La Maîtresse italienne

L’Île d’Elbe, 1814-1815: 300 jours d’opérette pour préparer Le Vol de l'Aigle. Un récit vivant et savant.
De
Jean-Marie Rouart
Gallimard
Parution le 4 janvier 2024
170 pages
19.00 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Le colonel Neil Campbell, commissaire délégué par l’Angleterre à la surveillance de Napoléon à l’île d’Elbe, remplit sa mission avec un certain recul, surtout préoccupé par une ravissante comtesse italienne qu’il n’a rencontrée que quatre fois, la quatrième fois étant celle de trop qui facilitera l’évasion du « grand proscrit ».

On s’aperçoit que l’île d’Elbe n’a rien d’une prison et que l’empereur déchu y mène grande vie, n’hésitant pas à s’aménager un « empire en modèle réduit » au cours des 300 jours qu’il va y passer entre 1814 et 1815. 

En parallèle, les puissances coalisées réunies en Congrès à Vienne s’inquiètent de la proximité de l’exilé et envisagent (déjà !) l’île de Sainte Hélène.

Points forts

Ce petit récit est particulièrement intéressant dans la mesure où il nous fait découvrir une île d’Elbe très éloignée de l’image autrefois proposée par nos cours d’histoire. Madame Mère y a sa demeure, tout comme Pauline Bonaparte, et nombre d’amis y vont et viennent en toute liberté au milieu des palais et des jardins.

Jean-Marie Rouart avec un sens aigu du portrait nous présente un Napoléon « grassouillet et dodu comme un notaire », un Murat « au corps puissant mais à l’esprit faible », homme attachant qui se ressent de ses origines modestes.

L’auteur excelle à esquisser l’image de protagonistes oubliés comme ce M. de Blacas, courtisan de Louis XVIII, dont la description physique et morale est d’une délicieuse cruauté ou ce pauvre Chaboulon, si puérilement satisfait de sa personne qui croit avoir fait l’Histoire quand il n’en est que le témoin.

Remarquable aussi le portrait de Louis Guérin de Bruslart, gouverneur militaire de la Corse après un passé de chouan passionné et celui de Charles de Flahaut, fils naturel de Talleyrand, qui « représente toutes les contradictions historiques de son époque où les girouettes abondent ». Il faut dire que la période exige des retournements tels que chacun doit se conduire en « virtuoses de l’équilibrisme politique ».

Quelques réserves

Seul le portrait de Talleyrand me paraît incomplet et partial, présenté comme uniquement préoccupé de ses seuls plaisirs et de sa nièce Dorothée ce qui le réduit à un jaloux compulsif et gomme en partie son fabuleux sens politique.

D’autre part, la multiplication des personnages est telle que l’on a quelques difficultés à les suivre dans la mesure où l’auteur a tendance à les décrire longuement avant de les nommer, oubliant sans doute que son lecteur n’a pas sa connaissance encyclopédique de la société de l’époque.

Encore un mot...

Le personnage qui donne son titre au livre, la comtesse Miniaci, est à peine évoqué. Elle n’est en fait qu’une absence, sublimée par le manque poignant qu’elle inspire au Colonel Campbell.

Une phrase

[la description de l'île d’Elbe:] 
« C’est la réédition de l’Empire en modèle réduit, une experte miniaturisation d’un système de gouvernement passé de cent millions de sujets à dix mille îliens, d’une Grande Armée de huit cent mille hommes à une garde prétorienne de moins de deux mille soldats. Cela donne le sentiment poignant du rappel d’une grandeur passée et en même temps du ridicule de tenter de la reproduire sur une autre scène. Comme un opéra magnifique de décors, de costumes et de mise en scène, transporté dans le théâtre municipal d’une ville de province ». P.68

L'auteur

Jean-Marie Rouart occupe le fauteuil 26 de l’académie française depuis le 18 décembre 1997. Écrivain et journaliste, fort d’une trentaine d’ouvrages et de nombreux articles, il est titulaire de nombreux prix dont l’Interallié en 1977 pour Les Feux du pouvoir (Grasset) et le Renaudot en 1983 pour Avant-Guerre (Grasset); et le Prix du Guesclin ainsi que le prix Combourg pour Napoléon ou la Destinée (Gallimard, 2012).

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