Clara lit Proust

Une ode souriante au temps retrouvé !
De
Stéphane Carlier
NRF Gallimard
Parution juin 2022,
180 pages
18,50 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

C'est tout simple : Clara est coiffeuse à Lons-le-Saunier. Son quotidien est morose, si son petit ami est beau comme un (demi) dieu, et son chat totalement insensible à ses charmes. Les journées passent avec une certaine platitude qu'elle observe pourtant sans indifférence. Car il fallait à cette vie trop calme une étincelle - celle d'un livre oublié par un client - A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. Une page cornée, une exergue qui fait mouche, "vous avez une jolie âme, d'une qualité rare, une nature d'artiste, ne la laissez pas manquer de ce qu'il lui faut." De page en page, de Combray à Paris, des Swann à Odette en passant par les Guermantes, la voici embarquée dans un univers de mots, de poésie, de sens, de méditations sur la vie, et la possibilité de croiser, effleurer et ressentir la beauté. Elle pioche, elle découvre, elle échange, avec Claudie qui lui confie : "Proust m'a sauvé la vie". Elle ne le sait pas encore, mais la vie de Clara va en être transformée !

Points forts

Une histoire amusante, simple et bien écrite, qui ne peut être parcourue sans penser au destin d'un certain ancien coiffeur - clin d'œil en abîme dans le roman, à Fabrice Luchini.

Trois parties pour trois temps du parcours de Clara, dont le contenu raisonne avec son quotidien : le salon de coiffure, la découverte et l'assimilation de l'œuvre, l'après. C'est bien vu, bien fait. Et agrémenté de personnages secondaires attachants, un brin pittoresques dans leur vérité sans filtre !

On dit Proust élitiste et difficile à lire. Bien sûr, dans ce roman, La recherche du temps perdu  et ses 7 "étapes" sont survolées. Mais les extraits cités en italiques, et for à propos, ont la beauté formelle et la profondeur qui ne devraient laisser personne insensible.

Certains d'entre vous qui l'ont vu et apprécié trouveront peut être à Clara des ressemblances avec Odette Toulemonde, héroïne du film d'Eric-Emmanuel Schmitt, incarnée magnifiquement par Catherine Frot.

Quelques réserves

Que vont en penser les thuriféraires de Proust ? Je n'en suis pas, mais parions plutôt que ce roman pourra donner à ceux "qui n'en sont pas", l'envie de se lancer dans les pas de Clara !

Qu'en diront les adorateurs du réseau social Tic Toc ? Il s'en prennent un peu plein la poire… Mais sans doute pas grand-chose, car ils ont peu de chances d'approcher le roman. Mais on ne sait jamais, il peut y avoir des miracles !

Encore un mot...

Clara lit Proust est un titre à double sens pour un roman charmant, frais, bien écrit, facile à lire ; il oppose la banalité du quotidien, l'urgence du temps médiatique et la vacuité des réseaux sociaux à la profondeur du temps qu'offre la lecture. Quant à l'œuvre de Marcel Proust, sa présentation en version "light" associe la beauté de son style à l'exégèse des sentiments dont il a le secret. A lire comme un antidote au stress, au vide, à l'urgence, comme une ode au temps retrouvé !

Une phrase

- "Avec Proust, elle a l'impression de tout voir. Forcément, puisqu'il lui montre le monde visible dans ses détails infinis et un autre derrière, caché mais vaste et puissant, qui impose sa loi, sa volonté au premier : la réalité psychique, psychologique des êtres. […] il enrichit son point de vue en y ajoutant une dimension qu'elle avait ignorée jusque-là, celle du temps. […] 
Quel cadeau. Elle se fait la réflexion un matin, en entendant Nolwenn parler à une cliente des Marseillais à Dubaï. Le temps passé à lire Proust, c'est du temps gagné, volé par l'intelligence, et non à elle." P 89

- "Proust, ce n'est pas difficile, c'est différent. 
Mais bon, il pourrait quand même aller à la ligne plus souvent. 
En attendant, entre son trajet en bus, sa pause déjeuner et son coucher, elle lit ses trente pages tous les jours. Proust n'est pas Harlan Coben, et compte tenu du rythme qu'impose sa lecture, on peut parler d'un exploit, surtout pour une personne active. " P 94

L'auteur

Dire de Stéphane Carlier qu'il est le fils de Guy, journaliste et chroniqueur bien connu, et frère de "Carlito", humoriste, est utile, mais réducteur ! D'abord journaliste, affecté au ministère des Affaires Étrangères qui lui valent 10 ans loin de la France, il écrit son premier roman sous un pseudonyme, édité en 2005. Grand Amour (2011) et Les gens sont les gens (2013) qui lui succèdent, tous deux édités au Cherche midi, sont sélectionnés pour des prix littéraires. Clara lit Proust est son huitième roman ; il a bénéficié, pour sa "conception", d'une bourse du Centre National du livre de la région Bourgogne Franche Comté, terre de résidence de son auteur. Le roman a déjà reçu plusieurs récompenses, dont le prix Albert Bichot 2022, "Livres en Vignes", le prix du Cercle Littéraire Proustien 2022, festival littéraire de Cabourg et le prix @ttitude 2022, décerné par les librairies Attitude.

 

Commentaires

Jacqueline Le Bris
mer 17/04/2024 - 18:43

livre délicieux et positif. Votre commentaire m'a enchantée aussi.

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