Nobody

Une mise en scène qui décoiffe, le monde du travail vu comme un enfer
De
Cyril Teste
d’après les textes de Falk Richter
Mise en scène
Cyril Test
Avec
Le collectif d’acteur "la carte Blanche": Elsa Agnès, Fanny Arnulf, Victor Assié, Laurie Barthélémy, Pauline Collin, Florent Dupuis, Katia Ferreira, Mathias Labelle, Quentin Ménard, Sylvère Santin, Morgan Lloyd Sicard, Camille Soulerin, Vincent Steinebach
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Le Monfort Théâtre
106 rue Brancion
75015
Paris
0156083388
Attention: Dernière le 8 octobre 2016

Thème

Jean Personne est consultant chez Outsource. Tout s’y passe, ou presque, dans ces bureaux, où sont disséminés des mines, j’ose, antipersonnel, des bombes de langage, prêtes à exploser à n’importe quel moment. Chacun en possède le détonateur et se surveille, chacun flirte avec le burn-out, et il faut exploser l’autre avant de se faire sauter. Jean stagne, c’est sa « personal evaluation » qui le dit, ainsi que son « benchmarking » ou sa « working trend ». Avec « Nobody », Cyril Teste met en scène la soumission au travail et l’esclavage des cerveaux qui règne dans certains milieux.

Points forts

- Le texte, ou les textes de Richter sont formidablement résonnants pour toute une génération, et le public ne s’y trompe pas. Les spectateurs réagissent à l’humour cynique distillé par « Nobody », les piques acerbes fusent, de la machine à photocopier, aux toilettes, à la salle de réunion, tous les lieux sont propices à la compétition, la soumission de l’autre, l’incompréhension ou l’humiliation. On en vient à la suppression même de l’autre et de soi-même, notamment au sein du formidable dialogue entre Jean Personne et sa collègue/maîtresse, qui vient de rendre une évaluation à seulement 40% du travail de Jean. A ce sujet, Jean laquestionne et pendant une minute chacun y va de  son -quoi ?... -quoi ?-quoi ?...-quoi, quoi ? brouillant les notions même de locuteur: mais qui pose la question ? faut-il y répondre?

Mais d’ailleurs, de quoi parle t’on ?

Le sens est déconstruit minutieusement, au rythme de ces mots d’anglais qui ponctuent le verbiage professionnel, comme autant de marques de vide, de balises de lavage de cerveau.

- La voix-off de Jean Personne nous guide, une belle voix éraillée qui porte ce qui reste le point fort de cette pièce, le texte. Les comédiens eux aussi excellents, naviguent ente jeu de plateau et jeu de cinéma. 

- La caméra est omniprésente, et j’y reviendrai. Il faut cependant saluer le travail des deux cadreurs (Nicolas Doremus et Christophe Gaultier) dont le ballet avec les comédiens nous enveloppe de douceur tandis que les piques verbales sanglantes fusent entre les personnages. Ils se déplacent là aussi comme des chats sur un terrain miné.

Leur complicité technique et physique et leur calme vient contraster avec la violence des rapports qui règne sur le plateau.

Quelques réserves


Le dispositif scénique. Dès l’introduction, Cyril Teste définit, sur écran, son dogme, inspiré dudogme95 dicté par les cinéastes Vinterberg et Lars Von Trier. La pièce à laquelle on va assister se joue dans un cube de verre, au sein duquel les acteurs seront filmés en direct,  les images retranscrites sur l’écran situé au-dessus du cube. Seules 5 minutes de vidéo préenregistrées peuvent être utilisées et le montage sera effectué en direct. 

On ne voit pas l’utilité de souligner ce procédé, qui en plus d’avoir été maint fois utilisé au théâtre, devient ici superflu. Je déplore la présence et la taille de l’écran, qui mange littéralement le plateau. La scène devient figée, le plateau immobile, et le regard est involontairement attiré par l’écran alors que ce qui se joue dans les corps devant nous reste à mon sens le plus fascinant. Ce procédé en ce moment utilisé dans « 2666 » de Julien Gosselin ou chez Jatahy sous d’autres formes, perd de sa force ici.

Encore un mot...

J’ai aimé la mise en scène, hors captation filmique, que Cyril Teste signe avec « Nobody ». Il a choisi un texte qui résonne pour une génération entière (d’ailleurs présents dans la salle). 

Je déplore l’utilisation de l’écran qui ajoute une distance dont on se serait passé. Mais l’expérience reste totale et l’on peut la prolonger avec « Toni Erdmann » de Maren Ade, en ce moment sur les écrans.

Une phrase

“Fact, fact, fact, zéro opinion, c’est une garantie pour la vie », assène une collègue à Jean Personne.

L'auteur

Falk Richter travaille depuis 1994 pour de nombreux théâtres nationaux et internationaux renommés. Ses pièces, qui se font le témoin d’une brûlante actualité, sont traduites dans plus de 30 langues. Engagé et insolent : pour l'allemand Falk Richter, le théâtre doit être politique. Dans sa ligne de mire : l'extrême droite, et tout particulièrement PEGIDA et "Alternative pour l'Allemagne ».

Le metteur en scène, Cyril Teste, s’est intéressé aux arts plastiques avant de se consacrer au théâtre. Porté par le désir de mettre en scène, il impulse en 2000 avec Julien Boizard - créateur lumière et Nihil Bordures - compositeur, le Collectif MxM, noyau créatif modulable d’artistes et techniciens dont il devient directeur artistique. Avec la peinture et le théâtre pour compagnons, Cyril Teste pose sur la scène un regard d’auteur, plasticien et vidéaste.

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