse » (1959), « La Nuit de l’iguane » (1961).

Ce dramaturge aussi torturé que déchiré, qui fut également poète et romancier, et dont de nombreuses œuvres ont été portées à l’écran, mourra le 25 février 1983 dans une chambre d’hôtel new-yorkaise, officiellement étranglé avec le bouchon d’un flacon de médicament.

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