Backlash

Un homme en colère
De
Pénélope Skinner
Mise en scène
Guillaume Doucet Bérangère Notta
Avec
Philippe Bodet
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de Belleville
16 passage Piver
75011
Paris
01 48 06 72 34
Jusqu’au 31 mars. Du mercredi au samedi à 19h. Dim. 15h
30 janvier 2024 à l’Archipel, Fouesnant ; 9 avril 2024, Université Rennes 2, & é avril 2024 Festival Mythos au Pôle Sud, Chartres-de-Bretagne ; 15 mai 2024, EVE Scène universitaire, Le Mans.

Thème

  • Danny est un homme dépassé, fragilisé, meurtri comme tant d’hommes et tant de femmes. Divorcé, père d’un adolescent de 14 ans qu’il voit peu, ayant subi un licenciement brutal et vivant apparemment une relation tranquille avec sa nouvelle compagne dans le Kentucky, il n’a ni le comportement ni les propos d’un misogyne ou d’un phallocrate énervé. 
  • Mais il est homme, et découvre au hasard de ses navigations sur Internet l’existence d’Angry Allan, un masculiniste retors et séduisant qui, en expliquant que le monde est désormais dominé par les femmes et que tous sont victimes du gynocentrisme, va lui fournir comme à tant d’autres la matière d’une sorte de réassurance et une issue pour sortir de son désarroi personnel.

Points forts

  • Cette exploration et mise en corps du mécanisme imparable de l’offensive réactionnaire montre comment fonctionne le renversement de l’argumentaire victimaire, transformé ici en rhétorique creuse. Écouter attentivement les réactionnaires est parfois utile pour essayer de comprendre ce qui se joue pour eux dans un engagement qui paraît absurde tant il repose sur la mauvaise foi et/ou l’aveuglement.
  • La mise en scène fluide et dynamique ménage d’heureux moments à ce seul en scène qui tient en haleine et dont le backlash à double détente et à double sens fournit un efficace ressort dramaturgique
  • L’incarnation de Philippe Bodet est subtile et nuancée : tous les masculinistes ne sont pas des macho bodybuildés et vulgaires ou des aspirants mâles alpha ; la frustration et le désir de revanche guette tout le monde, et particulièrement les hommes dans un monde désormais touché par les couleurs de Meetoo, des couleurs qui leur disent que tout est en train de changer, qu’il faut tout changer ...

Quelques réserves

  • On peut regretter que la pièce n’insiste pas davantage sur la violence et donc la dangerosité énorme du masculinisme, qui n’est pas qu’une affaire de pauvres types enfermés dans leur chambre, et qui font des vidéos youtube, mais un phénomène mondial, massif et très organisé et qui fait des dommages considérables.
  • Les jeux de lumière et de couleurs sur l’écran en fond de scène ne sont pas tous nécessaires ni très heureux (les poissons ?) et mériteraient sans doute un autre traitement. 
  • Le moment de “danse“ ne paraît pas non plus indispensable, sauf s’il ménage une pause au comédien.

Encore un mot...

  • On connait l’importance du mouvement masculiniste aux Etats-Unis dont il est question dans cette pièce. La chose n’est pas nouvelle puisqu’elle date du début du XXe siècle (Hubertine Auclair la notait déjà autour de 1900), mais elle prend simplement une importance nouvelle à la faveur du mouvement Mee too et des nouveaux canaux de communication que fournit internet. 
  • Il s’agit pour ce mouvement de défendre les intérêts des hommes, supposés victimes des femmes et d'un féminisme jugé abusif. Enracinée dans des valeurs martiales et familiales, l’idéologie masculiniste est au fond hostile à l’émancipation réelle des femmes et ne vise à rien d’autre qu’à conserver la position dominante des hommes au sein de la société quand, à l’instar des mouvements Incels, elle ne prêche pas une haine féroce des femmes. 
  • Le marché n’a pas oublié évidemment de s’emparer d’un phénomène qui vend des formations, des stages, des séances de coaching, des livres, tous produits qui rencontrent un franc succès auprès des jeunes. 
  • Astucieusement, ce n’est pas le versant radical ou martial du masculinisme que Pénélope Skinner donne à voir ici : elle présente au contraire un homme plutôt doux, maltraité par la vie, accablé par la médiocrité et sans force pour résister à la puissance de l’endoctrinement. Il trouve dans la communauté patriarcale l’espoir d’une planche de salut.

Une phrase

  • « Est-ce qu’on est des produits jetables, nous les hommes ? »
  • « Je n’ai pas pleuré devant un autre être vivant depuis mes huit ans. »
  • « Juste dîner en tête à tête avec une femme qui ne va pas argumenter. »

L'auteur

  • Dramaturge et comédienne, Penelope Skinner s’affirme comme une figure phare de la scène féministe britannique, même si elle a été peu jouée en France. 
  • Sa première pièce – Fucked- fut présentée en 2008 au Old Red Lion Theatre et au Festival d’Edimbourg, et saluée par la critique. 
  • Depuis, le succès de ses œuvres ne se dément pas : elle a reçu plusieurs récompenses pour ses pièces, a écrit des scénarios de série et de film et Angry Alan a reçu au Festival d’Edimbourg en 2018 un excellent accueil du public et de la critique.

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