ROBUSTE

Deborah Lukumuena et Gérard Depardieu, deux « natures » impressionnantes de… fragilité et de sensibilité, dans un duo à la fois drôle, puissant et touchant…
De
CONSTANCE MEYER
Avec
GÉRARD DEPARDIEU, DÉBORAH LUKUMUENA…
Notre recommandation
4/5

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Thème

Georges, acteur-star ronchon, désabusé et incontrôlable (Gérard Depardieu) ne peut plus vivre sans son fidèle confident-chauffeur-garde-du-corps, moins pour se sentir protégé que pour être chouchouté. Cet assistant-nounou devant un jour s’absenter plusieurs semaines, il est remplacé par Aissa, une jeune « agente » de sécurité, lutteuse à ses heures perdues (Déborah Lukumuena). Entre l’interprète vieillissant et à fleur de peau, et la jeune femme solitaire qui sous son gabarit hors-norme abrite une sensibilité très vive, va se nouer un lien unique. Sans beaucoup se parler, ces deux là que, mis à part leur physique XXL, tout oppose (leur âge, leurs goûts, leur condition sociale,  etc.) vont parvenir à s’apprivoiser.

Points forts

- La plus belle idée de Robuste est d’avoir mis face à face ces deux acteurs là : l’ultra-confirmé Gérard Depardieu et la jeune Deborah Lukumuena, 27 ans - et tout de même déjà  à son actif un César de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle décroché en 2016 pour Divines. Ensemble, ils forment le duo le plus passionnant du cinéma français depuis bien longtemps. Un duo d’un équilibre qui laisse pantois, car à aucun moment dans le film, du haut de son mètre 80, la solide Déborah Lukumuena ne s’en laisse conter par son partenaire. Elle est même carrément sensationnelle dans son rôle de garde du corps qui compense la solitude dans laquelle la détestation de son physique l’a plongée, par la pratique intensive de la lutte. 

- Pour sa part, Gérard Depardieu est, une fois encore, impérial. Il faut dire qu’avec ses sautes d’humeur, ses foucades, sa gourmandise insatiable, sa santé chancelante, sa mélancolie et son désenchantement, le Georges qu’il interprète ici, semble tant lui ressembler qu’on suppose qu’il n’a pas eu à le composer. On regarde l’acteur prodigieux (révélé en 1974 par les Valseuses) « balancer son texte », et on est, comme le plus souvent, époustouflé par le naturel, la vérité et la liberté de son jeu, par la perfection de son phrasé et aussi  le velours de sa voix.

- Mettre en présence deux acteurs, aussi prodigieux soient-ils, ne suffit pas à faire un film. Encore faut-il leur donner du grain à moudre. C’est le cas de ce Robuste dont les dialogues brillants, drôles, à la fois percutants et subtiles, permettent aux personnages de se dévoiler, sans jamais toutefois être entachées d’une once de vulgarité ou de voyeurisme.

- La réalisation est parfaite, qui laisse le champ libre aux acteurs pour s’exprimer, mais sans complaisance particulière, ni arrière-pensée de les faire valoir. Cette façon de tourner, tranquillement, frontalement et sans chichi donne au film toute sa vérité au fond, si déchirante.

Quelques réserves

Certains reprocheront sans doute au scénario de ne pas évoluer. Un défaut minime, tant le film, pour ce qu’il montre de la fragilité de Gérard Depardieu et du talent de Déborah Lukumuena est passionnant à regarder .

Encore un mot...

Avec ce film qui met en scène, avec drôlerie, sensibilité et finesse deux acteurs au gabarit impressionnant et qui, en toile de fond, braque les projecteurs sur le monde du cinéma, la jeune Constance Meyer fait une belle entrée dans l’univers du long métrage. Pas une des avant-premières où ce dernier a déjà été présenté, qui ne ne soit soldée par une standing-ovation ! A commencer par la toute première d’entre elles, l’été dernier à Cannes, lors de la Semaine de la Critique. Saisissant et touchant.

Une phrase

Ou plutôt deux :

« Je trouve émouvant de voir à quel point Gérard s’auto-documente à travers tous les rôles qu’il joue. Ça ne passe pas par le cerveau. Il a un accès total et absolu au jeu. Il passe de la réalité à la fiction en une fraction de seconde. C’est un acteur amphibien ».

« J’ai découvert Déborah à travers ses films. J’ai été frappée par l’intelligence de son jeu et par ce qui dégageait d’elle. Je lui trouvais une grande sensualité qui m’attirait et qui m’a donné envie de la filmer autrement… Et puis, elle a une voix magnifique, très douce, très posée » (Constance Meyer, réalisatrice).

L'auteur

Après Hypokhâgne et Khâgne, puis un Master d’Histoire à la Sorbonne, Constance Meyer, née le 4 février 1984 à Sion, en Suisse, sort diplômée de la Tisch School of the Arts à New-York où elle réalise ses premiers courts métrages. Rentrée en France, elle poursuit sa carrière de cinéaste tout en travaillant parallèlement dans le théâtre. C’est là qu’elle rencontre Gérard Depardieu qui accepte de participer à deux de ses courts métrages : en 2012, Frank-Etienne vers la béatitude, qui est choisi pour la compétition à la Mostra de Venise, puis  Rhapsody, en 2016, qui est sélectionné au Festival de Clermont Ferrand, puis à Locarno et remporte plusieurs prix. En 2018, dans le cadre de la collection Polar de Canal +, la jeune réalisatrice tourne La Belle Affaire… Forte du succès que ce film rencontre, elle décide de se lancer dans le long métrage. C’est Robuste, qui sera choisi pour faire l’ouverture de la 60° Semaine de la Critique à Cannes.

Et aussi


 

- BELFAST de KENNETH BRANAGH — Avec JUDE HILL, JAMIE DORNAN, JUDI DENCH, CATRÍONA BALFE…

Buddy, 9 ans (le jeune Jude Hill, craquant) vit heureux avec ses parents et son grand frère dans un quartier ouvrier de Belfast où cohabitent catholiques et protestants. Mais voilà qu’au début de l’été 1969, cette belle harmonie sociale explose : un groupe de protestants a décidé de chasser les catholiques de leur quartier. Sous le regard horrifié de Buddy, s’en suivent des émeutes d’une violence extrême, auxquelles son père, pourtant protestant, va refuser de s’associer, par amitié et fidélité à ses amis catholiques. Avec un courage fou car ses coreligionnaires, qui ne comprennent pas sa prise de position, commencent à le menacer. La situation devenant intenable, la famille de Buddy se voit contrainte de quitter Belfast pour Londres, brisant l’enfance du petit garçon.

Trois semaines après sa version de Mort sur le Nil tiré de l’un des plus fameux romans d’Agatha Christie, Kenneth Branagh est de retour sur les écrans français. Avec ce qui est, de toute sa riche filmographie, son œuvre la plus personnelle puisqu’il nous y fait revivre le début des violences communautaires qui secouèrent Belfast dans les années 70, à hauteur du petit garçon (déjà cinéphile) qu’il était alors. Car le petit Buddy du film, c’est lui bien sûr.

Pour cette chronique qui mêle avec brio reconstitution historique et souvenirs personnels (Belfast a déjà remporté le Golden Globe du meilleur scénario et est nommé dans sept des catégories des Oscars décernés le 28 mars prochain), le réalisateur irlandais a choisi le noir et blanc. Ce parti-pris, très esthétique, déréalise son propos et le poétise, sans rien pourtant lui enlever de sa force. La distribution du film est un régal, qui réunit des acteurs de la trempe de Judi Dench et de Jamie Dornan. Haletant et bouleversant.

Recommandation : 4 coeurs

 

- RIEN À FOUTRE de JULIE LECOUSTRE et EMMANUEL MARRE — Avec ADÈLE EXARCHOPOULOS, ALEXANDRE PERRIER, MARA TAQUIN…

Cassandre, 26 ans, hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost, enchaîne les vols et les fêtes bien arrosées, en totale conformité avec le surnom qu’elle s’est donnée sur Tinder, Carpe Diem. Mais derrière les sourires et l’assurance enjouée qu’elle affiche, pendant ses heures de service, sous son uniforme ( bleu pour la jupe et jaune pour le foulard), on devine qu’elle traverse un crise existentielle et qu’en fait, l’incessant mouvement qu’elle imprime à sa vie n’est qu’une fuite en avant pour masquer le traumatisme d’un deuil dont elle n’arrive pas à guérir et qui la rend indifférente à son propre destin…

Rien à foutre… Titre bien trouvé pour ce film qui, sous son aspect documentaire (le quotidien des hôtesses de l’air est montré avec un réalisme méticuleux mais  pas toujours très « swing »), dresse le portrait d’une jeune femme perdue, anesthésiée par le chagrin de la mort de sa mère. C’est ce portrait, dessiné en creux, d’un être blessé et solitaire, qui fait le sel de ce film mélancolique. On le regarde avec d’autant plus d’intérêt qu’il est porté par une formidable Adèle Exarchopoulos, dans le rôle sans doute le plus intéressant de sa carrière. Saisissant, édifiant, aussi, sur la solitude de la génération des trentenaires.  

Recommandation :  3 coeurs

 

- THE BATMAN de MATT REEVES — Avec ROBERT PATTINSON, ZOÉ KRAVITZ, JOHN TURTURRO, PAUL DANO, COLIN FARRELL…

Après quelques années de retraite, The Batman, l’inoxydable héros créé en 1939 par Bob Kane et Bill Finger pour le mythique Détective Comics reprend du service. Ben Affleck ayant jeté l’éponge, c’est Robert Pattinson qui s’y colle sous la direction adroite et précise de Matt Reeves. Scènes d’action et de combats, séquences sexy, effets spéciaux incroyables, rien ne manque à ce nouveau numéro où l’on voit le mythique homme chauve-souris, plus sombre et tourmenté que jamais, partir en croisade dans les bas-fonds de Gotham City pour découvrir le coupable d’une nouvelle série de meurtres perpétrés contre les notables de la ville accusées de corruption.

Sous le masque et la cape du justicier solitaire, Robert Pattinson, tournant le dos à son personnage de vampire sentimental de Twilight est sensationnel, qui porte cet opus déjanté de près de 3 heures menées tambour battant. Evidemment, les partenaires du comédien britannique ne sont pas mal non plus, notamment Zoé Kravitz, qui campe une Catwoman d’un sex-appeal d’une rare cinégénie, notamment Colin Farrell méconnaissable en cadre de la pègre . Pour les fans et les amateurs de films à grand spectacle.

Recommandation : 4 coeurs

 

-  ALI ET AVA de CLIO BARNARD — Avec ADEEL AKHTAR, CLAIRE RUSHBROOK, SHAUN THOMAS…

Bien qu’habitant la même ville de Bradford, Ava, veuve d’origine irlandaise, et Ali, jeune chauffeur de taxi d’origine pakistanaise n’avaient à priori aucune raison de se rencontrer. Ils vont pourtant se trouver réunis par l’affection commune qu’ils portent à Sofia, une toute jeune fille dont Ava est l’assistante scolaire et Ali, le propriétaire de l’appartement occupé par la famille slovaque de la jeune écolière. Malgré les obstacles - Ava a des enfants et Ali est encore marié - le lien, d’abord amical qui va rapprocher ces deux êtres si différents, va bientôt se transformer en passion. 

Il est difficile de ne pas succomber au charme de ce film signé Clio Barnard, la réalisatrice britannique multi-récompensée en 2013 pour son Géant égoïste : non seulement il a le réalisme d’un drame de Ken Loach et le romantisme d’une comédie de Richard Curtis, mais il est magnifié par la sincérité  et l’excellence de ses acteurs. Des particularités qui lui avaient valu les honneurs d’une projection dans le cadre de la dernière Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Lumineux et émouvant.

Recommandation: 3 coeurs

 

- LÀ-HAUT PERCHÉS  de RAPHAËL MATHIÉ  - DOCUMENTAIRE.

Perchés à Chasteuil, un hameau des Alpes-de Haute-Provence, loin, très loin des trépidations des grandes villes, Mich, Coco, Christiane, François et une dizaine d’autres résistent comme ils peuvent au temps qui passe et aux infortunes et chagrins de leur vie. A peine troublé par les rares visites de gens venus d’ailleurs, leur quotidien s’écoule, calmement, au gré des saisons et au rythme de leur âge…

Les projets de ciné naissent souvent de déclics. Celui de ce documentaire est une phrase prononcée par un des habitants du hameau où il a ensuite été tourné : « ici, on fait du cinéma tous les jours, et ça fait 40 ans que ça dure »… Il n’en a pas fallu plus pour que le journaliste-cinéaste Raphaël Mathié, devant qui ces paroles avaient été prononcées, ait eu envie d’y  planter sa caméra.  Le résultat est ce film d’une beauté paisible, qui parle de la condition humaine, célèbre l'entraide et loue la vie simple. Une parenthèse hors du temps, qui, malgré son caractère « statique » (ou plutôt grâce à lui) nous déconnecte d’un monde moins tranquille et nous fait un bien fou.    

Recommandation :  3 coeurs

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