Tomas Nevinson

Le nouveau Javier Marias … et hélas le dernier
De
Javier Marias
Gallimard
Traduit de l’espagnol par Marie-Odile Fortier-Masek
Parution le 1er décembre 2022
728 pages
26,50 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

  • Tomas Nevinson, jeune retraité des services secrets anglais, vit comme un jeune retraité à Madrid, où il peine à reconstruire sa vie auprès de sa femme, Berta, et de leurs deux enfants. Trop d’absence et de distance ont fini par en faire des étrangers qui ne savent même plus ce qu’ils partagent encore.
  • Aussi, lorsque son ancien chef lui demande un service du genre qu’on ne peut pas refuser, il décide de reprendre du service, pour rester au centre du jeu, avec l’adrénaline qui va avec.
  • Il s’agit de s’installer dans une ville du pays basque pour démasquer une ancienne terroriste, mi espagnole mi irlandaise, qui, avant de refaire sa vie, a organisé les attentats terriblement meurtriers de Barcelone et de Saragosse. Trois femmes ont été identifiées, il s’agit de trouver la bonne et de l’exécuter, ce qui blanchira les deux autres. Tomas Nevinson s’y installe, décroche un emploi de professeur, et se met en chasse …
  • Tomas Nevison est la suite de Berta Isla, paru en 2019, dans lequel Javier Marias brossait déjà, en donnant la parole à Berta, un portrait de couple sur fond d’intrigue policière.

Points forts

  • Pourquoi sortir d’une retraite, certes anticipée, pour retourner à sa vie d’avant ? C’est la question qui agite Tomas Nevinson au début de l’histoire. Il mesure la difficulté de se « réinsérer », à la fois en tant que salarié, mari et père dans cette petite vie tranquille. Le besoin de faire partie de « quelque chose de plus grand » le questionne sur le sens qu’il souhaite donner à sa vie.
  • La mission lui est présentée comme relativement facile, pour être réglée en quelques semaines, voire deux ou trois mois ! Mais il va devoir mener trois enquêtes parallèles, en s’immisçant dans la vie de ces trois femmes, qui présentent des profils et des histoires très différentes. Rien ne semble les relier à ces terribles attentats, elles sont comme ces agents dormants qui peuvent être réactivés à tout moment pour commettre d’autres attentats (nous sommes en 1998, les situations aussi bien en Irlande qu’au pays basque ne sont pas pacifiées comme elles le sont aujourd’hui). Décider laquelle est la coupable nécessite donc d’acquérir une conviction absolue !
  • L’enquête de Tomas Nevinson se transforme ainsi progressivement en quête existentielle, l’interrogeant sur le sens de la haine, du mal, du pardon et de la loyauté.
  • La recherche de la coupable se transforme en véritable cas de conscience, qui l’amène à douter de son propre rapport à l’objet de sa mission, et qui trouve son apogée dans la décision qu’il prend et constitue la fin du livre.

Quelques réserves

Quelques invraisemblances dans la situation de départ pour raccrocher le texte au précédent opus. Pas grand-chose donc …

Encore un mot...

  • Javier Marias est mort le 11 septembre 2022. Pour autant on ne pourra pas faire de Tomas Nevinson son livre testament car son décès, provoqué par une pneumonie liée au covid, fût brutal et imprévisible.
  • Néanmoins, la réflexion de l’auteur sur son personnage qu’il pousse dans ses retranchements les plus intimes grâce à un jeu de masques interroge sur ce qu’est le mal et comment on le combat.
  • Si la vie est un roman, les romans de Javier Marias sont des polars. Si l'intrigue contribue à nous tenir en haleine, la virtuosité, la profondeur et sa maîtrise littéraire le classent au sommet de la littérature.

Une phrase

« La haine nous est inconnue, nous ne devons pas nous la permettre. Nous n’y mettons pas de passion, mais le temps n’avance pas et nous n’oublions jamais rien. Ce qui s’est passé il y a dix ans, pour nous c’était comme si c’était hier. Comme si c’était aujourd’hui même, à cet instant. »

L'auteur

  • Javier Marias est né le 20 septembre 1951 à Madrid, où il est mort en fin d’année dernière, laissant un grand vide dans la littérature espagnole – et la littérature tout court. Il a grandi aux Etats-Unis, où son père, intellectuel, s'est exilé pour causes de divergences idéologiques avec le franquisme !
  • Il publie son premier roman, Los dominios del lobo, en 1971 et devient conseiller littéraire dans une maison d’édition.
  • Vont suivre 15 autres romans, mais aussi des traductions et des chroniques.
  • Il devient membre de l’Académie royale espagnole en 2016 et reçoit en 2012 le prix national de la narration, qu’il refuse, déclinant par principe tout prix à caractère officiel ou institutionnel remis par l'État espagnol.

Commentaires

Jacqueline le Bris
mer 17/04/2024 - 18:36

J'avais commenté en 2014 "Comme les amours" que j'avais trouvé très accompli en terme de conduite du récit et de la subtilité diabolique de l'histoire. Ensuite "Berta Isla" est aussi un livre intelligent et surprenant. En ce qui concerne Tomas Levinson, je partage tout à fait votre sentiment, ce livre plus mélancolique est excellent aussi.

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