Ange Leca

Macabres pérégrinations dans le Paris de la Belle Epoque !
De
Tom Graffin, Jérôme Ropert, Victor Lepointe
Ed. Grand Angle
62 p.
15,90 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

En cet hiver 1910, Paris a les pieds dans l’eau et semble se noyer doucement tandis que remontent à la surface les corps des victimes des crimes crapuleux et drames conjugaux. Ange Leca se noie lui aussi, dans l’absinthe, la « fée verte », boisson des poètes maudits, qu’il consomme dans une compulsive recherche d’oubli ; mais aussi dans les yeux et le décolleté de la belle Emma, figure de proue de la scène théâtrale parisienne et femme de son patron, l’inquiétant Alfred Clouët des Perruches.

Un buste de femme démembré, décapité, aux seins coupés, est découvert dans une valise en plein Paris. Ange Leca, se lance sur la piste de l’assassin sans imaginer que cette traque le confrontera à des secrets dont il est loin de soupçonner l’étendue des ramifications.

Points forts

La découverte du Paris de la Belle Epoque est sans contexte le premier point fort d’Ange Leca. On y visite des lieux emblématiques de cette période – Moulin Rouge, Bal de l’Enfer –, on y croise des personnages improbables et hauts en couleurs – Le Baron Perché, l’ex-Directeur de la Sûreté Paul-Marie Goron –, on y vit les derniers duels à l’épée, tradition échappée d’un autre temps pour laver les supposées dettes d’honneur…

Le second point fort de cet album est la rencontre avec Ange Leca. J’avoue un petit coup de cœur pour cet anti-héros avant l’heure. Corse ayant laissé derrière lui le soleil de son île natale pour la grisaille de Paris à la suite d’une déception amoureuse, ce journaliste au bien nommé Le Quotidien, en permanence sur la sellette, dont le seul véritable ami est son chien ironiquement dénommé Clémenceau, noie son désespoir dans la morphine et l’alcool. Il est touchant par la promesse aux accents de serment d’alcoolique qu’il se fait de retrouver l’assassin de la femme au buste démembré. Il est étonnant par la détermination et le talent qu’il met au service de la résolution de l’affaire. II est désarmant par les risques qu’il prend, notamment pour sa vie personnelle, afin de voir éclater la vérité.

Le dessin de Victor Lepointe est somptueux. Il donne le sentiment de plonger à chaque page dans des réclames de la Belle Epoque et certaines de ses courbes et ambiances ne sont pas sans ressembler celles du Grand Mucha. Sa palette, tout en lavis de gris et de brun, plonge l’album dans une ambiance humide, délavée et suintante où tout semble filer entre les doigts des protagonistes. On y retrouve comme un écho du Seven de David Fincher, 1995, auquel la pluie qui le baignait en permanence contribuait à donner une ambiance sombre et pesante.

Quelques réserves

J’aurais sans doute aimé que ce savoureux jeu de pistes concocté par Tom Graffin et Jérôme Roppert trouve un dénouement légèrement moins elliptique… J’aurais également apprécié de savoir ce qu’Ange allait devenir, s’il était condamné à un exil intérieur alcoolique sans fin ou s’il allait reprendre goût à la vie. Il n’y a plus qu’à souhaiter que les auteurs donnent une suite à cet album.

Encore un mot...

Ne mégotons pas notre plaisir à suivre Ange Leca dans des pérégrinations criminelles qui convoquent le souvenir des Pieds Nickelés ; des Brigades du Tigre de la série éponyme ou du Ni Dieu, Ni Maître de Jean-Yves Delitte, Xavier Dorison et Fabien Nury, éd. Glénat, 2006 ; du sous-coté, Tânatos, du même Jean-Yves Delitte, mais sur un scénario de Didier Convard, éd. Glénat, 2007-2011. On y trouvera également avec bonheur un certain cousinage graphique et d’époque avec la superbe série de Yann et Romain Hugault, Le Pilote à l’Edelweiss, éd. Paquet, 2012-2013.

Une phrase

Auteur-compositeur de formation, Tom Graffin écrit des chansons, devient biographe familial et écrit des mémoires, compose la bande originale des courts-métrages avant d’en réaliser un lui-même, 1915, puis d’écrire son premier roman, Jukebox Motel, éd. JC Lattès, 2016, qui sera adapté en BD en 2021 aux éditions Grand Angle.

Professeur de sciences physiques, passionné par l’époque victorienne, féru de criminologie et du Paris de la Belle Epoque, Jérôme Ropert est également co-scénariste de jeu de plateau. Ange Leca marque son entrée dans l’univers de la bande.

Passionné de la Première Guerre mondiale, Victor Lepointe se lance dans l'architecture et l'infographie 3D et publie de nombreux ouvrages illustrés à caractère historique et militaire. Il se consacre ensuite entièrement à la BD avec des albums dédiés à cette période : La guerre des Loups, L’enfer du Lingekopf, éd. Pierre de Taillac, 2017, ou Après l’orage, éd. Pierre de Taillac, 2021.

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Fred Campoy, scénario et dessin et Mathieu Blanchot, dessin et mise en couleur, d'après la biographie de Marie Madeleine Peyronnet