L'Orange de Malte
Infos & réservation
Thème
Kléber, jeune bourgeois récemment plaqué par sa riche épouse, vient se réfugier dans la villa familiale de Trouville pour y achever une biographie de commande sur Roger Harvey «le hussard oublié ». Il boit (énormément), fume (sans arrêt) et s’interroge (beaucoup) sur lui-même. Après une liaison fulgurante avec Cynthia, une étudiante de 17 ans, il regagne Paris en pleine émeute estudiantine avant de s’enfuir en Algarve, au fin fond du Portugal, pour y lécher tranquillement ses blessures.
Points forts
1 – Un hymne à la littérature des années 50. Avec Roger Harvey, Jérôme Leroy campe un Hussard fictif tout à fait crédible, doté d’une existence plausible et d’une œuvre qui « l’apparente à ces hussards qui firent de la légèreté, de l’amitié et du goût du bonheur un art de vivre et d’écrire » (p. 23). Le prénom du héros de l’histoire est d’ailleurs un hommage à Kléber Haedens, le VRAI hussard oublié.
2 – Des antipathies sympathiques d’une mauvaise foi assumée : même si Marguerite Duras écrivit inlassablement le même livre suant l’ennui - ceci n'engage que moi...-, il est difficile de lui dénier la force de son ouvrage, «Un barrage contre le pacifique »… Il lui aurait suffi de s’arrêter là.
3 – Un style harmonieux et suggestif, ponctué de clins d’œil pour initiés, qui provoque un vrai bonheur de lecture.
Quelques réserves
1 - Une vision très littéraire qui sonne parfois un peu faux ; la lettre d’adieu de Cynthia, en particulier, est vraiment trop « écrite » pour une gamine de 17 ans des années 80.
2 – Le manque de consistance du protagoniste principal, velléitaire de la littérature traînant sa paresse entre deux articles de commande quand il se voudrait semblable aux hussards : « Kléber avait toujours été très fort pour se servir des auteurs comme on se sert d’alibis. Voyager comme Paul Morand, aimer comme Chardonne, être drôle et méchant comme Nimier, boire comme Frank. Seulement, eux ils avaient écrit des livres » (p.87)
Oui, le fait de multiplier les cuites n’amène pas forcément à écrire « Un singe en hiver » ; le snobisme délibéré et la désinvolture appliquée ne tiennent pas toujours lieu de talent. Les personnages de Leroy s’apparentent plus à ceux de Déon dans «Les gens de la nuit » qu’au Muguet de Blondin dans « l’Europe buissonnière».
Encore un mot...
Cette apologie de « grands auteurs », loin d’être exhaustive, reste très personnelle, ce qui est le droit le plus strict de Leroy. Mais on peut tout de même regretter l’absence d’un Montherlant et surtout d’un Giono. Peut-être parce que celui-ci avait « le goût des choses non geignardes », comme il le note dans « Noé », et qu’Angelo Pardi, son Hussard à lui, ignore les états d’âme et se contente d’être somptueusement lui-même lorsqu’il court sur les toits de Manosque.
Une phrase
p. 125 - Au cours d’une soirée arrosée, une amie de Kléber déclare :
« J’aime Roger Nimier (…) parce que dans les années cinquante on pouvait boire des litres de bourbon glacé, fumer des dizaines de cigarettes sans que tout le monde vous dise que vous risquiez le cancer ou la cirrhose. On n’avait pas peur de ce qui est bon. Nimier, c’est le dernier auteur qui n’a pas confondu la morale et l’ennui, le plaisir et le mal ».
L'auteur
Né à Rouen en 1964, Jérôme Leroy fût professeur de français en collège avant de se consacrer à la littérature et de publier une trentaine d’œuvres d’inspiration multiple, allant de l’analyse de société au roman noir, en passant par la science-fiction et le fantastique. Ecartelé entre deux extrémismes politiques, il s’affirme aujourd’hui communiste, tout en donnant des critiques littéraires à des magazines résolument de droite.
« L’Orange de Malte », écrit en 1990 et réédité en 2016, appartient à sa période « hussarde» qui témoigne plus généralement de son admiration –presque de son allégeance aux auteurs des années 50 et à la liberté de leur style.
Ajouter un commentaire