Je l'appelais monsieur Cocteau

Un beau texte desservi par bien des choses
De
Carole Weisweiller
Adaptation : Bérengère Dautun
Mise en scène
Pascal Vitiello
Avec
Bérengère Dautun et Guillaume Bienvenu
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Studio Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles
75017
Paris
0143872323
Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 17h

Thème

Une femme raconte sa rencontre et ses souvenirs avec Jean Cocteau qu'elle connut depuis son enfance jusqu'aux prémices de sa vie de jeune femme.

Elle retrace la découverte du monde foisonnant, si personnel et original qu'était celui de Cocteau, et exprime l'admiration qu'elle avait pour l'homme et l'artiste. 

A travers ses souvenirs d'enfant, d'adolescente puis de jeune femme, s'esquisse ainsi le portrait singulier d'un artiste hors norme, à la fois homme de lettres, peintre, dessinateur, cinéaste et dramaturge.

Cette femme, enfin, nous fait partager avec vérité son amitié pour le grand poète.

Points forts

1- L'écriture:

C'est au rythme de tableaux qui ont pour titres des thématiques, liées tantôt à des instants privilégiés comme "La première rencontre ou "L'émerveillement",  tantôt à des lieux comme "Santo Sospir"ou encore "Chapelles", que se compose peu à peu devant nous le portrait d'un homme multiple, fragile, drôle et d'une créativité folle.
L'auteur nous plonge ainsi dans l'intimité de son souvenir.
Nous en revisitons avec elle le temps et l'espace, contenants, tels des flacons, de moments précieux avec Jean Cocteau qu'elle appelait donc Monsieur...
A celui qui disait "Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour", Carole Weisweiller répond en écho par une démonstration sincère et élégante.

2- L'interprétation: pour Bérangère Dautun.

Bérangère Dautun interprète ici l'auteur, Carole Weisweiller, qui se souvient et raconte au public qui était Jean Cocteau. 
Elle nous emmène avec elle, comme si elle nous contait une histoire.
Ainsi la comédienne nous fait-elle ressentir, par la finesse des modulations et inflexions de sa voix profonde, les nuances et mouvements de sa relation à l'artiste.
Elle "revit" pour nous ces instants plus ou moins légers, et parvient à nous faire partager ce qui l'anime : l'admiration constante, sans cesse renouvelée pour Jean Cocteau, teintée parfois d'une surprise décontenancée ou d'une complicité amusée.
Un bémol toutefois : la technique, très maîtrisée de la comédienne, devient parfois rempart à l'émotion.

3- La musique 

Les différents chapitres ou tableaux sont entrecoupés de courts interludes au piano. Leur mélodie, à la fois douce et mélancolique, ponctue délicatement le spectacle avec une touche de tendresse.

Quelques réserves

1- Mise en scène

J'ai trouvé que la mise en scène était très statique, et qu'il y avait beaucoup (trop) de face public.

Ce n'est pas gênant en soi mais cela le devient, tout au moins pour moi, lorsque l'on choisit de mettre en scène deux personnages, ici l'auteur/conteur et l'artiste, et que rien ne semble vivre ou revivre vraiment entre eux. Ainsi Bérangère Dautun et Guillaume Bienvenu jouent-ils bien souvent côte à côte, mais plus rarement ensemble.  

Le vrai problème, selon moi, vient du fait qu'il manque un point de vue sur Cocteau : est-il présence charnelle? réminiscence? fantôme? ou encore toute à la fois? 

Ici, il n'est, c'est triste à dire, quasiment qu"illustration". Ce qu'il fait, lui, vient toujours illustrer ce qu'elle dit, elle : il n'y a donc aucune surprise pour le spectateur et on en arrive même à une certaine aberration, à savoir que Cocteau, de créateur, se trouve pour ainsi dire réduit à une simple marionnette.

On regrette donc que le metteur en scène n'ait pas davantage crée de ponts entre présent et passé, entre cet homme et cette femme, en cherchant par exemple comment et pourquoi ces souvenirs, précisément, lui reviennent, pour rendre le tout vivant et incarné.

2- Scénographie

L'espace est divisé de manière classique : on peut distinguer, à jardin, l'espace de la conteuse, matérialisé par une table basse et une chaise en osier et, à cour, l'espace de l'artiste dont on reconnaît l'atelier. Au milieu, en fond de scène, un drap sépare les deux, et permet les projections des titres des chapitres ou les fresques de Cocteau.

L'ensemble, assez convenu, n'évolue pas. On aurait aimé voir l'espace de la mémoire, vivant et poreux par essence, se modifier progressivement, peu à peu habité, envahi par les traces du poète comme ce fut le cas à Santo Sospir...

3- L'interprétation: pour Guillaume Bienvenu.

On nous parle d'un Jean Cocteau aux "multiples visages", mais où sont-ils ?

Le comédien Guillaume Bienvenu semble souvent au cours du spectacle mal à l'aise, ne sachant que faire; et cela revient aussi, à mon avis, à un problème de direction d'acteur et de point de vue sur le personnage. Son jeu est trop sage, et manque de modulations. 

C'est dommage, on dirait que l'acteur n'ose pas s'approprier son rôle - peut-être trop impressionné par la puissance de la personnalité du maître ? - et par conséquent peine à nous le faire exister.

4- La lumière

On déplore enfin un manque de recherche aux lumières, dont la simple alternance entre les interludes et les moments joués ne saurait suffire. 

Encore un mot...

Je dois l'avouer, j'ai été déçue par ce spectacle, malgré la qualité et l'intérêt du texte, qui ne sont pas en cause. 

L'auteur

Fille de Francine Weisweiller, mécène issue d'une famille d'industriels, Carole Weisweiller a rencontré Jean Cocteau quand elle était âgée de 8 ans. 

Elle grandit dans la villa Santo Sospir dans le Sud de la France, maison où il passa lui-même les 15 dernières années de sa vie. 

Elle est productrice de nombreux films, et l'auteur de plusieurs livres et biographies sur Jean Cocteau, parmi lesquels on peut citer "Jean Cocteau, les années Francine 1950/63" (Le Seuil 2003) et "Je l'appelais monsieur Cocteau" (Editions Michel de Maule, 2013).

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