La fin de l’individu ; voyage d’un philosophe au pays de l’intelligence artificielle

Bientôt la naissance d’une intelligence égale à celle de l’Homme ?
De
Gaspard Kœnig
Editions de l’Observatoire
400 p.
Notre recommandation
4/5

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Thème

Gaspard Kœnig va à la rencontre de ceux qui, partout dans le monde, développent les algorithmes de ce que l’on appelle parfois pompeusement l’Intelligence Artificielle. De ces rencontres, qui le mènent à toujours mieux comprendre ce phénomène informatique complexe, vont naître des réflexions sur la possibilité de l’émergence, demain, d’une intelligence autonome supérieure ou au moins égale à celle de l’homme. Mais là ne semble pas être le véritable danger.

De ces pérégrinations chaotiques vont surtout émerger de profondes interrogations sur notre perte d’autonomie qui se révèle être le véritable défi que nous impose l’IA, pour aujourd’hui comme pour demain.

En effet, ces nouveaux outils que nous avons au bout des doigts en permanence, notamment dans nos smartphones (« téléphones intelligents ») passent leur temps à nous guider, à nous influencer dans nos décisions grâce aux données que nous laissons continuellement, sans réellement nous en rendre compte, sur internet. Exploitées à des fins politiques ou commerciales, elles sont le carburant du « nudge », autrement dit de la manipulation numérique de nos vies dans presque tous leurs aspects, pour le meilleur comme pour le pire et surtout pour le pire : la fin de l’individu par la disparition de sa liberté qui le définit en tant que tel.

Points forts

⁃ La réflexion sur la singularité (l’émergence d’une intelligence au moins semblable à l’homme si ce n’est supérieure) est passionnante et est magistralement mise en perspective avec l’histoire de la pensée philosophique sur le corps et l’esprit. Il n’y aura pas de véritable « super intelligence » sans « super organisme » c’est à dire sans un corps artificiel pour la recevoir.

⁃ Cet ouvrage met en avant ce que tout le monde sait dans le milieu de l’intelligence artificielle mais que pratiquement tout le monde tait : le grand public se fait piller ses données pour se faire toujours mieux manipuler. Ce n’est pas de la science-fiction, ça se passe ici et maintenant. L’auteur va même jusqu’à parler d’une féodalité du monde de l’exploitation des data, univers numérique dans lequel nous, utilisateurs, sommes les serfs des nouveaux seigneurs que sont les GAFA et consorts ; c’est dur à accepter mais c’est à mon avis vrai.

Quelques réserves

Je n’en vois aucun.

Encore un mot...

Loin de s’apitoyer sur le sort des pauvres utilisateurs spoliés de leurs datas par les méchants GAFA et gouvernements, Gaspard Kœnig propose que nous devenions propriétaires de nos données, que nous imposions aussi nos conditions d’utilisations et de confidentialité aux outils numériques qui jusqu’à présent ne nous laissent pas d’autre choix que d’accepter les leurs, pour mieux nous voler, une fois que nous avons cliqué sur « accepter » sans prendre le temps de lire.

Il y a une dimension nouvelle de nous-mêmes que nous ne savons pas bien protéger : notre individualité numérique. Il est temps que cela change.

Une phrase

« Là où Harari [un des intellectuels actuels les plus à la mode, ndlr] nous explique que l’IA nous connaît mieux que nous-mêmes et qu’il vaut mieux lui déléguer nos décisions faute de libre arbitre, j’estime que l’IA nous empêche de devenir nous-mêmes et de constituer notre arbitre libre dans l’exercice même de la délibération. Là où Harari se targue de renoncer à l’individu et d’abolir le moi dans la méditation, je propose de réaffirmer l’être unique que nous sommes, ou du moins de lui laisser la possibilité d’advenir. Sinon pour nous-mêmes, du moins pour le progrès de l’espèce. »

L'auteur

Gaspard Koenig est un essayiste français d’une trentaine d’années. Auteur de nombreux essais et romans, il est président du laboratoire d'idées GenerationLibre qu’il a lancé en 2013. Il défend le libéralisme tel qu’il est conçu à l’origine en philosophie et en économie, avant qu’il ne devienne tout à fait autre chose : une malsaine dérive capitaliste.

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