Les Dimanches de Jean Dézert

Une chronique décalée et poétique de la banalité des jours d’un rêveur solitaire. Un chef-d’œuvre intemporel sans cesse réédité depuis le début du XX° siècle.
De
Jean de la Ville de Mirmont Illustrations de Christian Cailleaux
Finitude
Réédition le 10 novembre 2022
128 pages
23 €
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Sous la jolie couverture des bien nommées Éditions Finitude, se cache un petit bijou : la réédition de l’unique roman de Jean de la Ville de Mirmont, mort au front en 1914, à moins de 28 ans. Roman court de la vie ordinaire d’un petit fonctionnaire de la préfecture de la Seine, ce livre inclassable est une chronique décalée et poétique de la banalité des jours d’un rêveur solitaire dont seul le dimanche, préposé à la fête, fait émerger un peu la tête.

Points forts

« Ce jeune homme, appelons-le Jean Dézert. » Ce début donne le « la » du livre : une ballade du quotidien lucidement désabusé ; des journées qui se suivent, comme les wagons d’un train muet et vide, pour se ressembler ; la frilosité grise des habitudes honnêtes ; le parfum fané des « vers écrits pour occuper » des journées meublées d’ennui, de routine, de la fatalité du temps qui passe sans s’arrêter à la bonne adresse. 

Pourtant, il s’en dégage surtout l’humeur libre de la légèreté, le recul innocent du poète face à l’humble réalité, le rêve du bouquiniste en bord de Seine : faire couler la littérature dans les veines du passant. Tout un florilège d’impressions inspirées, d’envies susurrées, du conformisme suranné d’une époque qui attendait.  

Et puis, il y a l’Elvire du dimanche, la fille enjouée de la Maison Barrochet à qui Jean Dézert, jeune homme honnête, avoue tout de sa jeune vérité ; jusqu’à la rupture liée à la découverte tardive que son fiancé malhabile et malheureux avait, comme Don Quichotte, une triste figure aussi longue. Ainsi finit, dans une débauche acceptable, l’amour promis à Jean Dézert, explorateur méconnu des âmes ordinaires.

Quelques réserves

Aucune réserve pour cette excellente peinture de la société de l’époque. 

Encore un mot...

« Parmi les grands écrivains morts à la guerre, il y en avait aussi de petits » (Marie Boizet, dans sa préface Contre l’oubli). L’auteur en resta à l’état de promesse non tenue. Mais ce petit livre ressuscite le charme de la fraîcheur à l’ancienne, la lente nostalgie des jours oubliés et l’humour de l’autoportrait sans rides d’un artiste en devenir qui avait tout compris du siècle las et tragique qui allait surgir. Bref, sans nostalgie inutile, un vrai bonheur de lecture.

Une phrase

  • “ Ses yeux ne quittent pas la terre, ses regards ne s’élèvent pas au-dessus de ce monde (…)”. p. 16
  • “ Les poètes s’y prennent mieux. Avec eux l’on voit vite où ils veulent en venir. Encore ne le font-ils pas toujours exprès ”. p. 37
  • “ J’ai mal compris la vie, jusqu’ici, se dit-il.”. (p. 59 
  • “ Il aurait pu, aussi bien, la rencontrer ailleurs qu’au Jardin des Plantes. Mais l’histoire ne serait plus la même.” p. 67
  • “ Lorsque Jean Dézert choisit de se suicider, il choisit un dimanche afin de ne pas manquer son bureau.” p. 124

L'auteur

Jean de la Ville de Mirmont, né en 1886 à Bordeaux, rêvait « de grands départs inassouvis » en longeant les quais de la Garonne. Il fut l’ami sur les bancs de la faculté de droit et d’admiration mutuelle de François Mauriac, qui préfaça son livre publié à compte d’auteur et seul un recueil de poèmes publiés à titre posthume, L’horizon chimérique, et quelques contes constituent le reste de son œuvre incomplète. Réformé à deux reprises, il réussit à s’engager avant de mourir sous les obus allemands au Chemin des Dames. Par sa modernité intemporelle, Les dimanches de Jean Dézert a toujours, au fil des années, bénéficié de rééditions régulières et conservé un club de lecteurs fidèles.

Commentaires

Jean-Luc Demarty
ven 31/03/2023 - 16:22

Je félicite Culture-Tops et Paul Beuzebosc d’avoir rendu hommage à ce bel écrivain injustement oublié dont j’avais déjà redécouvert le livre unique il y a 15 ans. Pour les bibliophiles il existe une magnifique édition illustrée de lithographies par le grand peintre Emilio Grau Sala, très grand coloriste, et tirée seulement à 100 exemplaires en 1943. D’une manière générale il y a encore beaucoup d’écrivains, considérés injustement comme mineurs, du XVIIIeme au XXeme siècle à rééditer, bien meilleurs que la médiocrité majoritaire du roman contemporain,

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