L'Express de Benares

Ce n'est pas le meilleur train...
De
Frédéric Vitoux
Editions Fayard - 275 pages
Notre recommandation
2/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

Henry Jean-Marie Levet ou Levey (1874-1906) fait partie des versificateurs « morts au champ d’oubli » qui foisonnèrent au tournant des XIX et XXe siècles. Fils unique d’un député-maire de Montbrison bien en cour, ce  dandy fils-à-papa, après avoir longtemps partagé sans risques  la bohème d’amis plus célèbres et moins riches que lui,  finit dans la peau d’un vice-consul grâce aux relations de son papa d’où son surnom de « poète consulaire ». Mort à 32 ans de phtisie il laisse quelques poèmes pieusement recueillis dans un mince ouvrage que Frédéric Vitoux  s’emploie à nous présenter comme un chef d’œuvre et il a -peut-être- écrit un roman flamboyant dont il ne reste rien : l’Express de Bénarès.

Points forts

- La quête de Vitoux sur les traces d’un fantôme qui lui échappe mais dont il se sent proche comme d’un frère est assez touchante. 

Levet qui « admire Rimbaud, mais qui n’est pas Rimbaud » est décrit avec tendresse en dépit de son physique ingrat et de ses extravagances vestimentaires, non sans quelques réserves sur les possibles zones d’ombre de sa personnalité.

Malgré une fascination imputable à sa proximité personnelle et familiale, notre académicien a l’honnêteté  de reconnaître les failles du personnage, sa probable mythomanie, son caractère velléitaire et paresseux à la manière du Samuel Cramer décrit par Baudelaire dans « La Fanfarlo »  dont « l’imagination était aussi vaste que la solitude et la paresse absolues ».

- Le véritable pèlerinage accompli par l’auteur nous vaut, entre autres, de jolies pages nostalgiques sur le  Montbrison disparu et la maison Levet convertie en Crédit Agricole.

- L’isolement désinvolte de Levet, assidu des cafés  du  « gai Paris » mais  incapable de s’intéresser comme ses amis, Léon-Paul Fargue et  Francis Jourdain,  aux grisettes ou  commerçantes croisées dans les rues de Montmartre.

- La découverte de multiples petits écrivains méconnus, tel Jean de Tinan, mort à 24 ans, qui eut le temps d’écrire quatre romans dont deux comme « nègre » de Willy.

Quelques réserves

- Si les «Cartes Postales » de Levet sont largement citées, commentées et paraphrasées, la « fameuse préface-conversation dans une limousine » de Valéry Larbaud et Léon-Paul Fargue (qui introduit le seul recueil de poèmes jamais édité) est évoquée à de multiples reprises mais  le lecteur de Vitoux ne saura rien de ce qui motive  son enthousiasme pour ce texte. Pour ceux que cela intéresse, il est possible de commander le livre, préface comprise, chez Amazon, au prix de 7.30 €.

- L’admiration suscitée par ce poète mineur chez Vitoux, bien sûr, mais aussi chez Valéry Larbaud qui voit en lui un  équivalent de Walt Witmann ou même chez  Julien Clerc qui a chanté l’un de ses sonnets « La Plata », ne laisse pas d’être  assez surprenante.

Encore un mot...

On peut se demander si cette enquête historico-littéraire conçue comme un jeu de miroirs, apporte quelque chose de nouveau à la littérature.

Pour moi, Henry Levet est une figure de l’insignifiance, certainement moins attachante que celle de Joseph Grand, le petit employé de la ville d’Oran mis en scène par Albert Camus dans «  La Peste », qui réécrit sans cesse la première phrase d’un livre dont la seconde ne viendra jamais : « Par une belle matinée du mois de mai, une élégante amazone parcourait, sur une superbe jument alezane, les allées fleuries du bois de Boulogne.»

Une phrase

« Curieux destin en somme que celui de Levet qui acquit une forme de célébrité de son vivant et même après sa mort, pour les livres qu’il n’avait pas écrits, qu’il aurait pu écrire, qu’il prétendait avoir écrit, qu’il avait ébauchés peut-être et dont ses proches (comme ses admirateurs à venir) continueraient de parler avec une curiosité aiguisée par la part de mystère qui flottait autour d’eux.

 Pour tout dire, là où tant d’écrivains secondaires voient si vite leurs petites histoires sombrer dans l’oubli, Levet parvint à rester dans les mémoires pour des romans dont personne n’eut jamais connaissance, dont l’existence reste douteuse. Je me demande si je ne l’envie pas pour cela. »

L'auteur

Né en 1944 dans le Loiret, Frédéric Vitoux est écrivain, essayiste, journaliste, critique littéraire et cinématographique. Auteur de plus de trente ouvrages, romans, essais, biographies, c’est un  affamé de littérature,  habité pendant presque 20 ans par Louis Ferdinand Céline. Son premier roman intitulé « Cartes Postales », publié en1973, n’est pas étranger à sa passion pour Levet.

Elu à l’Académie Française en décembre 2001 au fauteuil de Jacques Laurent, il fait désormais partie des écrivains « arrivés » qu’il fustige dans » l’Express de Bénarès ».

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