Michel Mohrt, réfractaire stendhalien, Suivi de Siegfried 40, pièce de théâtre inédite de Michel Mohrt (1944).

Un écrivain au caractère trempé, à découvrir ou à relire d’urgence !
De
Pierre Joannon
La Thébaïde - 145 pages - 16 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Un essai sur la vie et l’œuvre de l’académicien français Michel Mohrt (1914-2011), un écrivain au caractère bien trempé qui a toujours préféré l’air du large à l’air du temps.

Points forts

Pierre Joannon fut l’ami de Michel Mohrt qu’il côtoya pendant près de quarante ans. Son livre n’est pas seulement un salut à l’ami et un hommage à l’écrivain. Il a pour but de donner à l’œuvre de Mohrt la place éminente qu’elle mérite au sein de la littérature française. Il nous embarque dans le sillage de cet auteur nomade qui, en Bretagne comme sur la Côte d’azur, aux Etats-Unis comme à Venise, cultive l’esprit d’indépendance.

Mohrt est un éternel déraciné, un voyageur nostalgique. Il est « un contemplatif démobilisé qui a décidé de répudier son époque pour mieux vivre sa vie, qui a troqué le fusil contre la plume, les vertiges de l’action contre les séductions de la littérature. »

Mohrt nous parle de la Bretagne, le pays de son enfance dont il a su si bien décrire l’âme dans La Maison du père. Il nous parle de la mer et des océans avec des romans comme La Prison maritime, au gout de sel et d’embruns qui l’inscrivent dans la lignée de Stevenson, Conrad et Melville.

Il nous parle aussi de l’effacement d’un monde, d’une histoire dont il ne s’est jamais remis : la défaite de juin 1940, la débâcle, la France humiliée, déchirée, les Français divisés au point de sombrer dans la guerre civile.

L’œuvre de Mohrt retentit de valeurs qui aujourd’hui semblent ne plus avoir cours : l’amitié, l’honneur, la fidélité. Il n’a jamais pu oublier Bassompierre, ce compagnon égaré, au côté duquel il s’était battu contre les Italiens lors de la bataille des Alpes en 1940, fusillé en 1948 pour avoir apporté son soutien à l’Allemagne sous l’Occupation au point d’aller se battre par anticommunisme sur le front de l’Est contre les Russes, qu’il fait revivre tantôt sous son véritable nom, tantôt sous un nom d’emprunt dans plusieurs de ses livres, romans ou essais : Le Répit, La Campagne d’Italie, Mon royaume pour un cheval,  Les Nomades, Deux Indiennes à Paris, Vers l’Ouest, Tombeau de la Rouërie. À ceux qui lui en font le reproche, Mohrt répond : « Qu’est-ce qu’une patrie, où la fidélité est proscrite, où le pacte d’amitié n’a plus cours ? (...) Veut-on m’obliger à renier mes amis parce qu’ils se sont trompés ? » Il a le romantisme des causes perdues et l’amour des vaincus. Ses personnages sont des anti-héros. « J’avais, écrit-il, pour les vaincus de l’histoire et de la vie, une compassion infinie. » Aux États-Unis il est sudiste, en Grande-Bretagne et en Irlande jacobite, en Espagne carliste et en Bretagne chouan !

Comme Stendhal, il nous parle surtout de sa chasse au bonheur, ce bonheur si fugace que l’on voudrait, si cela était possible, le kidnapper pour s’enfuir avec lui. « Le bonheur et le mépris, ce sont, écrit-il,  les deux béquilles qui me soutiennent dans la vie ». Et l’ultime bonheur de l’instant, ce sont les femmes ! « Que vaut le portrait d’une femme, fût-elle peinte par Le Titien ou par Renoir, à côté d’un être vivant qui marche devant vous, près de vous, avec la grâce d’un beau vaisseau qui prend le large. »

Quelques réserves

Pas de points faibles pour ce livre excellent, publié dans une édition soignée et un agréable format.

Encore un mot...

Après Pol Vandromme (Michel Mohrt, romancier, La Table ronde) et Marie Ferranti (Le Paradoxe de l’Ordre, Gallimard), Pierre Joannon signe à son tour un essai remarquable sur l’un des monuments méconnus de la littérature française.

Une phrase

« Sachons gré à Michel Mohrt d’avoir opposé à notre époque de basses eaux et d’arrogante tartufferie ‘’le refus buté de pactiser avec le vaste complot de la modernité’’. Fidélité et lucidité n’ont jamais été plus nécessaires en ces temps inhospitaliers où sévissent la volonté de faire table rase du passé, la ringardisation des anciennes formes de civilité, la sacralisation narcissique de l’individu, la normalisation des esprits par les tombereaux d’insanité et de mensonges déversés par les réseaux sociaux et les charlatans de la politique du caniveau, la montée des violences et du sectarisme idéologique maquillés en avancées sociétales, et la morne vacuité d’un monde grégaire qui ne mérite plus le beau nom de civilisation. »

L'auteur

Écrivain et diplomate, Pierre Joannon est un spécialiste de l’Irlande, à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages dont Histoire de l’Irlande et des Irlandais (Perrin). Il est également l’auteur d’une biographie de Michael Collins (La Table Ronde).

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