Langue française

Chaque samedi, le billet d'humour de Pierre Bénard

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On ne disait plus « au moins », mais « au minimum » : double avantage, c’était plus long, et, les syllabes latines, c’est chic.

C’était, hélas ! devenu banal.

Un inconnu, un beau matin, eut l’idée de remplacer « au minimum » par « a minima », qu’il avait trouvé dans un livre. Et la foule des locuteurs de se ruer sur cette invention. Du latin toujours, mais nouveau. On rougirait, maintenant, de dire « au minimum ». On serait traité d’ignare si l’on osait « au moins ».

C’est beau, « a minima ». C’est beau mais c’est absurde.

« A minima », que Littré orthographie bizarrement « à minimâ », est, selon celui-ci, un « terme de droit usité seulement dans cette formule : appel à minimâ, appel que le ministère public interjette, quand il croit que la peine appliquée est trop faible. » Du latin « a minima poena », « de la plus petite peine » (à une plus grande). 

Avec la meilleure volonté du monde, on ne voit pas comment, logiquement, une expression ainsi construite peut devenir synonyme d’ « au moins » ou d’ « au minimum ».

Elle l’est devenue. Contre tout bon sens. Le latin brave, ici, non « l’honnêteté », mais la raison.