Un chemin de tables

Bon, mais on attendait plus d'elle
De
Maïlys de Kerangal
Editions du Seuil
Notre recommandation
3/5

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Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

Il s'agit, cette fois, d'un livre de commande pour la collection « Raconter la vie », aux éditions du Seuil: un reportage sur le métier de cuisinier, à travers le vécu d’un jeune homme prénommé Mauro. L’on y suit le chemin d’une vocation, ses prémisses dans l’enfance, ses hésitations à l’heure des études, ses premiers stage, ses remises en question, et puis les premières embauches professionnelles et la prise de risque maximum dans l’investissement d’un restaurant. C’est un chemin de passion.

Points forts

1) Si la cuisine vous intéresse, et même si vous n’y pensiez pas particulièrement, vous allez apprendre beaucoup sur l’essence même du travail, de ses gestes, surtout, qui sont admirablement décrits, de ce qui se passe en amont et en aval. Vous allez « vivre » ce travail dans la restauration, mais aussi dans le quotidien familial et amical.

2) L’expérience de Mauro résume bien des aspects de cette profession et l’on sent à quel point l’ouvrage est documenté sur l’achalandage et le soin qu’il demande, le personnel et son turnover, les relations de travail à la fois admirablement coordonnées et souvent brutales, le style culinaire à trouver absolument, l’accueil qui doit être sincère, les horaires sans limite.    C’est donc un ouvrage qui éclaire sur un métier qui fascine. Les joies de la création sont présentes ainsi que  celles du partage et de l’effort, mais on découvre aussi un mode de vie terriblement inconfortable comportant des prises de risque très graves, risque d’investir financièrement et de tout perdre, risque de se détruire la santé par excès de travail et de stress, risque de passer à côté de toute vie personnelle

3) Le parcours de ce jeune homme est touchant, par ses interrogations, par sa passion, par ses souffrances qui le mèneront à l’abandon, jusqu’à ce qu’il se ressaisisse. 

4) Tout cela est porté par la plume de Maïlys de Kerangal, une plume experte, poétique et d’une grande vitalité. Le projet de mettre en lumière un métier prend avec elle l’allure d’une épopée – fut-elle très intime.  

Quelques réserves

1) A la genèse du livre, Maïlys de Kerangal a rencontré Mauro (1) et l’a interviewé : la relation était purement professionnelle – faire un reportage sur le métier de cuisinier. Ensuite, pour rendre le livre plus vivant, elle a imaginé une relation d’amitié entre elle et Mauro.  Cela donne au personnage de la narratrice un positionnement pas très clair : elle a rencontré Mauro dans un train, elle se présente comme une amie et elle raconte son parcours avec une sorte de neutralité bienveillante. Elle existe dans le récit, mais de loin en loin. Elle a par moment des réactions fugitives, presque maternelles. Elle est là sans y être. Du coup le lecteur garde une distance qui amoindrit son implication. 

2) L’auteur semble bridée par le format du livre imposé par la collection. Dans ses interviews, elle reconnait d’ailleurs qu’il lui restait encore beaucoup à dire.

Encore un mot...

Mauro est admirablement incarné en tant que cuisinier. Un focus plus rapproché sur son humanité auraient fait de ce portrait un       un grand livre.
Ceci étant, on est loin de la magie, sur un thème connexe, des"Délices de Tokyo"...

Une phrase

"D’emblée, ce sont ces mains qu’il faudrait décrire. Celles-là travaillent, travaillent tout le temps, ce sont des outils d’une technicité folle, des instruments sensibles qui fabriquent, qui touchent, qui éprouvent – des capteurs. Les phalanges surtout impressionnent, étirées, puissantes comme des doigts de pianiste capables d’aller chercher trois octaves plus loin la bonne note, capables de se déplier en trois mouvements, de se désarticuler, capables de combiner plusieurs gestes à la fois. Mains de travailleur et mains d’artistes donc, de drôles de mains".

L'auteur

Maïlys de Kerangal jouit d’une belle notoriété d’écrivain depuis la publication en 2010 et 2013 de deux romans que je qualifierais de puissants : "la Naissance d’un pont" et "Réparer les vivants", tous deux salués par la critique, couronnés par les plus prestigieux prix littéraires et appréciés du public puisque les tirages approchent les deux cent mille exemplaires, les traductions se multiplient ainsi que les projets de films. 

Cette fille de militaire, hautement diplômée en sciences sociales et philosophie,a travaillé pendant des années dans l’édition jeunesse et publié quinze romans, avec talent et une reconnaissance grandissante. 

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