Construire un feu

Oui, Jack London est un grand écrivain
De
Jack London
Traduction : Christine Le Boeuf
Mise en scène
Marc Lainé
Avec
Alexsandre Pavloff, Pierre Louis-Calixte, Nâzim Boudjenah
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Studio-Théâtre de la Comédie-Française
99 rue de Rivoli: Galerie du Carrousel du Louvre
75001
Paris
144581515
Jusqu'au 21 octobre, à 18h30

Thème

Au Klondike, dans le grand nord, un homme marche dans la neige pour retrouver ses compagnons passés par une autre route. C’est son premier voyage. Il est seul, démuni, à la merci d’un froid intense et meurtrier. Il est à la merci du feu, dont il ignore qu’il peut en perdre la maîtrise, dans ces conditions extrêmes. Une magnifique réflexion sur la condition humaine.

Points forts

1 – Pari audacieux mais réussi de faire vivre un vaste espace de neige, de sapin, de ciel sans soleil, sur une si petite surface. Marc Lainé le réussit pourtant, avec l’aide d’écrans et de caméras qui fonctionnent en direct, en filmant des maquettes de paysages, et aussi le visage du voyageur, très bien incarné par Nâzim Boudgenah, lequel marche et court (sur place) dans la neige.

2 – Un chien le suit, personnalisé par Alexandre Pavloff, avec ses longs cheveux, ses pieds nus dans la neige, habillé en jean. Sa démarche souple, évoque bien ce chien, qui instinctivement suit cet homme qu’il croit maître du feu, et dont sa mémoire héréditaire sait qu’il peut l’aider à le protéger lui aussi de ce froid extrême.

3 – Magnifique évocation de la fragilité de l’être humain qui a perdu le contact réel avec la nature et qui ne sait pas se servir de cet instinct primitif qui sauvera l’animal. Le chien, à la fin, repartira en quête d’autres humains capables de lui construire un feu protecteur.

4 – Pierre Louis-Calixte, toujours excellent, est le narrateur du texte de Jack London, qui prend des dimensions métaphysiques.  Le voyageur ne parle pas, sauf à l’extrême fin, lorsqu’il reconnaît et admet son erreur d’être ainsi parti, seul, sans suivre le conseil des anciens. On voit en gros plan son visage miné par l’effort puis par la panique qui le gagne. Sa fin est émouvante, car on sent alors qu’il s’incline face à l’inéluctable avec une sorte de grandeur.

5 - Tout ceci pourrait paraître  très technique et peu théâtral. En réalité, la force réside dans le pouvoir évocateur du texte magnifique et de ses interprètes. Si j’osais,  je dirais que l’on croit ressentir le froid.

Quelques réserves

Je n’en ai pas vu.

Encore un mot...

Un spectacle extrêmement original, qui donne l’envie de se replonger dans les romans de Jack London (excellente traduction de Christine Le Bœuf). La dimension métaphysique transcende cette narration, particulièrement évocatrice de la faiblesse humaine face à la nature. Un spectacle qui fait réfléchir.

Une phrase

« En commençant avec prudence, petitement, il obtint bientôt un brasier ronflant devant lequel il fit fondre la glace de son visage et sous la protection duquel il mangea ses biscuits. Pour le moment, le froid de l’espace était vaincu. Satisfait du feu, le chien s’était étendu assez près pour profiter de sa chaleur, assez loin pour éviter d’avoir le poil roussi. »

L'auteur

Jack London est né en 1876 en Californie, état pionnier alors en pleine industrialisation. 

La ruée vers l’or au Klondike en 1897 fait de lui le spécialiste du froid. Il décrit avec talent dans ses  recueils de nouvelles, puis ses romans célèbres, « L’appel sauvage », « Croc blanc », l’observation de ces hommes si particuliers, indiens, prospecteurs ou trappeurs, dans leur cheminement souvent tragique et toujours douloureux face à l’adversité de la nature. Il devient un écrivain célèbre. Il sera aussi, un temps, correspondant de guerre en Corée et au Mexique.Puis, il décide de faire le tour du monde sur un bateau très moderne, le Snark, où il écrit « Martin Eden ». Il revient en Californie vivre dans un ranch  qui lui inspire des romans comme « La vallée de la lune » ou « La petite dame dans la grande maison » (véritable  hommage à son épouse). Malade et alcoolique, il meurt jeune et en pleine gloire, en 1916. La génération du baby-boom a découvert ses œuvres dans la « Bibliothèque verte ». Il mérite grandement d’être relu à l’âge adulte. "Martin Eden", par exemple, est, à mon sens, un chef d'oeuvre.

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