L’OFFICIER DE FORTUNE

Un bon et court récit écrit à la pointe sèche : Un père peut en croiser un autre
De
Xavier Houssin
Grasset,
150 pages,
15€
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Après un beau livre sur sa mère, Xavier Houssin poursuit sa quête familiale chez le père. Dans un court récit écrit au présent, il se glisse dans la peau d’un officier de la Coloniale, peu connu et à peine mieux compris. Enfant du siècle, ce père-là eut une carrière militaire multiple, honorable, le plus souvent affecté outre mer. Rallié tôt à de Gaulle, il est le témoin las et meurtri des derniers combats et des ultimes soubresauts de l’Empire colonial français. Absent à sa famille, peu reconnu de ses chefs, sans amis, trahi par l’Histoire, il rejoint une retraite morne et dévastée.

Après le décès d’une épouse mal aimée, c’est aux côtés de Jeanne, la compagne qui a suivi sa double vie, et de son fils, « le garçon », le seul des trois qu’il ait envie d’aimer, qu'il tente de renouer avec une vie mal vécue, dans la grisaille silencieuse d’un pavillon moche dans une banlieue triste.

Points forts

Tout en phrases courtes, sans emphase, l’auteur ranime à la pointe sèche d’une belle langue un père qui ne fut ni un héros, ni un maître. Absent très tôt - une tradition héréditaire - il s’évade, grâce à l’armée, d’un mariage étroit et d’un avenir sans aventure. De ce beau soldat, lucide sur les réalités militaires et bon officier, ce témoin filial dit bien peu d’une vie pourtant bercée par l’éloignement, l’aventure, la guerre : des faits, des affectations aux quatre coins du monde, quelques expériences, des déceptions, des rencontres avec des héros connus qui ne le réclameront pas auprès d’eux. Cet homme-là a la baraka au combat mais pas la chance de ceux qui ont un destin. L’autre versant de sa vie est pire : mal marié à Yvonne, abasourdi par la mort de sa petite fille Monique, haï par ses deux fils ainés éduqués à le détester, il n’attend rien de sa famille, rien de Dieu, abandonné à l’enfance, et si peu des autres. Seul l’amour timidement redécouvert et le retour dans son pays d’enfance lui entrouvrent la porte. 

Quelques réserves

Si le récit s’anime dans la deuxième partie du livre, j’ai eu de la peine pour ce père lointain, réduit à une ombre lente et désarmée, maladroit avec sa vie où il y a si peu de prise pour l’envie, la passion et l’enthousiasme.

Encore un mot...

Aimer commence par comprendre ; ou, au moins admettre. Ce portrait en demi-teinte d’un être secret, trace une histoire d’incompris, égaré dans ses sentiments, comme une histoire qui serait séparée de sa géographie. Sans vraie fortune, cette figure si peu paternelle interroge sur l’art de vivre à la fois son métier et sa vie ; de rattraper son existence quand la vieillesse en prend possession et que le monde n’obéit plus à ses raisons de vivre.

Une phrase

En fait, ce sont les évènements qui ont commandé.

J’avais chassé le mirage d’une autre vie.

J’ai choisi de me taire.

Je ne voulais rien à avoir à raconter.

L'auteur

Né en 1955, Xavier Houssin est l’auteur de quatre romans et d’un essai. Chroniqueur littéraire au Monde des Livres, il a également publié des recueils de poésie dont le dernier, L’herbier des rayons (2017) a été récompensé par le prix Paul-Verlaine de l’Académie française.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir

Essais
Suite orphique
De
François Cheng, de l’Académie française postface de Daniel-Henri Pageaux