Nous avons fait l'amour, vous allez faire la guerre

Le meilleur et l'inutile: un (gros) pavé dans la mare
De
Jean Bothorel
Editions Albin Michel - 600 pages
Notre recommandation
3/5

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Thème

Jean Bothorel a toujours tenu scrupuleusement un journal quasi quotidien, notamment, de 1981 au 22 mai 2012, et il le publie brut de décoffrage. Ce témoignage est précieux car fondé sur des conversations avec de nombreux hommes politiques et de grandes figures de l'"établissement". J. Bothorel, en rédigeant les biographies, est entré dans leur intimité et a recueilli leurs avis sur les uns et les autres. 

Grâce à un réel talent de plume, il alterne la bienveillance et les vacheries. Au delà, c'est un tableau sans fard du mal français qui va de l'incapacité des politiques à répondre efficacement aux défis de notre temps aux "petits arrangements" entre amis sans oublier les lâchetés et compromissions de nombreux médias. A cette occasion, l'on discerne les options politiques de l'auteur, entre autres, contre la suppression du service militaire obligatoire, l'intégration européenne, la financiarisation de l'économie mondiale.  

Jean Bothorel nous donne des descriptions savoureuses, parfois hilarantes, des personnalités du "pot de chambre" parisien qu'il croise et observe lors des réceptions, interviews, week-end, diners mondains auxquels il participe volontiers.

Points forts

Le lecteur entre directement dans les premiers cercles des pouvoirs politiques et économiques, s'étonne des opinions décapantes des uns contre les autres, se gausse des pronostics électoraux annoncés avec assurance et régulièrement déjoués. 

L'on a souvent l'impression de vivre à côté de Jean Bothorel lors de ses activités mondaines où il trace des portraits ciselés de ce petit monde parisien élégant, parfois décadent (Bernard Henri Levy, Edwy Plenel, Giesbert, Pyerefitte en prennent pour leur grade). 

L'on se régale, en même temps que nous envahit la tristesse de voir notre société en décomposition.

L'on retiendra avec gourmandise son désir de rédiger un "Dictionnaire amoureux des celtes".

Quelques réserves

J. Bothorel aurait dû demander à son éditeur de supprimer 150 pages, retraçant des journées trop personnelles ou n'apportant rien au propos général. 

Certes les lecteurs qui ont vécu cette période, à fortiori ceux qui ont connu les personnalités citées, parcourront ces journées avec délectation. Cependant, le grand public aura du mal à digérer ce pavé et retiendra seulement la farce et le venin.

Encore un mot...

Un témoignage implacable sur le malaise de la France et de ses élites, de Mitterrand à Hollande. La découverte d'une personnalité indépendante et attachante qui allie l'intelligence et l'humour. Un panorama impitoyable de la "France d'en haut". un regard aiguisé sur les jolies femmes du monde.

Une phrase

- p130 "Je suis allergique au pouvoir et aux gens de pouvoir. J'ai pu préserver ma solitude dans le système... c'est énorme dans mon milieu où les larbins sont plus nombreux que les réfractaires. "

- p 182 "Renaud est le Brassens d'une France qui se déglingue."

- p 228 Jobert : "Giscard est à la noblesse ce que le skaï est au cuir."

- p 433 "Il y aurait à Paris une dizaine de potentats d'opérette qui règnent dans partage sur les médias. Et tous les journalistes avalent leur chapeau."

- p 550 "Un calme relatif règne dans nos société... grâce à cette double chape de l'ultraconnexion et de la déculturation."

L'auteur

Agé de 76 ans, Jean Bothorel est originaire de Plouvien dans le nord du Finistère. Après l'école des Arts et Métiers et Science-Po Grenoble, il entre au cabinet de Raymond Marcellin au Ministère de la Santé puis à celui d'Yvon Bourges, secrétaire d'Etat à l'information. 

En 1968, il adhère au Front de Libération de la Bretagne (FLB) et participe à plusieurs attentats. Arrêté, il fait 6 mois de prison. Dans " Un terroriste breton" J. Bothorel raconte son engagement pour la Bretagne.

Il fait carrière dans le journalisme à l'Expansion, à la Vie Catholique, au Matin de Paris, et surtout au Figaro où il est membre du comité éditorial. 

En 1968, il écrit "Toi, mon fils", découvrant la dépendance de celui-ci à l'héroïne. Il poursuit une carrière active d'écrivain : 25 livres dont la moitié consacrée à des biographies d'hommes politiques (Mendès - France, J.J. Servan-Schreiber, Giscard, Raymond Barre, Alpha Condé) et de grands chefs d'entreprise (E.A. Seillère, Pinault, Vincent Bolloré). Il obtient le prix Goncourt de la biographie pour "Louise de Villemorin". 

D'autres ouvrages sont polémiques tels le "Bal des Vautours" et les "Nouveaux chiens de garde" où il stigmatise certains comportements prédateurs de dirigeants du Figaro et les nombreuses censures dont ses écrits ont fait l'objet. 

En outre, il a dirigé la "Revue des deux mondes" et a fait partie du jury de l'ENA.

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