Le chemin des vierges enceintes

Enquête sur des statues scandaleuses qui surgissent du passé. Un très beau cahier photographique
De
Jean-Yves Loude. Photographies de Viviane Lièvre
Chandeigne
Parution le 22 septembre 2023
407 pages
25 €
Notre recommandation
4/5

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Lu
par

Thème

Un fil d’Ariane inconnu et extraordinaire pour ce voyage passionnant et original tout au long du Portugal avec quelques incursions d’abord en France puis en Espagne. 

L’auteur, Jean-Yves Loude, écrivain voyageur et Viviane Lièvre la photographe, tous deux ethnologues, poursuivent leur route commune sur un chemin de Compostelle qui part du sud du Portugal, à la recherche des Vierges enceintes. 

Il ne s’agit pas là d’un paradoxe intellectuel bizarre – un oxymore nous dit l’auteur – mais d’une réalité : principalement au Portugal, des statues médiévales émouvantes et souvent très belles représentent la Vierge Marie pendant sa grossesse avec ses attributs plus ou moins marqués. 

C’est l’héritage d’un culte à la fécondité très présent au Moyen Âge et stoppé net par le Concile de Trente qui, dans ses excès de pudeur et sa crainte des réformateurs protestants, les considère comme "irregardables ". 

Dès lors les statues scandaleuses sont pourchassées et détruites.

Mais la ferveur populaire les a souvent préservées en les cachant jusqu’à les enterrer parfois.

 

Points forts

  • Comme de véritables enquêteurs, l’auteur, qui affectionne dans nombre de ses livres cette forme de quête, et sa fidèle et talentueuse photographe, identifient, recherchent et découvrent avec bonheur les statues coupables.
    Leur voyage plein de suspens nous fait découvrir un Portugal passionnant et insoupçonné. 
  • Grâce à un très beau cahier de photographies intégrées et surtout à un ingénieux renvoi par QR code et petites mains stylisées dans la marge, nous découvrons à notre tour ces vierges médiévales et baroques d’une grande pureté. 
    A chaque chapitre on retrouve ainsi, avec grand plaisir sur son écran, la photographie de la statue décrite et l’on peut lire le texte avec la statue sous les yeux. 
  • Jean-Yves Loude met au service de ses descriptions tout son art d’écrivain voyageur, toute sa capacité d’émerveillement et son admiration sincère alors que sa démarche, dont l’origine est une commande, n’obéit en rien à une foi religieuse qu’il n’a pas. 
  • Ce livre redonne vie à un culte ancestral et touchant et pose de nombreuses questions sur les dogmes et les manipulations parfois violentes qu’ils nécessitent pour exister.
  • Mais surtout, avec les photographies saisissantes de Viviane Lièvre, il nous transporte nous aussi dans un émerveillement attentionné face à ces Vierges qui surgissent du passé.

Quelques réserves

S’il en faut vraiment une, peut-être la longueur du voyage qui a demandé trois épisodes distincts aux auteurs, mais cette longueur n’est que le reflet de la richesse du sujet et nous pouvons, nous aussi, en fractionner la lecture.

Encore un mot...

 Il n’est que de regarder le dessin de la page de couverture reproduisant la magnifique photo de la Vierge " Nossa Senora do Ó " pour y voir à la fois le Portugal, le Moyen-âge, la grossesse dans toute sa familiarité et sa sainteté ; mais aussi une sorte de tristesse et de résignation de la part de Marie pour avoir été choisie. 

C'est-à-dire tout ce qu’il y a dans le livre qu’on ouvre pour le dévorer ...

Une phrase

" Nous reconnaissons une Vierge de l’Annonciation bien que la fiche ne le mentionne pas et que l’ange lui ait faussé compagnie, la laissant dans un profond désarroi. Ses yeux ne trompent pas. Elle ne comprend pas comment elle se retrouve dans un état pareil alors que ses cheveux défaits attestent son statut de jeune fille. Devant tous. Ses joues virent à l’écarlate. Ses lèvres pincées retiennent ses pleurs. Elle a droit à notre compassion. " Page 121

L'auteur

Jean-Yves Loude et Viviane Lièvre, ethnologues, l’un écrivain et l’autre photographe, voyageurs ensemble, sont particulièrement connus comme spécialistes du peuple himalayen Kalash, chez qui ils ont vécu au début de leur carrière, et dont les souvenirs qu’ils en ont rapporté sont rassemblés dans le fond Kalash du musée des Confluences à Lyon ayant fait l’objet d’une exposition en 2018/2019 suscitant un grand retentissement.

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