Ann d'Angleterre

Une touchante autofiction sur les liens avec une mère à l'épreuve du vieillissement

Julia Deck

Le Seuil
Parution le 19 août 2024
256 pages
20 €

Notre recommandation

4/5

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Thème

Ce roman construit sur l'alternance entre deux récits relate parallèlement la vie de la mère de l'auteure et les évènements ayant suivi l'accident cérébral dont elle est victime en avril 2022. Véritable autofiction, le roman nous offre un tableau large de la vie de la mère de l'auteure, jeune femme brillante issue de la classe ouvrière anglaise et ayant immigré à Paris, ainsi que celle de l'auteure elle-même, tout en mettant le doigt sur de nombreux secrets intrafamiliaux.

Le récit s'articule également autour d'une description spécifique du traitement réservé aux personnes âgées en fin de vie, prenant parfois des aspects dénonciateurs. La narratrice raconte dans ces chapitres son combat pour conserver la dignité de sa mère dans les moments ayant suivi son accident cérébral.

Points forts

La lecture est très fluide, le style ne s'embarrasse pas d'agréments superflus et l'émotion en est d'autant plus vive. La narration à la première personne nous entraîne dans le combat de l'auteure contre la dégradation de l'état de sa mère, vers laquelle l'absence de considération des services de gérontologie l'entraîne irrémédiablement. Par contraste, l'objectivité relative des chapitres concernant la jeunesse de la mère crée un effet de "zoom" et "dézoom", donnant une profondeur au récit et permettant de ne pas sombrer dans le désespoir de la narratrice. Certains passages sont empreints d'une grande douceur et d'une poésie profonde, on a l'impression au terme de la lecture d'avoir beaucoup appris sans pour autant avoir fourni aucun effort de compréhension ou de concentration.

Quelques réserves

Aucune réserve pour ce roman est si agréable à lire.

Encore un mot...

Je conseille fortement ce livre, il s'agit d'une véritable leçon de vie, dont les portées autant philosophique que pratique ne peuvent que servir à tous. Une lecture plaisir dont on ressort grandi, avec la tête pleine de réflexions éthiques, politiques et sociologiques. J'ai particulièrement apprécié le fait que le sujet du vieillissement y soit abordé avec une simplicité rare, permettant de démystifier la fin de vie, souvent ignorée dans notre société.

De plus, la réflexion métatextuelle, apportée par les passages autobiographiques à propos du processus de création littéraire de l'auteure, ajoute une profondeur supplémentaire à ce texte déjà riche, que tout lecteur observateur saura apprécier.

Une phrase

« Le dimanche, on prend la 4L pour pique-niquer en forêt. Ann exulte dans le bon air, le bruissement des feuilles, les chants d'oiseaux. Ils lui rappellent quand le monde était moins construit, lorsqu'il y avait encore un champ au bout du jardin de Billingham. » p.138
« La patiente n'a toujours pas le droit de boire par crainte de fausses routes. Pour hydrater les personnes dans sa situation, on a inventé l'eau gélifiée. Cette pâte visqueuse se mange à la petite cuillère. Elle colle. Il faudrait mastiquer vigoureusement pour l'ingérer de façon convenable. La moitié de la bouche est paralysée, elle ne transmet pas au cerveau le signal pour indiquer qu'il faut continuer de mâcher. L'eau gélifiée transforme rapidement un visage en musée de l'horreur. » p.96

L'auteur

Julia Deck est une écrivaine franco-britannique ayant publié son premier ouvrage Viviane Élisabeth Fauville en 2012 aux Éditions de Minuit. Après des études de Lettres à la Sorbonne, elle devient secrétaire de rédaction pour de nombreux journaux puis enseigne les techniques rédactionnelles en école de journalisme avant de se dédier à l'écriture à plein temps. Ann d'Angleterre est son sixième roman.

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