L’Impératrice de Pierre. Tome 1

La biographie romancée de l’extraordinaire destin d'une captive de guerre devenue impératrice de Russie au XVIIIème siècle
De
Kristina Sabaliauskaite
Quai Voltaire,
Traduit du lituanien par Marielle Vitureau
Parution le 16 février 2023,
376 pages
24€
Notre recommandation
3/5

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Thème

Premier tome de la biographie romancée de la tsarine Catherine 1ère, d’origine lituanienne et épouse de Pierre le grand, par une auteure elle-même lituanienne.

Sans être celle que l’on a appelée quelques décennies plus tard " la grande Catherine ", notre héroïne ne fait pas pour autant figure de " petite Catherine " tant sa vie, d’abord de captive de guerre puis d’impératrice, est une incroyable suite de rebondissements au cours desquels elle se montre profondément féminine et humaine, plus attachée à sa famille et à ses amis qu’au pouvoir politique.

Le plus grand intérêt de ce livre est de montrer de l’intérieur, par des yeux étrangers à la Russie et comme par le petit bout de la lorgnette, la vie d’un grand tsar, Pierre le grand, à la fois séduisant et monstrueux, et d’oser montrer comme des sauvages frustres les russes que leur tsar voudrait élever aux standards occidentaux, mais pas trop…

On assiste donc aux guerres sanguinaires qu’il mène en personne sur le front et à la construction ex nihilo de sa ville, Saint-Pétersbourg.

Marta Helena Skowrońska, qui deviendra Catherine lors de sa conversion à la religion orthodoxe, est née lituanienne. La peste lui ravit ses parents de petite aristocratie lituanienne et elle doit, en sa qualité d’aînée de la famille, s’occuper de ses frères et sœurs. Très vite sa tante, Anna Maria, la vend comme domestique dans la famille du pasteur Glück en Lettonie dans la ville de Marienbourg. La sévérité et le mépris de la femme du pasteur en font une Cendrillon aussi belle que l’originale. Mais les Russes ( déjà ) envahissent la ville et un groupe de soldats viole sauvagement la belle adolescente ; tellement belle qu’elle est repérée par un officier 

qui " l’adopte ". 

Lequel se la fait prendre par le commandant en chef qui, à son tour, la perdra au profit de l’ami d’enfance du tsar, Alexandre Menchikov, chef militaire et gouverneur général de Saint-Pétersbourg dont elle tombe amoureuse.

Elle est officiellement captive de guerre et servante de ce grand personnage quand elle est enfin repérée par le tsar qui, tout en la contraignant, en tombe amoureux - autant qu’il puisse l’être - et finit par l’épouser, d’abord morganatiquement puis officiellement en 1707. 

A la mort du tsar en 1725 elle devient, pour deux ans avant sa propre mort, impératrice de Russie.

Points forts

Cette biographie très romancée a le mérite de mettre en lumière un destin extraordinaire qui se déroule par rebondissements successifs au fil des guerres que la Russie du tsar mène contre tous ses voisins.

On y voit une violence indescriptible, notamment dans les scènes de beuveries inimaginables organisées par et pour le tsar par son ami et mentor Alexandre.

Ce dernier est cependant présenté par l’auteure comme le " versant occidental " du tsar, amateur d’un luxe inouï et souscrivant, au moins en apparence, aux valeurs de liberté et de raffinement de l’Occident du 18ème siècle, en son début.

Bien entendu le lecteur n’est pas long à se dire que tout cela lui rappelle quelque chose…Tout ce qui évoque l’invasion de l’Ukraine d’aujourd’hui et les comportements de l’armée russe est largement dénoncé et ceci trouve un écho particulier avec l’utilisation récente par Poutine d’une carte française de l’époque pour prétendre à l’inexistence historique de l’Ukraine ; Catherine nous décrit au contraire la guerre que le tsar mène contre la Pologne et la Lituanie pour annexer leurs terres à la Russie, et le mariage luxueux de sa soeur Daria organisé en 1706 par Peter à Kiev, ville qui, après avoir été lituanienne, se trouvait sous " protectorat " russe et apparaissait à Catherine comme beaucoup plus occidentale que les villes russes du fait des constructions fastueuses de palais et d’églises par les princes lituaniens et les magnats polonais.

Mais il y a également dans ce livre avec Catherine, un beau personnage de femme confrontée à un destin violent auquel elle résiste magnifiquement par une capacité d’adaptation qui confine au courage ; et sa féminité grandiose, qu’elle sait conserver malgré la dureté des épreuves subies, la mène à un inimaginable sommet qu’en quelque sorte, elle subit aussi.

Entre temps la sensibilité naturelle de cette femme nous offre de belles pages sur sa découverte forcée de la Russie, les mérites respectifs des cloches des églises dans les différents pays où elle a vécu et les côtés sombres et éclairés des hommes auxquels elle finit par s’attacher, car c’est l’amour qui l’emporte chez elle.

Quelques réserves

La Catherine que l’auteure nous fait apparaître est une construction peu historique, hors le destin véridique de ce personnage, voulu avec une grandeur féminine et sensible par opposition à la grandeur politique de la Catherine suivante, dite la Grande.

Le choix narratif de l’introspection de l’héroïne qui se remémore ses souvenirs à la fin de sa vie accentue cet effet mais ôte beaucoup à la lisibilité historique du récit.

On s’attache cependant vite à cette femme qui a connu le plus misérable et le plus sublime de la vie des Russes avec un appétit et un amour de la vie égal en toutes circonstances.

Encore un mot...

L’extraordinaire vie d'une captive de guerre devenue impératrice de Russie qui, en se remémorant ses souvenirs, nous montre une Russie brutale et guerrière fascinée par l’Occident qu’elle déteste à la première occasion ...

Une phrase

" Je revois Kiev avec ses dômes magnifiques - c’était une ville orthodoxe, mais beaucoup plus occidentale que les villes orthodoxes russes, parce que les princes lituaniens et les magnats polonais y avaient construit de nombreux palais et de splendides églises du temps de leur règne, tout comme l’avait fait le gouverneur de Kiev et d’une grande partie de l’Ukraine, l’hetman Ivan Mazepa ; avant cela, on disait que la ville avait appartenu aux Khazars et aux Varègues, ou à d’autres, bien que Peter ait toujours soutenu qu’il s’agissait de terres russes. À l’en croire, toutes les terres qu’il convoitait étaient « russes depuis des temps immémoriaux » - qu’elles soient finlandaises, estoniennes, livoniennes, courlandaises, tatares, ou même les khanats musulmans du sud. À côté de ça, il négligeait les coins les plus reculés de son propre royaume…"

L'auteur

Née à Vilnius en 1974, Kristina Sabaliauskaite est historienne de l’art.

Elle a été journaliste à Londres, correspondante du plus grand quotidien lituanien. Elle y vit depuis 2002.

Elle connaît un grand succès littéraire en 2008 avec Silva rerum, saga historique en quatre volumes, succès qu’elle réitère en 2019 avec 

L’Impératrice de Pierre qui vient d’être traduit en français par Marielle Vitureau.

Commentaires

Marie
mar 09/01/2024 - 18:39

Bonjour
Très intéressant retour de lecture! Une idée sur la date de sortie en poche? Je ne trouve l'info nulle part... merci!

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