La fin de l’homme rouge, ou le temps du désenchantement

Voyage dans le coeur d'un peuple
De
Svetlana Alexievitch
Editions Actes Sud - 540 pages
Notre recommandation
5/5

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Thème

« La fin de l’homme rouge, ou le temps du désenchantement » est dédiéaux citoyens de l'espace post-soviétique : « pendant 70 ans on les a trompés, puis pendant 20 ans encore on les a volés. ». Cet ouvrage n’est en rien une histoire de l'effondrement de l'URSS et du basculement de l'ancien empire communiste dans l'âge capitaliste, mais un voyage dans le cœur et l’âme de l'Homo sovieticus» passé sans transition du totalitarisme à une nouvelle forme de nihilisme.

Pour ausculter l’homme rouge, Svetlana Aleksievitch «pose des questions non sur le socialisme, mais sur l’amour, la jalousie, l’enfance, la vieillesse. Sur la musique, les danses, les coupes de cheveux. Sur les milliers de détails d’une vie qui a disparu. C’est la seule façon d’insérer la catastrophe dans un cadre familier et d’essayer de raconter quelque chose. De deviner quelque chose ». Partant de ces enregistrements elle parvient, après un important «travail de couture», à exprimer l’émotion contenue dans ces témoignages de femmes, d’hommes et d’enfants acteurs et victimes, souvent passifs, de l’histoire qui occulte l’humain en retenant que les faits. La transcription du ressenti, du vécu, de tant d’expériences individuelles apporte un nouvel éclairage sur le 20ème siècle, dont l'historiographie officielle soviétique puis post-soviétique a brossé un tout autre récit.

Points forts

Dés les premières pages, le lecteur entreprend un exceptionnel voyage dans le cœur d’un peuple à la recherche de son devenir. Cela d’autant qu’une excellente traduction valorise un style journalistique faisant que ce recueil d’interviews organisées, se lit comme un roman.

Quelques réserves

Le lecteur féru d’histoire pourrait, au début de sa lecture, souhaiter un rappel plus systématique de repères chronologiques. Pour autant, la richesse affective du récit en fait rapidement oublier le besoin.

Encore un mot...

Au-delà de l'émotion, le lecteur que je suis s'interroge sur le futur d'une Russie où nombre de citoyens, rongés par les violences ordinaires, rêvent d'une grandeur retrouvée.

Une phrase

(Page 345) «  Nos parents vivaient dans un pays de vainqueur, et nous, on vit dans un pays qui a perdu la guerre froide. Ya pas de quoi être fiers ! »

L'auteur

L'actualité internationale amène à se poser beaucoup de questions sur le thème: où en est vraiment la Russie?

Une bonne raison de faire comme Jean-Noel Dibie, relire le livre de Svletana Alexievitch, "La fin de l'homme rouge, ou le temps du désenchantement", lauréat 2013 du prix Medicis essai et sacré "meilleur livre de l'année 2013" par le magazine Lire. Et ce d'autant que Svetlana Aleksievitch a obtenu en 2015 le Prix Nobel de littérature « pour son œuvre polyphonique mémorial de la souffrance et du courage de notre époque ». 

Aujourd’hui biélorusse, Svetlana Alexievitch, née soviétique à Minsk, en 1948, diplômée de journalisme, a dans sa jeunesse enseignée l’histoire et l’allemand. Elle estime qu’«elle ne fait elle-même du journalisme que pour recueillir les matériaux puis en faire de la littérature». En 1983, elle est admise à L’Union des écrivains soviétiques

L'essentiel de son œuvre a pour thème central les drames humains inhérents aux conflits des ères soviétique et post-soviétique: 1985, « La guerre n’a pas un visage de femme » / 1989, « Les cercueils de zinc » sur l’Afghanistan / 1993, « Ensorcelés par la mort » aborde la vague de suicides qui a suivi la chute de l’ex-URSS / 1999, « La Suplication », sur Tchernobyl…). Cette journaliste atypique s’attache, non pas tant aux événements, qu’à l'intimité d’anonymes qui les ont traversés. Elle qui «regarde le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne», sollicite et enregistre les récits de témoins ordinaires, transcrits dans des «romans de voix».

Toujours à la pointe de l’actualité, Svetlana Aleksievitch a publié en mai 2015 «  Un temps de seconde main », sur le conflit armé ukrainien.

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