Puissance & décadence, Une politique de civilisation

La France se prépare-t-elle à abdiquer après avoir renoncé à toute dignité souveraine ? Une réflexion salutaire…
De
Michel Onfray
Bouquins, Essais
Septembre 2022
450 pages
22 €.
Notre recommandation
4/5

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Thème

La France, comme nation, comme peuple et comme civilisation, abandonna l'essentiel de ses pouvoirs souverains en souscrivant, sans trop se soucier de la volonté populaire, aux traités de Maastricht en 1992, puis de Lisbonne de 2008, deux décisions qui rétrocédèrent à l'Union européenne la production et l'initiative de nombreuses règles politiques, économiques et sociales qui réorganisent la France depuis 1992.

Sans jamais l'avouer explicitement, cet abandon de la souveraineté française traduit un profond désamour de sa propre nation par la classe politique, par sa haute administration, par beaucoup d'intellectuels et par les principaux décideurs économiques et sociaux français.

Internationaliste et d'essence oligarchique, l'Union européenne met donc en œuvre, dans les faits, une « vassalisation » de l'Europe occidentale (et donc de la France) par la seule vraie puissance occidentale qui compte vraiment : les Etats-Unis d'Amérique.

Le style, les actes et le droit communautaire, sont ceux que souhaitait Jean Monnet dès 1944 : ce n'est pas au hasard que les Etats-Unis baptisèrent le débarquement en Normandie « overlord » (c'est-à-dire : « suzerain » en bon anglais, p. 82-83) !

Seul contre tous (ou à peu près, dit Onfray) le général de Gaulle refusa ce projet : il lui opposait l'Europe des nations qui fut écartée après son départ en 1969. Les majorités politiques qui gouvernent la France depuis lors (chefs de l'Etat, majorités parlementaires, gouvernements et presque toute l'intelligentsia française) ont endossé l'héritage Monnet, alors que le peuple vota « non » au référendum constitutionnel européen de 2005 !

Points forts

L'auteur n'est jamais aussi clair que lorsqu'il s'attache à parler en philosophe : opposer, par exemple p. 143-173, l'essai philosophique à la française (Montaigne au premier chef) au sabir germanique des Deleuze, Derrida, Lacan, Merleau-Ponty ou Sartre, notamment.

Ce livre est construit autour d'idées simples, posées dans sa préface puis déclinées dans ses huit grands chapitres : la France court à sa perte ; pour échapper au naufrage, elle doit rester lucide. Minée par une pulsion de mort et par sa soumission volontaire à une philosophie décadente qui produit la haine de soi et qui oublie la raison au profit de l'écologie urbaine et du capitalisme vert, elle se laisse berner par un journalisme servile, par sa gauche caviar et même par le wokisme qui, tous, s'opposent à son redressement !

Comment rebondir ? En aidant le peuple français à trouver le ressort et l'astuce nécessaires pour fuir les servitudes volontaires qui l'étouffent ; en étant girondin et non plus jacobin ; en s'inspirant de Proudhon plutôt que de Saint Simon « dont l'Europe de Maastricht procède par plus d'un point » (p.169) avec, en ligne de mire, la retrouvaille d'une souveraineté nationale! Ce livre comprend enfin quelques jolies tournures dont j'extrais ci-après des exemples !

Quelques réserves

Elles sont inséparables de la personne et de la misanthropie patente de l'auteur : j'emprunte donc à Molière quelques mots qu'aurait pu dire Philinte, l'ami vrai d'Alceste :

J'aimerais par moment pouvoir dire à Onfray

Que son verbe en fait trop : « à la Cour, à la ville,

Mon flegme est philosophe autant que votre bile » ! (Le Misanthrope, acte I, sc. 1)

Encore un mot...

L'art de Michel Onfray consiste à exprimer tout haut ce que d'autres ressentent, sans le dire. Et à mettre son amour et sa maîtrise de la philosophie au service de ses convictions profondes. Son péché consiste à laisser filer sa plume aussi vite que sa pensée, ce qui surcharge un discours qui révèle pourtant des pépites (voir infra) !

Une phrase

  • p. 123 : « Elon Musk ne cache pas ses intentions : il veut révolutionner l'industrie...et, surtout, révolutionner l'homme en réalisant le posthumain. »
  • p. 147 : « avec quelques mesures on reconnaît un musicien français...on peut également saisir ce qui fait le son d'un philosophe français : sa ligne claire ! »
  • p. 194 : « je ne souscris pas à une culture qu'au XVIII° siècle on nommait les anti-lumières ! »
  • p. 294 : « la Révolution française abolit la transcendance et ce qui va avec : le sacré. Nous vivons depuis dans la platitude d'un monde profane.»
  • p. 419 : « le nationalisme est l'affirmation de la souveraineté d'un peuple dans son pays ! "

L'auteur

Philosophe et essayiste depuis des années, Michel Onfray est un personnage hors-cadre. Son talent pédagogique a fait beaucoup pour populariser la philosophie en France.

Auteur prolifique, il attire soit une franche adhésion soit la réprobation. Sans être aussi poète, il évoque parfois le Péguy des Cahiers de la quinzaine d'avant 1914 : bretteur et vigoureux polémiste.

Comment le caractériser encore ? Par sa facilité d'expression, par sa prolixité, par son dédain de la compromission, par sa pugnacité et par son tropisme social ; mais aussi par sa dévotion au peuple français, comme le disait Péguy : « Français...peuple honnête...peuple qui assainit tout » !

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