Une histoire des luttes pour l'environnement, Trois Siècles de combats et de débats, XVIIIe-XXe Siècle

Un livre original et révélateur… où le progrès est un peu “diabolisé”
De
Anne-Claude Ambroise-Rendu, Steve Hagimont, Charles-François Mathis, Alexis Vrignon
Ed Textuel
Octobre 2021
304 p. format 18X24 broché
45 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

A y bien réfléchir, la notion de "luttes pour l'environnement" est entrée dans notre quotidien, qu'on les partage, qu'on les constate, ou qu'on en regrette les modes d'expression, si ce ne sont les buts. Mais ce que l'on sait moins, c'est que la recherche sur leurs origines et leurs expressions remonte à plus de trois siècles. Quatre historiens passionnés par ce thème racontent par le texte, l'exemple et l'image, les grandes étapes de ces luttes. On ne sera pas étonné de trouver en précurseur les idées de Jean-Jacques Rousseau sur "l'état de nature", puis de quelques illustres explorateurs comme Alexander von Humbolt.

On le sera plus par l'épisode des "Demoiselles", campagnards déguisés pour protéger leurs arbres, la mobilisation des impressionnistes pour la préservation de l'intégrité de la forêt de Fontainebleau, l'épisode de la Tamise puante ou encore des dystopies au risque prophétique comme "Ravage" de Barjavel ou, 35 ans plus tard, le film Mad Max. Au tournant du 20eme siècle, les auteurs nous entraînent dans des luttes plus familières à nos mémoires en en racontant les causes, les leaders et les formes d'expression, en Europe et dans le monde (de la Suisse à l'Amazonie, du Japon aux calanques de Cassis, du Lac Baïkal aux côtes bretonnes, sans oublier accidents et incident pétroliers, nucléaires et chimiques, OGM, autres baleines et oiseaux). Cet inventaire est structuré en 4 grands chapitres, dont le dernier clos le 20ème siècle sur le thème de la défense de la planète et des modes d'incarnation de la notion de développement durable.

Points forts

Le premier point fort de ce livre est son parti pris intellectuel et testimonial : 100 récits – 250 images.

Chaque chapitre est introduit par une synthèse qui donne le contexte global (politique, historique, philosophique, technologique et environnemental) des événements qui vont être rapportés.

Chaque événement est lui-même un bel exercice de synthèse qui ne dépasse pas la page de texte, lequel est accompagné d'une intéressante et abondante iconographie. Il n'est pas lieu de la qualifier de "belle" - bien que très judicieusement choisie ou "exhumée" d'archives - quand elle relate des manifestations violentes ou des accidents industriels et leurs effets collatéraux.

Il est aussi intéressant de découvrir ou redécouvrir le rôle de certaines personnalités. Pour n'en citer, sans hiérarchie aucune, que quelques unes de l'histoire contemporaine : Peter Singer (inventeur de l'antispécisme), Ivan Illich (prêtre pourfendeur du "sous" développement), René Dumont (premier candidat écologiste à l'élection présidentielle en France), Brigitte Bardot, le chanteur Sting, Captain Planet (une dessin animé), Daniel Cohn Bendit et José Bové…

Enfin, et ce n'est pas le moindre de ses mérites, le choix de ces 100 événements témoigne, si cela est nécessaire, que la notion de protection de l'environnement et des décisions induites depuis près de trois siècles, procèdent parfois de terribles accidents industriels,  et toujours de mobilisations individuelles et collectives dont nous sommes les heureux bénéficiaires. Nous leur devons le refus de l'appropriation illégitime de ressources naturelles et de la vie sauvage, les sites classés, les ligues de protection, l'interdiction d'un certain nombre de produits dans la construction, l'alimentation ou les cosmétiques, quelques autoroutes urbaines en moins… Chaque chapitre ou événement rapporté compose une sorte de fiche de lecture qui se lit facilement, dans l'ordre et le désordre.

Quelques réserves

L'histoire des luttes pour l'environnement reste un parti pris, qu'il faut accepter au départ de ce parcours initiatique. Car il y est mis en question nature et culture, nature et progrès, victimes et bourreaux, ingénieurs et paysans, voire prolétaires. S'il y a au XVIIIème siècle une interrogation sincère sur les conséquences des "Lumières" annoncées, des fondements idéologiques se dessinent ensuite qui prendront la forme de remise en cause du libéralisme et du progrès technique et technologique, dont seules les nuisances sont rapportées dans ces pages - nuisances dénoncées avec justice, tant sur le plan moral qu'historique.

Mais on ne peut écarter de ce commentaire que le filtre de ces luttes met en cause les "puissants", les capitalistes, la science et le progrès. Cette lecture à sens unique, qui semble faire du "savant" un Docteur Folamour (film de Stanley Kubrick sorti en 1964, qui met en scène un savant "déjanté")  plus qu'un Louis Pasteur, sous entend la compromission du progrès avec les intérêts capitalistes. Cet "angle" laisse un petit sentiment de malaise - progrès et science ne sont pas que facteurs de nuisance - ce que d'aucun pourrait en déduire à la clôture de la dernière page. C'était mieux avant, petit essai de Michel Serres publié en 2017 pourrait être relu utilement ! 

Encore un mot...

Faut-il retenir de la lecture de cet ouvrage une célébration des luttes environnementales ? Dans un sens, les événements relatés témoignent d'une relecture intéressante de l'histoire, au filtre des mobilisations intellectuelles, populaires ou "citoyennes"  qui ont permis de forger et de légitimer la défense de l'environnement, la préservation des populations, faunes et flores du monde entier, de la modernité de leurs temps.

Ce livre sort des sentiers battus, tant par son parti pris que ses abondantes illustrations ; il révèle et rappelle ces "combats" qui questionnent sur la cohabitation entre nature et progrès - deux notions qui mériteraient à elles seules plusieurs chapitres de définition.

S'il n'est pas toujours aisé, au fil des récits, de se départir de la mise en cause subliminale de la notion de progrès - à moins d'en être personnellement convaincu - ce sentiment sera modéré par la remise en mémoire (notamment au cours de ces dernières décennies) de ces "luttes" qui ont permis de rendre audible, crédible et programmatique la notion de développement durable.

Une illustration

L'auteur

Anne-Claude Ambroise-Rendu est historienne, professeure d'histoire contemporaine à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Ses travaux portent sur l'histoire de la justice, du crime et l'histoire des conflits environnementaux, à travers les récits qu'en font les médias. Auteur notamment de Une histoire des conflits environnementaux. Luttes locales, enjeu global (XIXe-XXe siècles) publié en 2019,  Histoire de la pédophilie : XIXe-XXIe siècle (2014), elle est également chroniqueuse pour Culture Tops. Sa biographie est disponible sur le site : 

Steve Hagimont, est  maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Versailles-Saint-Quentin. Faisant de la montagne son sujet d'étude, il est notamment  l'auteur de La nature, l’économique et l’imaginaire. L’aménagement touristique de la montagne (Pyrénées, fin du XVIIIe siècle-1914) et contribue à diverses revues.

Charles-François Mathis est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a publié en 2021 La civilisation du charbon ; en 2017 La ville végétale : une histoire de la nature en milieu urbain (France, XVIIe-XXIe siècle) et en 2010 In Nature We Trust : les paysages anglais à l'ère industrielle.

Alexis Vrignon est docteur en histoire, enseignant-chercheur à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, membre du laboratoire ITEM. Il a publié en 2019 Une histoire des conflits environnementaux. Luttes locales, enjeu global (XIXe-XXe siècles), en 2018 Pouvoirs et environnement. Entre confiance et défiance, XVe-XXIe siècle et en 2017 La naissance de l'écologie politique en France.

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