Le train des enfants

Naples,1946. Des enfants sauvés de la misère…mais à quel prix ? Un roman poignant mais tellement savoureux !
De
Viola Ardone
Le Livre de Poche
Parution le 3 juillet 2022
Traduit de l’italien par Laura Brignon
282 pages
7,70 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

C’est à l’initiative de l’Union des Femmes Communistes que, de 1946 à 1952,

70 000 enfants pauvres de l’Italie du Sud ont pris un train - que l’on appelait alors « Le Train du Bonheur » - pour l’Italie du Nord où des familles aisées les accueillaient quelques mois. 

Ils découvraient ainsi une nouvelle vie. Et peut-être un nouveau destin. 

Certes, la générosité des familles d’accueil illustre un superbe mouvement de solidarité et d’union entre le Nord et le Sud du pays pendant les années d’après-guerre. Mais qu’en est-il du ressenti, des sentiments de ces enfants dont la vie en est bouleversée à jamais ?

Ici, Viola Ardone donne la parole à  Amerigo, un gamin des rues de Naples, qui monte en 1946 dans le premier « Train des enfants » avec, entre autres bambins, deux amis de son quartier, Mariuccia et Tommasino.

Amerigo a 7 ans, il vit seul avec sa maman Antonietta dont « les câlins ne sont pas sa spécialité ». Il ramasse des chiffons et les vend après qu’Antonietta les a lavés et réparés.

 Quand dans les ruelles de Naples la rumeur court que des enfants pauvres vont partir « au loin », Amerigo est terrorisé. Pourquoi sa mère l’abandonne-t-elle ? Il ne peut comprendre que « parfois ceux qui te laissent partir t’aiment plus que ceux qui te retiennent ». Et puis, où va-t-il aller ? 

Plus tard en Haute-Italie, quand il découvre la tendresse d’une nouvelle famille et, surtout, quand il se découvre une vocation de violoniste, il s’inquiète : comment va-t-il vivre désormais avec Antonietta à Naples ?

 « On est coupés en deux, maintenant », dit Tommasino dans le train du retour à Naples.

Toute sa vie, Amerigo sera déchiré par un conflit de loyauté entre sa mère avec qui il vit « un amour fait de malentendus » et sa famille d’accueil qui a changé son destin. 

Cette histoire d’enfants du Sud sauvés de la misère par des familles du Nord est méconnue car les enfants, devenus adultes, en avaient honte et n’en parlaient jamais.

Points forts

  • Le choix de Viola Ardone de raconter cette histoire du point de vue d’un enfant. Les enfants ont l’art de réinventer la réalité qu’ils vivent, sans préjugés. Avec leur humour naïf et souvent poétique, ils trouvent des côtés cocasses même dans les situations dramatiques. 
  • La relation entre Amerigo et Antonietta, séparés par la pauvreté et les inégalités sociales. Un amour incompris mais très fort, « plus fort que l’Histoire ».
  • La galerie de personnages tendres et hauts en couleur (la Jacasse ardente communiste, la Royale résolument monarchiste et fasciste, les demoiselles du train qui accompagnent les enfants pendant leur voyage).

Quelques réserves

Aucune réserve.

Encore un mot...

Un beau roman pudique et nostalgique qui fait penser aux films du Néoréalisme italien des années 50. 

Et c’est aussi un roman sensible et plein de vie à offrir aux grands enfants. Comment ne pas s’attacher à Amerigo ?

Une phrase

- ( à l’arrivée du train en Haute-Italie)
« Les musiciens jouent une musique que les demoiselles du train ont l’air de connaître, parce que toutes les deux secondes elles crient : « bella ciao ciao ciao ». A la fin de la chanson, ils lèvent tous le poing vers le ciel, qui est gris et plein de nuages longs et fins. Mariuccia et Tommasino pensent qu’ils montrent leurs poings parce qu’ils s’engueulent. Alors je leur explique qu’ils font le salut communiste, que je connais par la Jacasse, et le salut communiste c’est différent du salut fasciste, que je connais par la Royale. Quand elles se croisaient dans la ruelle, la Jacasse et la Royale faisaient chacune son salut et on aurait dit qu’elles jouaient à pierre-feuille-ciseaux. 

Je suis à côté de Mariuccia dans la queue et Tommasino est derrière, il donne la main à un autre gosse un peu plus grand. On passe au milieu des gens qui agitent des petits drapeaux tricolores : il y en a qui sourient, d’autres qui applaudissent, d’autres qui saluent. Peut-être qu’ils croient qu’on a gagné quelque chose, qu’on est venus en Haute-Italie pour leur rendre service, et pas l’inverse. » p.74
- (le maître d’école ) « Il dit aux autres que je suis un enfant du train, qu’ils doivent m’accueillir et me faire sentir comme chez moi. Chez moi, je n’avais rien, je me dis. Alors ce serait mieux qu’ils me fassent me sentir comme chez eux. » p.118
- (Amerigo en 1994)

« J’ai été aidé, c’est sûr, mais j’ai aussi eu horriblement honte. L’accueil, la solidarité, comme tu dis, ça a aussi un goût amer, à la fois pour ceux qui en font preuve et pour ceux qui en bénéficient. C’est pour ça que c’est si dur. Je rêvais d’être comme les autres. Je voulais faire oublier d’où je venais et pourquoi. J’ai beaucoup reçu mais j’en ai payé le prix en faisant une croix sur pas mal de choses. D’ailleurs, je n’ai jamais raconté mon histoire à personne.
- Moi non plus, figure-toi, répond Tommasino. » p.245

L'auteur

Née en 1974, Viola Ardone est diplômée de lettres. Après quelques années dans l’édition, elle enseigne aujourd’hui l’italien et le latin, tout en collaborant avec différentes publications. 

Le Train des enfants est son troisième roman et le premier traduit en France. 

Le Choix, son quatrième roman, a été publié chez Albin Michel cet été, en août 2022.

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