Un vrai dépaysement

Un drôle de voyage au pays de l’enseignement
De
Clément Bénech
Flammarion
Parution le 11 janvier 2023
304 pages
19,50 euros
Notre recommandation
4/5

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Lu
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Thème

Romain d’Astéries n’a jamais trouvé sa place dans sa propre famille. Il ne ressemble ni à ses parents, ni à son frère et n’est jamais là où on l’attend. Refusant de perpétrer la lignée des grands architectes et d’ingénieurs à laquelle il appartient, il a décidé de devenir professeur. On l’espérait normalien, agrégé, mais il a préféré passer le CAPES pour se consacrer sans attendre à ses élèves. Souhaitant s'extraire de son carcan familial où il est incompris et voler de ses propres ailes le plus loin possible du nid parental, il demande son affectation en Guyane, et se voit déjà au milieu de la forêt tropicale mener une vie d’aventurier.

Peine perdue : à la suite d’une erreur du logiciel de l’Education Nationale qu’aucune main humaine ne peut rectifier, il se retrouve affecté en Auvergne, dans le Puy de Dôme. Le voilà embarqué dans une aventure improbable, a priori bien moins exotique, et forcé d’affronter la redoutable principale d’un collège et son “air dédaigneux de capybara”. Bien décidé à appliquer contre vents et marées les nouvelles méthodes pédagogiques qu’il a apprises lors de sa formation d’enseignant, il n’est pas au bout de ses surprises.

Points forts

  • Ce roman leste est particulièrement réussi, au sens où il embarque le lecteur dès les premières pages, en raison de sa justesse et de sa vivacité. La famille du héros, très attachée à son rang intellectuel et social, les parents considérant leurs enfants comme des trophées et rejetant leur fils qui ne les met pas suffisamment en valeur, sont croqués avec un talent certain. La principale du collège, à la fois revêche et pétrie d’un bon sens ne faisant aucun doute, est également un personnage à la fois complexe et attachant, malgré son caractère exécrable. Tous les protagonistes de l’histoire, du professeur de sport aux parents d’élèves, sont étudiés dans leurs manies, leurs mimiques, leurs contradictions, au prix d’un travail qu’on imagine minutieux et qui rend le texte toujours riche et agréable.
  • L’humour est omniprésent dans le livre et n’épargne aucun personnage, aucune intention, aucun lieu, aucune institution. L’auteur se moque avec talent des invraisemblances de l’administration, au sein de laquelle une erreur informatique ne peut être rectifiée par une personne. Il se moque également d’un jeune homme pensant révolutionner l’enseignement au collège par les cours extravagants qu’il a reçus, et, plus largement, de la naïveté de la jeunesse et de ses illusions déçues. Le personnage très assuré de Romain, qui méprise les “bourgeois” en oubliant à quel point il en est un lui-même, qui essaie de tout transformer mais n’y parvient jamais, qui est fasciné par l’une de ses élèves et tente de la mettre en valeur maladroitement, est un anti-héros malavisé comme on les aime. Tout est décrit avec distance : l’ordre établi n’est pas épargné, mais sa contestation non plus. En somme, la lecture de ce livre sera un excellent moment à passer pour ceux qui aiment la littérature qui fait sourire. 

Quelques réserves

Le ton particulier, toujours humoristique du texte, pourra déplaire à ceux qui apprécient les histoires manifestement dramatiques ou pétries de grands sentiments.

Encore un mot...

Un roman drôle et original porté par un personnage d’anti-héros très réussi.

Une phrase

Romain et lui-même avaient cela en commun : ils ne prononçaient jamais l’adjectif «bourgeois» sans l’assortir d’une sorte de postillon méprisant, si bien qu’ils finissaient par le prononcer «pourgeois». L’épithète ne s’appliquait jamais à eux-mêmes, mais à des tiers dont ils estimaient le mode de vie sans fantaisie, sans imagination ; ils étaient aussi prompts à l’employer qu’un enfant muni d’un pistolet à eau chargé. Si Romain habitait encore chez ses parents, Henri avait un studio dans le centre-ville de Bordeaux, dont la question du financement rendait le garçon systématiquement elliptique. Les deux s’étaient trouvé une affinité sur les bancs de l’Institut, en parallèle de leur première année de stage : certaines idées les réunissaient. Sur la formation elle-même, pourtant, leurs avis différaient. Il faut dire que celle-ci suscitait des passions, car elle ne se contentait pas de transmettre des savoirs fermes et établis ; on attendait de ceux qui en usaient les bancs de maîtriser déjà ce type de savoirs. Il s’agissait en ces lieux d’apprendre à apprendre. Mais ce que recouvrait cette expression limpide pouvait varier vivement selon les formateurs. Henri aimait à dire que certains avaient allègrement basculé de la formation en pédagogie à la leçon de vie”. page 33

L'auteur

Clément Bénech est né en 1991 à Paris. Après des études de lettres et de germanistique, il a publié trois romans aux éditions Flammarion : L'Été slovène (2013), Un amour d’espion (2015), Lève-toi et charme (2017), ainsi qu' un essai sur la photographie, Une essentielle fragilité (2019), paru aux éditions Plein Jour. Un vrai dépaysement est son dernier roman.

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